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Le Franc CFA et les perspectives de coopération monétaire entre les 15 pays africains de la zone franc et la France

Le présent article a pour objectif d’éclairer le public sur le rôle du Franc CFA en tant que monnaie et, sur le fonctionnement du compte d’opérations ouvert dans les livres du trésor français par les trois banques centrales des Etats membres de la Zone franc (ZF).

Il participe du débat actuel portant sur la sortie du FCFA ou une hypothétique deuxième dévaluation, et offre aux lecteurs un angle de lecture moins clivant et dépouillé des préjugés qui entourent la perception du FCFA en Afrique en général, et en Afrique centrale en particulier.

Après avoir rappelé dans une première partie quelques principes de base de la coopération monétaire entre les pays de la ZF et la France, nous traiterons dans une seconde partie de l’intérêt et de l’utilité du Franc CFA et du compte d’opérations pour le citoyen africain lambda. Dans une troisième partie, nous explorerons les avantages pour la France de la coopération monétaire avec les pays de la ZF, avant de rappeler les critiques portées contre ce dispositif par certains acteurs africains et étrangers.

Nous tirerons en conclusion quelques enseignements que cette réflexion pourrait apporter dans la quête de solutions pragmatiques et efficaces permettant de transformer résolument les économies africaines tout en garantissant l’harmonie et la qualité de vie des populations.

  1. Rappel de quelques principes essentiels des conventions de coopération portant sur le Franc CFA1

La Zone franc regroupe 14 pays d’Afrique sub-saharienne, les Comores et la France. Bâtie sur les liens historiques étroits qui unissent la France aux pays africains, la Zone franc est issue de la volonté commune de ces pays de maintenir un cadre institutionnel qui a contribué à la stabilité du cadre macroéconomique.

En 1959, les pays d’Afrique de l’Ouest se sont associés au sein de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), créée en remplacement de l’institut d’émission de l’Afrique Occidentale Française et du Togo. La même année, les pays d’Afrique centrale ont créé la Banque Centrale des équatoriale et du Cameroun (BCEAEC), qui deviendra dix années plus tard la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). La Banque Centrale des Comores a, quant à elle, succédé à l’Institut d’émission des Comores en 1981.

Les francs CFA et comorien ont été jusqu’au 1er janvier 1999 ancrés au franc français. Dès l’adoption de l’euro, la monnaie européenne a remplacé le franc comme ancre monétaire des francs CFA et comorien, sans que les mécanismes de coopération monétaire de la zone en soient affectés. La coopération monétaire entre la France et les pays africains de la Zone franc est régie par quatre principes fondamentaux :

1) Garantie de convertibilité illimitée apportée par le Trésor français ;

2) Fixité des parités ;

3) Libre transférabilité ;

4) Et centralisation des réserves de change.

En contrepartie de la garantie du Trésor français, les trois banques centrales sont tenues de déposer une partie (50%) de leurs réserves de change sur un compte dit « d’opérations », ouvert dans les livres du Trésor.

Le 31 décembre 1998, le Conseil de l’Union européenne a fixé le taux de conversion irrévocable entre l’euro et le franc français (1 euro = 6,55957 FF). Ce taux a déterminé automatiquement la valeur de l’euro en franc CFA et en franc comorien. Comme le franc CFA s’échangeait en franc français au taux de 100 FCFA pour un 1 FRF, la parité du franc CFA est désormais de 1 euro = 655,957 FCFA. De la même façon, puisque le franc comorien s’échangeait à un taux de 75 FC pour 1 franc français, sa parité est désormais de 1 euro pour 491,96775 FC. La substitution de l’euro au franc français comme ancre monétaire du franc CFA et du franc comorien n’a donc donné lieu à aucune modification de la parité de ces monnaies.

La France et les autres pays signataires des accords de la Zone franc demeurent les seuls responsables de leur mise en œuvre. Ceci implique notamment que les modifications éventuelles de la parité entre l’euro et les francs CFA et comorien relèvent de la seule responsabilité des États membres de la Zone franc. Les autorités françaises devront toutefois informer le Comité Economique et Financier (CEF) de l’Union européenne préalablement à toute modification de parité et tenir la Commission, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le CEF régulièrement informés de la mise en oeuvre de ces accords.

Une décision du Conseil de l’Union européenne n’est nécessaire que dans deux cas seulement : soit lors d’un changement de la portée des accords (admission d’un nouvel État), soit en cas de modification de la nature même de l’accord (par exemple une remise en cause du principe de garantie par l’État français de la convertibilité à parité fixe des francs CFA et comorien). Toute autre modification demeure de la compétence exclusive des États membres de la Zone Franc.

A ce stade, nous pouvons retenir que le sort du FCFA, qu’il s’agisse de la sortie de la Zone Franc ou de la dévaluation, dépend principalement des dirigeants des pays africains concernés, et par conséquent des peuples de ces pays. Pour autant, la question n’est ni exclusivement politique, ni exclusivement économique et financière. Elle puise ses réponses dans tous ces domaines en même temps, le plus important pour toutes les parties prenantes étant de préserver l’harmonie et la qualité de vie des populations.

  1. Intérêt et utilité du Franc CFA et du compte d’opérations pour le citoyen africain lambda en l’an 2019

« Les préjugés font plus de mal {l’espèce humaine que la raison ne lui sert, parce que l’ignorance est plus générale que le savoir ». Cette citation de Pierre-jules Stahl illustre bien l’état d’esprit dans lequel se trouvent de nombreux africains concernant l’impact du FCFA sur la situation économique et financière de leurs pays et la supposée responsabilité que porte la France à cet effet.

Les préjugés qui entourent la perception du FCFA en Afrique en général, et en Afrique Centrale en particulier, sont nourris par une histoire douloureuse et tragique qu’ont vécu et que continuent de vivre les africains, dans un contexte international marqué par la réapparition des égoïsmes nationaux et une concurrence commerciale exacerbée entre les pays à travers le monde. On peut alors comprendre que, pour les ressortissants africains des pays membres de la ZF, le Franc CFA cristallise aujourd’hui leur ressentiment contre la France, du fait notamment des conventions de coopération qui lient cette dernière aux Etats concernés, et qui les obligent notamment à conserver 50% de leurs réserves en DEVISES (Monnaies étrangères) dans les comptes d’opérations ouverts dans les livres du trésor public français.

Pour « exorciser » ces préjugés, il importe de rappeler que la monnaie est un instrument de payement en vigueur en un lieu et à une époque donnée, du fait de la loi (elle a un cours légal) et des usages (elle est acceptée en règlement d’un achat ou d’une dette). La monnaie est censée remplir trois fonctions principales, quel que soit son pays émetteur :

1) Intermédiaire dans les échanges ;

2) Réserve de valeur ;

3) Unité de compte pour le calcul économique ou la comptabilité.

C’est grâce { ces fonctions que le Franc CFA facilite au citoyen africain lambda les possibilités de s’alimenter, de se loger, d’éduquer ses enfants, de se divertir, etc. Sa fonction d’intermédiaire dans les échanges donne { chacun la capacité d’éteindre les dettes et les obligations, notamment vis-à-vis des entreprises étrangères qui produisent l’essentiel des biens et services que les ménages africains consomment. C’est ce qui constitue le « pouvoir libératoire » de la monnaie. Et c’est cela que garantit la France auprès de tous les partenaires commerciaux et financiers étrangers du Cameroun et des 14 autres pays membres de la ZF.

A titre d’illustration, on observe par exemple que, pour s’alimenter, le ménage camerounais consomme de plus en plus des produits fabriqués { l’étranger, en négligeant sa propre industrie agroalimentaire. Le Cameroun importe par conséquent les produits laitiers, les pâtes alimentaires, le riz, le poisson, les boissons, le sucre, la farine, etc. La même observation peut être faite concernant le logement, la santé, l’éducation, le divertissement, etc., dont les biens et services afférents sont produits principalement à l’étranger.

En effet, bien que les ménages camerounais payent localement en FCFA pour accéder à ces biens et services, les entreprises productrices doivent quant à elles, être payées dans la devise de leur pays d’origine, grâce à un mécanisme de compensation géré par la Banque Centrale via le compte d’opérations. Les entreprises importatrices basées au Cameroun sont ainsi tenues de payer leurs fournisseurs étrangers en devises, généralement en Euros ou en Dollars US. Il revient par conséquent { l’Etat du Cameroun de garantir la disponibilité de ces devises, dans un contexte international de défiance et de forte concurrence. D’où l’intérêt de la coopération monétaire avec la France et la nécessité des comptes d’opérations, dont le fonctionnent s’assimile { celui des comptes à vue des ménages ouverts auprès des banques commerciales et rémunérés.

Nous pouvons retenir { ce stade que c’est moins l’appartenance { la Zone franc que les habitudes de consommation des ménages africains qui constitue un risque majeur pour la dévaluation du FCFA. A titre d’exemple, lorsque les ménages camerounais achètent des biens et des services produits { l’étranger, c’est la monnaie et l’économie du pays producteur de ces biens et services qu’ils valorisent, au détriment du FCFA. Pour protéger leur monnaie les ménages africains et leurs Gouvernements doivent oeuvrer tous ensemble pour :

1) Produire eux-mêmes l’essentiel de ce qu’ils consomment. Ce qui préserve le pays d’une très forte dépendance extérieure et par conséquent d’une forte exigence en réserves de change ;

2) Exporter au minimum autant qu’on importe de l’étranger, afin d’équilibrer la balance des échanges commerciaux et surtout, la balance des payements.

En l’absence de devises disponibles pour payer les fournisseurs étrangers, l’Etat du Cameroun ne dispose que de deux recours essentiels : s’endetter auprès des pays riches ou des partenaires institutionnels de type Fonds Monétaire International (FMI), comme cela a été de nouveau le cas depuis 2018 ; ou alors dévaluer le FCFA pour redonner de la compétitivité { l’économie locale en rendant plus coûteux les produits importés. Encore faut-il que la production locale soit suffisante pour satisfaire les besoins des ménages…

III. Avantages pour la France de la coopération monétaire avec les pays de la Zone Franc en l’an 2019

Les réserves de change des pays de la ZF naissent de la vente { l’étranger des biens et services qui y sont produits, c’est-à-dire pour l’essentiel, les produits du sol et du sous-sol exportés { l’état brut et dont les prix sont fixés par un marché international sur lequel ces pays ne peuvent exercer aucun contrôle absolu.

Pour la France, la coopération monétaire avec les pays de la ZF avait tout son sens et toute son importance en tant que principal partenaire commercial desdits pays. Leurs réserves en devises étaient alors maîtrisées et destinées exclusivement { la France, en contrepartie des matières premières exportées presque totalement vers la même France. Ce qui garantissait d’une part, des prix très compétitifs aux entreprises françaises qui achetaient par exemple les matières premières du Cameroun et, d’autre part, le payement à bonne date de leurs factures (libellées en franc français) à celles des entreprises qui vendaient leurs biens et services aux ménages camerounais.

Cependant, les crises économiques et financières qui se sont succédées depuis le début des années 1970 ont ébranlé la confiance des pays africains vis-à-vis de la France, cette dernière n’étant pas parvenue à trouver des solutions pour juguler la baisse des prix des matières premières, et par conséquent l’effondrement des réserves de change.

Il est apparu en effet que la coopération monétaire servait davantage les intérêts de l’économie française, dont le pays gardait l’assurance, en tant que partenaire commercial presque exclusif, de l’accès aux matières premières et du recouvrement de ses créances éventuelles lorsque les prix desdites matières premières remonteraient. Ce qui permettait alors { l’Etat français de continuer de garantir la signature des pays de la ZF auprès des entreprises françaises, voire même de consentir à ces dernières des avances en devises, par le débit des comptes d’opérations.

Toutes choses qui préservaient la compétitivité de ces entreprises pendant que les dirigeants africains étaient contraints de sacrifier la qualité de vie de leurs populations, d’abord en souscrivant aux différents plans d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque Mondiale ; ensuite en concédant la première dévaluation du FCFA en Janvier 1994. Au-delà des crises sus-évoquées, l’évolution de l’environnement économique et politique international dont la libéralisation des échanges, la rupture du système monétaire international de Bretton-Woods, les crises de la dette et enfin la création de l’euro, a fini de convaincre les dirigeants africains de diversifier leurs partenariats commerciaux et de renégocier substantiellement les contraintes relatives à la coopération monétaire avec la France. Le pourcentage des avoirs des banques centrales qui doit être déposé au Trésor français passe ainsi de 100 % (hors avoirs FMI) à 65% en 1972-1973, puis à 50% en 2005 pour la BCEAO et en 2007 pour la BEAC3.

3 Guillaumont P. et S. Guillaumont Jeanneney (2012), Les accords de coopération monétaire de la Zone franc : atouts et contraintes, Document présenté le 23 Novembre 2012 dans le cadre du Symposium du 40ème Anniversaire de la Banque des Etats d’Afrique Centrale « Intégration monétaire en Afrique : expériences et perspectives »

4 Kako Nubukpo, « La zone Franc et le Franc CFA méritent un sérieux dépoussiérage », publié sur www.financialafrik.com, le 28 Janvier 2019 /

Dans cette nouvelle configuration des relations internationales, l’intérêt de la France pour le FCFA et la Zone Franc peut sembler fortement dilué, car sa position de garante de la stabilité du cadre macroéconomique des pays africains servirait alors les intérêts de ses concurrents au niveau international (Chine, Russie, Brésil, Etats-Unis, Inde, etc.). La tentation est alors forte de voir la France durcir les conditions de fonctionnement des comptes d’opérations, en prohibant par exemple les débits en compte, sous le prétexte de nourrir indirectement la concurrence chinoise, russe, etc. Ce d’autant que, comme le relève Kako Nubukpo4, « dans les faits, ce dépôt est rémunéré (au taux de la facilité marginale de la BCE) et son montant (peu ou prou 15 milliards d’Euro) ne représente que 0,5% de la dette publique française. Il peut d’ailleurs en être difficilement autrement car le produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble de la zone Franc ne représente que 7% du PIB français, pour une population deux fois et demi plus importante. »

Mais cela ne se vérifierait que si les économies des pays membres de la ZF demeuraient dans un état embryonnaire, caractérisé par un faible tissu industriel et un marché étroit pour les biens et services produits en France. Or, la pression démographique que subissent les pays africains obligent leurs dirigeants { mettre en oeuvre des politiques ambitieuses pour la transformation industrielle de leurs économies, seul véritable gage pour la croissance et l’emploi, face aux risques d’implosion sociale et aux menaces sécuritaires y relatives. De même, cette poussée démographique devrait rassurer la France quant aux débouchés dont pourraient encore bénéficier les entreprises françaises en Afrique. Un durcissement des conditions de coopération serait contreproductif pour la France et pourrait accélérer la sortie des pays africains de la ZF ; tandis que le maintien des relations historiques et constructives offrirait des perspectives favorables à toutes les parties prenantes.

De telles perspectives obligent toutefois { s’interroger sur la capacité de la France à continuer de soutenir les balances de payement des pays africains de la ZF dont le volume de transactions pourrait croitre de façon exponentielle dans les vingt prochaines années…

  1. Rappel des principales critiques portées contre le Franc CFA

Les critiques formulées contre le système de coopération monétaire qui lie la France aux pays de la ZF se cristallisent autour du FCFA et peuvent être résumées en six points essentiels :

  1. Le FCFA est perçu comme un héritage colonial et symbolise la domination française sur les anciennes colonies, au mépris des droits humains fondamentaux. « La France, une ancienne puissance coloniale, fait circuler sa monnaie dans 15 pays alors même qu’elle ne l’utilise plus, c’est une situation exceptionnelle », s’insurge l’économiste camerounais Martial Ze Belinga5. Il est opportun de rappeler { cet effet qu’au moment de sa création, l’acronyme signifiait « Franc des Colonies françaises d’Afrique ». Par la suite, il est devenu le franc de la Communauté financière africaine pour les Etats de l’UEMOA et le franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays de la CEMAC ;

5 Comprendre le franc CFA en quatre questions, Article publié par Anne Cantener ‚ Alice Pozycki et Matthieu Millecamps sur le site www.rfi.fr le 30 août 2017

6 Kako Nubukpo, « Le franc CFA asphyxie les économies africaines », Publié sur le site www.lemonde.fr le 29 août 2017 à 11h13 – Mis à jour le 09 décembre 2017 à 12h14

  1. Le FCFA consacre la perte de souveraineté monétaire des pays de la Zone Franc. Selon l’économiste togolais Kako Nubukpo6, la garantie du Trésor français dont bénéficie les pays de la ZF s’assimile { un régime féodal où la France représenterait la classe de nobles propriétaires terriens (nobles féodaux) tandis que les pays africains représenteraient la masse exploitée des paysans et de serfs, en théorie libres mais néanmoins attachés juridiquement { la terre qu’ils cultivent (et donc à leurs seigneurs propriétaires). Il estime en effet que « comme dans le régime féodal, elle conduit d’abord les dirigeants africains { payer le « seigneuriage » au Trésor français via le compte d’opérations, puis { réclamer la protection de la France contre les conséquences de cet arrangement institutionnel d’un autre temps, à savoir la perpétuation de la prédation des élites politiques et économiques, l’accroissement de la pauvreté des populations et la montée des insécurités ».

 

  1. Le FCFA participe de la répression de la demande, comme choix stratégique opéré par les autorités africaines pour maîtriser l’inflation. Selon Kako Nubukpo « lutter contre l’inflation revient soit { réduire la demande globale, soit { augmenter l’offre globale, ou { faire un peu des deux. Dans le cas de la zone franc, la première solution a été privilégiée, dans la mesure où la hantise des autorités monétaires réside dans le fait qu’une demande globale interne satisfaite par des importations massives de biens et services puisse se traduire par une sortie de devises. Or ces devises, encore appelées réserves de change, sont indispensables pour garantir la parité fixe entre le franc CFA et l’euro, véritable mantra de la politique monétaire et de change des deux principales banques centrales de la zone franc (BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest et BEAC pour l’Afrique centrale). Leur sortie exagérée pourrait engendrer un risque sérieux de dévaluation du franc CFA. »

 

  1. Le FCFA ne sert ni l’intégration commerciale des pays membres de la ZF au niveau régional ou international ni leur croissance économique. Selon Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri7, deux économistes nigériens « la monnaie commune n’a servi ni l’intégration des pays membres ni leur croissance économique, deux conditions essentielles à leur développement. Le commerce intra zone franc CFA est de l’ordre de 15 % et tous les pays de l’Union économique et

7 Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri, « L’inertie du franc CFA empêche chaque pays d’être réactif en cas de choc économique », Publié sur le site www.lemonde.fr le 09 mai 2017 à 11h45 – Mis à jour le 09 mai 2017 à 11h45 monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont un développement humain parmi les plus faibles du monde. »

Pour Kako Nubukpo, « l’économie du Franc CFA est restée celle de la sujétion coloniale : c’est une monnaie qui maintient l’insertion primaire des économies de la zone Franc au sein du commerce international, dans la mesure où son utilisation n’a pas permis d’amorcer la transformation sur place de matières premières et encore moins les échanges entre économies de la zone Franc. Elle obère également la compétitivité-prix { l’export des économies qui l’utilisent. Elle incite enfin { la double répression financière et monétaire, du fait de la primauté de la défense de sa parité fixe avec l’Euro au détriment du financement des économies de la zone Franc ».

  1. Le FCFA est perçu comme une cause structurelle du niveau élevé des taux d’intérêt observé dans la ZF, et par conséquent des difficultés d’accès au crédit des entreprises. Kako Nubukpo estime que la totale garantie de convertibilité entre le franc CFA et l’euro d’une part, et la liberté de circulation de capitaux entre les deux zones d’autre part, constituent une véritable pompe aspirante des capitaux hors de la zone franc, d’autant plus aisée { réaliser qu’il existe un taux de change fixe entre le franc CFA et l’euro, donc zéro risque de dépréciation monétaire. Ce qui a pour conséquence que « les taux d’intérêt nominaux en zone franc restent élevés et, comme l’inflation y est faible, ceci met les taux d’intérêt réels { un niveau largement supérieur aux taux de croissance économique observés dans la zone. »

 

  1. Le FCFA et son taux de change fixe prive les pays de la ZF de la possibilité de trouver des solutions appropriées aux chocs exogènes. Partant du constat que les économies des pays qui composent la ZF ne sont pas suffisamment synchronisées pour qu’une seule politique monétaire puisse être aussi efficace qu’elle l’aurait été dans un seul Etat, Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri conclut que « le franc CFA et son taux de change fixe avec l’euro privent chaque pays de la possibilité d’une réponse appropriée { son propre choc. Cette inertie a un coût différent pour chaque pays et presque chacun d’eux en a fait l’expérience { un moment ou à un autre ». Selon les deux économistes, « iI est impossible de satisfaire, en même temps, trois des exigences de la politique monétaire contemporaine, et même difficile et risqué d’en cibler deux parmi les trois que sont : assurer la stabilité des prix et le plein-emploi par le contrôle des taux d’intérêts nominaux, stabiliser le taux de change de la devise avec une parité fixe par rapport à une monnaie (ou un panier de monnaie de réserves), et permettre la libre circulation de la monnaie sans contrôle du mouvement des capitaux ».

 

  1. Conclusion : Que retenir de tout ceci par rapport au débat sur la sortie du FCFA ou la dévaluation, et surtout aux perspectives économiques et financières des pays de la ZF ?

Au regard de tout ce qui précède, une chose demeure constante : face à la pression de la croissance démographique et aux exigences légitimes d’amélioration continue de la qualité de vie manifestées par les populations, les pays africains sont désormais tenus d’apporter des solutions pragmatiques et efficaces.

Quelle que soit leur position vis-à-vis du FCFA, toutes les parties prenantes s’accordent sur un point essentiel : le véritable défi de la zone franc réside dans la capacité des pays africains à transformer structurellement leurs économies, à réduire drastiquement les taux d’intérêt débiteurs, à orienter le crédit vers la production et non dans le négoce, et à développer les exportations intra-zone et extra-zone.

Relever ce défi appelle une approche holistique permettant d’aborder le problème sous tous ses aspects, en gardant { l’esprit l’essentiel : le développement humain. Ceci est d’autant plus nécessaire que la contribution citoyenne de chaque individu est requise dans ce processus de développement nécessairement inclusif.

Le citoyen africain doit prendre conscience de son rôle stratégique en tant que consommateur, investisseur, entrepreneur et électeur. La réalisation des trois premières fonctions est déterminée par la dernière, car il revient aux politiques de mettre en œuvre des programmes qui satisfont aux attentes manifestées par les citoyens en tant que consommateur, investisseur et entrepreneur. La sortie du FCFA et la dévaluation sont des décisions essentiellement politiques et doivent être traitées comme telles par les professionnels en la matière ; à charge pour ces derniers de s’assurer que les mécanismes de substitution envisagés pour remplacer le dispositif actuel (coopération monétaire avec la France) offrent un niveau de crédibilité technique et financière qui sécurise les intérêts de toutes les parties prenantes.

Pour l’heure, que ce soit au niveau de l’Union Africaine, ou des différentes Communautés Économiques d’Afrique, le choix prioritaire des dirigeants africains semble se porter sur la transformation structurelle des économies par l’industrialisation durable comme alternative aux solutions purement monétaires telles que la dévaluation ou la sortie du FCFA. Cette option stratégique présente l’avantage d’offrir { toutes les parties prenantes des opportunités de collaboration immédiate sur tous les plans : politique, économique, social, environnemental, etc.

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