Fracture numérique en Afrique subsaharienne : la facture aux microentreprises

70 % d’entre elles préfèrent encore se passer des technologies liées à Internet en raison du coût élevé des forfaits de données. Bien plus, l’écart se creuse entre celles informelles et les grandes entreprises formelles.

« Le principal défi pour l’Afrique est sa faible utilisation productive des Technologiques numériques (TN). Tant que les entreprises que les ménages doivent avoir une plus grande capacité de paiement et une plus grande volonté d’utiliser ces technologies de manière productive ». Les données de la Banque mondiale sont encore plus alarmantes concernant les entreprises de petite taille. Le rapport publié récemment fait en effet observer que « la numérisation des entreprises est également faible, et les forfaits de données destinés aux petites et moyennes entreprises africaines sont plus chers que dans les autres régions ». Conséquence : « 70% des microentreprises interrogées ne perçoivent pas la nécessité ou l’avantage d’utiliser les technologies liées à internet », déplore l’institution de Bretton Woods.

Retard
L’institution bancaire mondiale tente d’expliquer cette situation en mettant en exergue des données d’ordre général. À l’en croire, « 40 % de la population vit en dessous du seuil mondial d’extrême pauvreté, ce qui signifie que le coût des forfaits de données mobiles, même de base, représente environ un tiers de leurs revenus. Seuls quelque 5 % des ménages extrêmement pauvres sont connectés à Internet ». Cet état de chose est pris en compte par les microentreprises au moment d’arrêter leurs budgets. Le choix est alors souvent vite fait de se passer des technologies numériques. Compte tenu du pourcentage important que cela va représenter d’investir dans leur acquisition. Et alors que les gains en productivité pourraient être énormes.

Le résultat des cours est qu’il n’y a pas une amélioration des indicateurs et de la position du continent noir dans les différents classements en la matière et par rapport à d’autres régions du monde. Bien au contraire. Puisque « bien que la disponibilité de l’Internet mobile ait augmenté dans la région au cours des dernières années, elle reste à la traîne par rapport aux autres régions du monde, notamment en ce qui concerne la qualité des services numériques, doit qui être soutenue par une infrastructure fiable et résiliente», regrette également la Banque mondiale. Laquelle précise d’ailleurs que «le taux de 22% seulement d’utilisation des services Internet mobiles est le plus faible au monde».

Écart formel-informel
La survenue de la pandémie de la Covid-19 a eu un double effet sur la situation générale. Il y a eu d’un côté « une augmentation des investissements dans les infrastructures numériques », affirme l’institution de Bretton Woods. Seulement de l’autre, cela ne s’est pas « accompagné d’augmentation similaire de l’utilisation », relève-t-elle aussi. Y compris dans les entreprises de petite taille. La preuve, « des fractures numériques se sont même creusées entre les grandes entreprises formelles et les microentreprises informelles », présente globalement le rapport.

À ce stade, la Banque mondiale questionne trois paramètres : la capacité de payer, la volonté d’utiliser les TN et les facteurs commerciaux ou socioéconomiques relatifs à l’environnement des affaires. Sur la capacité de payer, il est constant pour l’institution bancaire mondiale que « les petites et moyennes entreprises africaines sont confrontées à des prix élevés et manquent d’offres commerciales adéquates en termes de débit et des offres de données proposées, ainsi qu’ à la disponibilité à un prix abordable d’infrastructures complémentaires, en particulier pour une électricité fiable, des services de transport et de logistique ».

Quant à « la volonté d’utiliser les TN, elle est liée à la fois aux capacités des entreprises et à l’attractivité des TN, elle-même liée à la fois à la disponibilité d’informations sur les TN et à la capacité de celles-ci de répondre aux besoins productifs des utilisateurs», résume le rapport.

Fait intéressant toutefois, « l’association entre l’utilisation de la technologie et la productivité est par exemple plus forte pour les entreprises sénégalaises informelles que formelles. Il existe également une association positive entre l’utilisation de technologies plus avancées et la croissance de l’emploi au Sénégal (entreprises formelles) et au Ghana ». Un autre aspect également encouragé par la Banque mondiale est que « les microentreprises ont montré tout de même une progression positive du nombre de TN plus des améliorations associées à des niveaux plus élevés de productivité, de ventes et d’emploi ». Il faut simplement pour celles-ci persister dans cette direction.

Jeunes et femmes
Dans le même temps, l’écart se creuse aussi entre les entreprises détenues par des hommes jeunes et celles détenues par des femmes plus âgées. Et entre les ménages plus riches, urbains et plus instruits, et les ménages plus pauvres, ruraux et moins éduqués ». L’explication fournie par la Banque mondiale veut que « 3 % seulement des microentreprises détenues par des femmes âgées de plus de 30 ans utilisent un smartphone ». Et que «la fracture numérique dans l’utilisation de l’ordinateur est encore plus profonde : seuls 2 % des microentreprises appartenant à des femmes jeunes (30 ans ou moins) utilisent un ordinateur, alors que quatre fois plus (8 %) de microentreprises appartenant à des hommes jeunes le font».

L’écart d’adoption et, par voie de conséquence, d’utilisation d’Internet est en définitive de 74 % en moyenne dans l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne. Les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) comprennent. C’est le plus élevé au monde. Il n’a pourtant cessé de se réduire en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, notamment.

Théodore Ayissi Ayissi

 

Un impératif pour la Banque mondiale

« Bien que la disponibilité de l’Internet mobile ait augmenté en Afrique au cours des dernières années, tant que l’infrastructure que la qualité des services Internet reste disponible en retard par rapport à ceux des autres régions ». Le rapport du Groupe de la Banque mondiale intitulé « Afrique numérique : transformation technologique pour l’emploi » ne s’arrête pas à ce constat. Ses auteurs notent par exemple que « bien que 84 % des Africains vivent dans des zones où un niveau de qualité minimal des services Internet mobiles 3G ou 4G est disponible, seuls 22 % d’entre eux utilisaient effectivement ceux-ci à la fin de 2021 ».

À les croire pourtant, des preuves solides existent et améliorent que « la disponibilité d’Internet peut augmenter les emplois et réduire la pauvreté ». À la condition cependant que « les politiques accordent la priorité aux outils numériques destinés à un usage productif, pour produire des contenus inclusifs et liés à l’emploi tout en élargissant la couverture d’un Internet à haut débit de meilleure qualité », plusieurs insistants vice-présidents de l’institution de Bretton Woods.

Il est en effet clair pour Guangzhe Chen, Ousmane Diagana et Victoria Kwakwa que « ces outils numériques peuvent faire naître une plus forte demande permettant, à son tour, d’augmenter les investissements dans des technologies numériques et complémentaires de meilleure qualité ». Car en définitive, « la technologie numérique est un ingrédient nécessaire à la transformation économique, et elle joue un rôle dans la résolution de multiples défis, allant de l’éducation à l’énergie », est-il expliqué. Lire le zoom.

Théodore Ayissi Ayissi

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