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Formes et formules de solidarité africaines pour confiner COVID-19

Au moment où le Cameroun a atteint 8 décès et 246 cas positifs, c’est-à-dire des personnes atteintes par la maladie au Corona Virus, et dans l’impossibilité de mobiliser la pharmacopée traditionnelle pour venir à bout d’une contamination et expansion exponentielle de la pandémie,  Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ) suggère des approches et modalités d’organisation sociale pouvant aider à soutenir l’accompagnement actuel ou à venir des populations.

 

Dupleix Kuenzob Secrétaire Exécutif DMJ

La crise sanitaire d’envergure mondiale qui frappe l’humanité comme une nébuleuse n’épargne pas le continent africain. L’Afrique au Sud du Sahara, on ne le dira jamais assez est confrontée pour la majorité de ses Etats, à un système sanitaire fragile, peu évolué et mal structuré, court le risque de payer le lourd tribut de cette pandémie mondiale si des mesures de confinement strictes ne sont pas appliquées pendant qu’il est encore temps. Du moment où la Chine affirme avoir réussi à contenir l’expansion du virus COVID-19 entre autre grâce au confinement total, il est urgent pour l’Afrique de et le Cameroun de s’y lancer, bien évidemment en imaginant déjà des scénarii de prise en charge.

Au Cameroun, le confinement partiel à été décrété le 13 avril 2020 comme l’une des 13 mesures du Chef de l’Etat pour faire face à l’expansion du virus sur le territoire. Mais très vite, des voix se sont levées pour critiquer la faisabilité ainsi que les conséquences économiques du confinement fut-il partiel dans notre pays marqué par un contexte socio-économique fragile et où plus de la moitié des ménages vivent au jour le jour, c’est-à-dire du revenu journalier des chefs de famille. Cette réalité  implacable si elle est mal analysée peut s’opposer aux restrictions édictées. Pourtant en face, une autre réalité irréfutable qu’il ne faudra pas expérimenter, c’est l’incapacité de nos formations hospitalières à faire face à un seuil d’affluence de patients souffrant des complications des effets de COVID-19 sur leur santé.

Le plateau technique susceptible d’être déficitaire en cas d’affluence, les professionnels de la santé et les responsables du Ministère reconnaissent que nous ne sommes pas préparés à faire face à une crise de l’ampleur des pays occidentaux, car le personnel soignant est en nombre insuffisant,  la conscience professionnelle de plusieurs laisse à désirer. Aussi, le personnel médical des pays amis est quasi débordé en se moment pour se mobiliser pour venir à notre rescousse. C’est dire qu’il faut penser ou activer une forme de solidarité sociale que le peuple et principalement le bas peuple pourrait mettre en place pour prévenir l’infection de masse et organiser la subsistance si le confinement venait à se durcir.

Pour s’en sortir, les camerounais ont le défis de s’organiser depuis la base. Le contexte de décentralisation leur donne les moyens légaux de le faire. Car le développement et la conduite de l’action publique au niveau local doivent se faire de façon participative. A ce sujet rien n’interdit à une Collectivité Territoriale Décentralisée sous l’impulsion de son Maire, d’organiser le confinement à son niveau local. Selon notre perception de la participation promue dans la loi du 24 décembre 2019, les citoyens doivent prendre l’initiative de s’auto organiser à l’échelle de « bloc » autour des Chefs de bloc, car pour ce qui concerne Yaoundé et Douala c’est l’unité d’organisation sociale de base que nous avons observée. Dans les autres Communes qui sont en zone rurale ou périurbaine, il y a des Chefs de 3e degré.

A l’initiative des leaders naturels, des chefs de blocs sous l’encadrement des chefs de 3e degré et à un plus haut niveau du Maire et du Sous-préfet doivent gérer le confinement. Dans cette logique, les chefs de ménages doivent se concerter avec leur chef de bloc pour :

  • Evaluer le niveau d’appropriation, de respect et les difficultés de mise en oeuvre des 13 mesures gouvernementales ;
  • Identifier et recenser les familles et ménages constitutives des différents blocs à l’intérieur des quartiers et les documenter dûment dans des registres utiles à l’avenir pour la redevabilité.
  • Evaluer de façon objective les besoins de bases des ménages du bloc et établir une échelle de précarité des ménages en fonction des revenus du chef de ménage et du nombre de bouche à nourrir ;
  • Mettre sur pied un comité de vigilance composé de volontaire pour veiller au respect de l’application des mesures gouvernementales et des moyens de domestication de celles-ci au niveau local ;
  • Mettre sur pied un moyen de communication entre les volontaires et les autorités suivant la chaine de prise de décision sociale ;
  • Mettre sur pied un comité de collecte et de circulation des informations officielles et de partage des expériences personnelles éprouvées ;
  • Mettre sur pied des scénarios réalistes de mobilisation et de constitution des réserves alimentaires endogènes et de redistribution d’une éventuelle manne gouvernementale ou des ONG internationales ;
  • Barrer la route à toute forme de détournement d’une éventuelle assistance de l’Etat ou des organismes humanitaires d’approvisionnement en denrées alimentaires et surtout se rassurer de l’équité dans le partage.

Comment cela peur se faire de façon opérationnelle et réaliste ?

  • Il faut tout d’abord que chacun comprenne conscience et se mette d’accord sur la gravité de la situation ;
  • Il faut que les membres de la communauté soient convaincus que seul ont ne pas se tirer d’affaire et que c’est ensemble qu’on peut faire face à la pandémie
  • Les réunions doivent se tenir dans un espace ouvert et la participation des chefs de ménage doit être obligatoire
  • Le facilitateur de la séance doit mettre en avant l’importance de la solidarité africaine et de la mutualisation des efforts

Cette approche décrite n’est pas irréaliste, car à DMJ nous l’avons expérimentée en 2018 avec les leaders jeunes pour des questions de salubrité à Yaoundé. A coté de cela, nous avons les camerounais originaires de l’ouest qui ont une grande expérience de la solidarité à travers la pratique de la tontine. La différence avec notre approche c’est celle de se dire que nous avons la responsabilité de nous sauver tous ou de périr collectivement. A cet effet, nous pensons que chaque communauté doit valoriser les compétences et les expériences des uns et des autres. Les rencontres doivent être plus orientées vers l’action et moins dans les discours.

Le peuple, le bas peuple dispose de deux options: soit attendre que le gouvernent organise tout et vient le leur servir à domicile, ce qui est anachronique par rapport au contexte de décentralisation, ou alors s’auto organiser pour inciter ou faciliter le gouvernement à poser des actions d’assistance.

Arnaud Tonga Tonga Junior

Chargé de Recherche et Suivi Evaluation

Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ)

Tel: 651173741

 

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