Le Fonds monétaire international vient d’invalider la stratégie gouvernementale de traitement des créances douteuses des banques. L’institution accorde par ailleurs plus de temps aux autorités camerounaises pour la réalisation de l’audit sur les arriérés de paiement dus au secteur privé.
Une phrase retient l’attention dans le communiqué qui sanctionne la dernière mission du Fonds monétaire international (FMI) au Cameroun : «tous les repères structurels jusqu’à fin octobre ont été mis en œuvre, à l’exception de deux repères qui ont été modifiés et reprogrammés». Selon un membre de la délégation du FMI qui a séjourné à Yaoundé entre le 24 octobre et le 3 novembre 2017, les deux repères non mis en œuvre sont l’audit des restes à payer dus au secteur privé pour les exercices budgétaires antérieurs à 2017 et l’adoption d’une stratégie pour apurer le portefeuille des créances en souffrance au niveau des banques commerciales. Ces deux mesures doivent désormais être réalisées au courant de la première moitié de 2018. Elles seront évaluées lors de la deuxième revue du programme d’ajustement appuyé par le Fonds.
Crédibilité
Selon le mémorandum de politiques économiques et financières (MPE, 2017-2019), joint à la lettre d’intention du gouvernement camerounais adressée au FMI, l’audit des arriérés devrait initialement être réalisé et le rapport envoyé à l’institution de Bretton Woods au plus tard en septembre 2017.
Mais entretemps, indique-t-on au FMI, «le gouvernement nous a approché pour nous expliquer que si lui-même réalise l’audit, il pourrait y avoir des problèmes de crédibilité. Il serait mieux que cela soit fait par un cabinet indépendant de sorte qu’il ne soit pas accusé d’avoir fait du favoritisme ou reçu un pot – de – vin pour valider la créance d’un tel». Bonne intention à priori. «Sauf que cette approche prend plus de temps parce qu’il faut faire des appels d’offre et ce n’était plus possible de le faire en septembre. Nous avons pensés qu’en reprofilant ce repère dans le temps et en faisant un audit externe, ce serait beaucoup plus crédible», ajoute notre source.
Au ministère de l’Economie de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), où cette information est confirmée, on affirme que l’appel d’offre pour la sélection du cabinet devrait être lancé bientôt. Mais si cette décision est salutaire, elle prolonge le délai d’attente des entreprises. Le plan d’apurement progressif de ces restes à payer, qui devrait être précédemment disponible en décembre 2017, le sera finalement au premier semestre 2018 au plus tôt.
Réserves
Contrairement à la première mesure non mise en œuvre, le gouvernement camerounais a bien réalisé la stratégie d’apurement de créances douteuses des banques commerciales, comme prévu dans le MPE. «Mais ce plan nous semblait présenter trop de risques pour les finances publiques. Le traitement de ces créances douteuses allait coûter à l’Etat trop cher. On s’est accordé avec le gouvernement pour qu’il prenne plus de temps, qu’il revoie les dispositions pour le traitement de ces créances douteuses et qu’il propose quelque chose à la Cobac (Commission bancaire d’Afrique centrale) qui minimise les risques pour le budget de l’Etat (fiscaux)» indique le FMI.
La qualité des actifs bancaires s’est détériorée en 2016. Les prêts en souffrance sont passés de 376,3 à 448,9 milliards de francs CFA en 2016. Le ratio des crédits en souffrance par rapport au total des crédits a ainsi augmenté de 12,5 en 2015 à 14,1 % l’année suivante, freinant l’attribution du crédit au secteur privé. Dans le but de dynamiser le crédit au secteur privé, il est alors question d’apurer ces créances en souffrance. Pour cela, la stratégie envisage «soit des restructurations pour les créances dont les débiteurs offrent des perspectives de solvabilité, soit des recouvrements forcés pour les autres, voire un passage par pertes et profits pour les plus anciennes». Pour le dernier cas de figure, l’Etat prévoit de racheter ces créances et de faire recours à la Société de recouvrement des créances du Cameroun (SRC) pour les recouvrer. A ce sujet, le FMI demande aux autorités camerounaises de mettre à niveau la méthodologie d’évaluation du prix de rachat des actifs douteux. L’institution de Bretton Woods recommande par ailleurs que la stratégie soit accompagnée d’un plan d’action avec des échéances bien déterminées et que le rôle de chacun des acteurs soit bien définis.
Aboudi Ottou