Finale Égypte-Cameroun : C’était il y a 36 ans…

Évocation d’un match mentalement et physiquement éprouvant pour les deux équipes.

Malgré diverses polémiques, le pays des Pharaons a fait le nécessaire: ils ont atteint la finale. Pour y arriver, ils ont connu un parcours difficile. Ils ont ouvert leur tournoi, devant leur public, par une défaite humiliante (1-0) face aux Lions de la Téranga. Battus, les joueurs du Gallois Mike Smith n’ont plus le choix: ils doivent impérativement s’imposer pour passer. Deux succès (2-0) face à la Côte d’Ivoire puis au Mozambique et une différence de buts tout juste supérieure (d’un but…) leur permet de terminer en tête devant la Côte d’Ivoire et le Sénégal. En demi-finale, le Maroc s’accroche mais Tahar Abouzeid, le chouchou des Cairotes, délivre les Pharaons dans le dernier quart d’heure. En route donc pour cette finale inédite!

Au Caire ce 21 mars 1986, ils affrontent les Lions Indomptables. Pour parvenir là, les Lions Indomptables, dirigés par un jeune technicien français, Claude Le Roy, ont battu la Zambie et l’Algérie sur le même score (3-2) au premier tour. Seul le Maroc a résisté (1-1). À 33 ans, Roger Milla a fait parler de lui. Les gardiens Zagoli (Côte d’Ivoire), Badou Zaki (Maroc), Drid (Algérie) et Chabala (Zambie) ont vu leurs filets secoués. Quatre buts comme autant de coups de griffes qui ont envoyé les Lions indomptables en finale. En demi-finale, le Cameroun a difficilement pris l’ascendant sur la Côte d’Ivoire (1-0). Champion sortant et titré deux ans plus tôt à Abidjan, aux dépens du Nigeria (3-1), le voilà fin prêt à défendre chèrement son dû.

Le match en lui-même est un combat. Les Pharaons sont favoris, en vertus de leur statut d’hôtes, mais le Cameroun est rajeuni et revitalisé par Le Roy, avec l’apport de nombreux éléments inconnus un an auparavant (les frères Biyik, François Omam et André Kana; Victor Ndip, Emile Mbouh, Mfédé, Sinkot). Évidemment, quelques anciens champions deux ans plus tôt sont alignés, mais la ligne directrice du Français est simple: du jeu, de la jeunesse, de la vitalité et un état d’esprit à toute épreuve. Les Lions Indomptables, défaits par l’Égypte (1-0) lors de la première journée de la CAN 1984, se méfient fortement de ces Pharaons costauds physiquement et prompts à jouer un football britannique, sous l’impulsion de leur sélectionneur gallois. On assiste alors à un véritable choc «culturel» entre une équipe joueuse et une autre, qui préfère un style physique et direct. En vain.

Suspense
Aucun but n’est inscrit au terme des 120 minutes de jeu. Débute alors l’épreuve des tirs au but. C’est l’égalité après la première série: chaque équipe en a transformé quatre, Mbida et Mostefa Abdou ayant raté leur penalty. Dans la deuxième série, l’Égyptien Ashraf Kassem réussit son tir, tandis que la tentative de Kana-Biyick s’écrase sur le poteau de El Batal. L’Égypte remporte la CAN pour la troisième fois de son histoire, devant un public en délire.

Après le temps règlementaire et la prolongation, qui ne voit pas le score évoluer (0-0), la séance des tirs au but va départager les deux rivaux continentaux. Le déroulé va être terrible: Yehia transforme, imité par Mfédé (1-1). Abdelghani poursuit, Kundé égalise (2-2). Nkono donne alors l’avantage aux siens en détournant d’une main ferme le tir d’Abdou. Mbida a l’occasion d’offrir à son pays l’avantage mais El-Batal stoppe facilement! Ali Shehata donne le 3-2, mais Milla égalise en force (3-3). Mayhoub redonne l’avantage aussitôt annulé par Aoudou (4-4). Le Zamalkaoui Ashraf Kassem, plus jeune joueur (19 ans) des Pharaons, transforme la tentative d’une frappe dans la lucarne. S’avance alors André Kana Biyik: s’il rate, c’en est terminé: son tir du pied droit à ras de terre fuit le cadre! L’Egypte est sacrée pour la 3e fois de son histoire, devant son public.

L’équipe victorieuse est constituée de huit joueurs du Ahly, dont les vedettes Abouzeid et le vieux «Bibo» Al-Khatib, de trois du Zamalek, de deux du Ghazl Al-Mehalla, dont le futur grand Shawky Gharib. L’intégralité de l’effectif évolue dans le championnat égyptien. «Le trophée nous avait échappé parce que l’agitation politique en Égypte était dangereuse, observe le joueur africain du siècle. Nous avons eu peur pour nos vies, surtout qu’on avait de nouveaux jeunes joueurs qui étaient avec nous comme André Kana-Biyick. Ce n’est pas uniquement à cause de ça qu’on a perdu aux tirs aux buts mais…», explique Roger Milla qui s’en souvient comme si c’était hier.

À lire l’analyse de Gérard Dreyfus dans France Football de l’époque, le Stéphanois (Milla joue alors à Saint-Étienne) aura éclaboussé le tournoi de toute sa classe: «L’indomptable, l’infatigable, l’indispensable Roger Milla (meilleur buteur avec un total de quatre buts) a semble-t-il mérité le titre de meilleur joueur pour son opportunisme, pour sa faculté d’être tout à la fois, une individualité capable de faire, à elle seule ou collectivement, la différence. Aucun autre joueur n’a pesé d’une telle manière sur le comportement de son équipe. À cela, il convient d’ajouter un enthousiasme de tous les instants. Au Caire et à Alexandrie, Milla n’a cessé d’être le détonateur des Lions indomptables, d’être un général aux côtés de ses troupes».

Ongoung Zong Bella

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *