Filière bovine en Afrique centrale: l’herbe plus verte en Inde, Argentine et au Brésil

Le Congo, le Gabon et la Guinée Équatoriale affichent une claire préférence pour des importations en provenance de ces trois pays. Au détriment des cheptels du Tchad, du Cameroun et de la RCA, en grande majorité convoités par le Nigéria

La filière bovine constitue également pour la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) une source de préoccupation. Dans la mesure où elle se retrouve aussi, à l’instar de la filière halieutique, au cœur du processus de fuite des devises et d’érosion des réserves de change de la sous-région. Des données disponibles et rendues publiques ce 14 juin 2022 par la Banque centrale donnent en effet à savoir que les pays de la Cemac dépensent environs «237 milliards de francs CFA par an (pour importer hors zone Cemac, Argentine, Inde et Brésil, Ndlr) de la viande et abats comestibles». Alors que les cheptels recensés dans la sous-région suffisent à satisfaire les besoins de la Communauté. À titre d’exemple, l’étude commandée par le Comité de politique monétaire de la Beac renseigne que le Tchad est en la matière bien équipé. Il représente à lui seul «le troisième cheptel d’Afrique».

Importations
«Des six pays de l’Union, seulement trois peuvent être considérés comme producteurs de viande bovine (et autres produits dérivés, Ndlr). Il s’agit du Cameroun, de la RCA et du Tchad». Des indicateurs présentés par la Banque centrale, on retient aussi que «le Tchad possède en termes de cheptel, 55% de l’effectif de la Cemac, suivi du Cameroun et de la RCA. Cependant, tout le cheptel n’est pas destiné à l’exploitation. Dans tous ces pays, le taux d’exploitation des troupeaux est estimé à 12% du potentiel».

Toutefois, le véritable problème relevé ici est l’absence d’un cadre formel d’échange entre les pays producteurs et ceux consommateurs de la Cemac. «Le Congo, le Gabon et la Guinée Équatoriale importent en effet d’énormes quantités de carcasses de viande en provenance de l’Argentine, du Brésil et de l’Inde». L’étude de la Beac démontre pourtant que «le bétail et la viande du Tchad, de la RCA et du Cameroun peuvent potentiellement approvisionner toute l’Afrique centrale». Pour preuve, les exportations bovines de la RCA et du Tchad ont été tellement importantes ces dernières années qu’elles «ont pu couvrir les importations de poisson, se traduisant par un excédent commercial pour chacun d’eux. Mais la somme des gains de ces deux petites économies ne saurait amortir les déficits structurels observés dans les autres pays», souligne toutefois la Banque centrale.

Cela dit aussi, «le Congo, le Gabon et la Guinée Équatoriale s’approvisionnent essentiellement sur les marchés de la zone (s’agissant des animaux sur pied)», se félicite par contre l’institution bancaire sous-régionale.

Exportations vers le Nigéria
S’agissant des exportations, «le Tchad et la RCA sont exportateurs nets dans la zone», commence par souligner l’étude. Seulement, «à la différence du Tchad, la RCA importe également du Soudan (en vue d’écouler vers le Congo et la RDC). La quasi-totalité des exportations du Tchad est en direction du Nigéria, suivi par le Cameroun; et le Nigéria absorbe à lui seul environ 80% des exportations des pays de la Cemac», apprend-on.

À en croire la Beac, «une grande partie du bétail de la Cemac est en effet exportée vers le Nigeria et ces échanges représentent 90% des exportations de bovins du Tchad». Et «au total, il existe quatre grands itinéraires d’exportation de bovins sur pied vers le Nigeria: l’itinéraire du Lac, l’itinéraire de Ndjamena, l’itinéraire de Bongor et l’itinéraire de Pala». Après quoi, selon la Banque centrale, «les animaux sont ensuite acheminés par camion vers Lagos, Ibadan et les autres villes intérieures du pays». On apprend enfin que «le nombre d’animaux empruntant chacun des itinéraires est fonction de nombreux facteurs, notamment: l’importation de bovins soudanais vers la RCA, l’importation de bovins de la RDC vers le Congo, les échanges de bovins entre le Cameroun et le Nigeria».

Freins
Plusieurs facteurs sont identifiés pour expliquer la situation présentée par la Beac. Ils constituent autant de freins au commerce de viande et de bétail dans la Cemac. La Banque centrale évoque notamment «les formalités administratives multiples et relativement onéreuses, les difficultés de mise en œuvre du principe de libre circulation des personnes, des biens et des services, l’absence de statistiques fiables sur les quantités échangées du fait de la prévalence de circuits parallèles d’exportation et de la pratique de la sous-déclaration des quantités exportées». Sont aussi pointés du doigt, «le coût élevé des différents modes de transport, le faible niveau d’organisation des marchés frontaliers, et l’instabilité socio-politique dans les États post conflits».

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Théodore Ayissi Ayissi 

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