FIFA ou «l’exception extra-sportive»

Le football africain a un nouveau patron. Le 12 mars à Rabat (Maroc), Patrice Motsepe a été élu… par acclamation à la tête de la Confédération africaine de football (CAF).

Le milliardaire sud-africain qui succède à Ahmad, va présider aux destinées du football continental pour la période 2021-2025. Lorsque certains médias racontent ce qui s’est vraiment passé pour faire triompher Patrice Motsepe, des commentaires rageurs se font entendre. En chœur, ils dénoncent la forte mobilisation de la FIFA. Sous l’égide de celle-ci, le «Protocole de Rabat», qui s’est négocié dans la capitale marocaine les 27 et 28 février 2021, a abouti au consensus entre les quatre candidats : le Sénégalais Augustin Senghor, le Sud-Africain Patrice Motsepe, l’Ivoirien Jacques Anouma et le Mauritanien Ahmed Yahya.

On nuancera, peut-être, sur le flottement organisationnel de l’élection du 7e président de la CAF. Mais, il reste que l’entrée en scène de Gianni Infantino «himself» reste structurellement caractérisée par des intérêts mafieux. Par bien des égards, un certain nombre de questions surgissent : Comment démêler le consensus obtenu des motivations politiques par la FIFA ? Comment établir la priorité de l’une sur l’autre ? Si le but du protocole d’entente était, dans les faits, de stimuler l’esprit de consensus entre les candidats, il correspond à une espèce d’entente pour que la Fifa puisse efficacement contrôler l’Afrique. La consultation exhaustive de ce qui s’est passé à Rabat montre bien comment l’Occident, via la FIFA, veut toujours se présenter comme faiseur de rois en Afrique. Son entrisme sur le foot continental n’a cessé de progresser depuis, dans le cadre d’un processus inégal de convergence.

Sur ce plan, il y aurait beaucoup à faire pour retracer les chemins entrecroisés de la CAF et de la FIFA sur certains sujets. Mais, comment ne pas dire avec Ydnekatchew Tessema, un des cofondateurs de la CAF, que «la Fifa a adopté une attitude implacable contre les associations africaines et ses décisions ressemblent à des méthodes d’intimidation et de répression visant à décourager d’autres impulsions similaires».

En version sous-titrée, cela donne: La FIFA, bourreau du football africain. Elle ne se conçoit pas seulement comme plus puissante que la CAF. En langage diplomatique, le support doctrinal de cette posture s’appelle «l’exception extra-sportive». Il s’agit d’une drôle de vision du monde et du droit, une vision selon laquelle la Fédération internationale interprète les règles de la CAF à sa guise, puisque son rayon d’action – le football– fait d’elle un sujet de droit exceptionnel. Or, si Clémenceau disait que la guerre était une chose trop grave pour être laissée aux militaires, la FIFA dit que le football est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux Africains.

Pour cela, elle croit devoir contrôler les élections, charger ou broyer les candidats. Bref, elle est le seul souverain de façon générale. Surtout que dans ses missions, le président est responsable «des relations entre la Fifa et les confédérations, les membres, les instances politiques et les organisations internationales». Et quand interviennent les principes du monde capitaliste, on se rend bien compte que le dirigeant de la FIFA a la main mise sur toute la planète. Il parle d’égal à égal avec les chefs d’État et de gouvernement, et même avec le pape. Il exauce le rêve secret de toutes les multinationales. Il ordonne aux gouvernements de faire ce qui est bon pour lui. Patrice Motsepe va-t-il échapper à cela ? La réponse se trouve dans la question.

Jean-René Meva’a Amougou

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