Entre apparat et efficacité

Plus que par le passé, la Confédération helvétique marque sa présence au Cameroun par une « préparation de l’opinion locale ».

«Ces derniers temps, Berne semble avoir levé la tête vers l’immensité des étoiles camerounaises». Sur la chaîne Canal 2 International, le constat n’a pas échappé à Sonia Abessi (écrivain camerounais se réclamant panafricaniste) au lendemain de la tenue à Douala d’un diner d’affaires organisé par l’ambassadeur suisse au Cameroun. Devant une bonne brochette d’opérateurs économiques locaux, le vocabulaire de Pietro Lazzeri a parcouru son pays d’accueil pour saisir une réalité qui donne une autre image à ce dernier. «Le Cameroun est un pays d’opportunités. Sa position géographique est parfaite et constitue une porte d’entrée idéale pour le marché de la Cemac, un bassin économique fort d’une population de 50 millions d’habitants dont la moitié vit au Cameroun», a dit le diplomate helvétique à cette occasion déclinée en 9e édition du Swiss Business Lunch. Sans d’autres mots que des clichés qui en disent plus que tous les discours, Pietro Lazzeri a exalté (plusieurs fois) « la relation très spéciale entre le Cameroun et la Suisse, ancrée dans l’histoire et portée par une actualité très intense ».

Le 12 juillet 2019, en compagnie de Issa Tchiroma Bakary, l’ambassadeur de la Confédération helvétique s’est rendu chez les moines bénédictins du Mont fébé. Là-bas aussi, Pietro Lazzeri n’a pas changé sa ligne laudatrice sur le Cameroun. «Un autre socle pour suggérer de vieux desseins dessinés depuis longtemps par la Suisse», ironise Placide Ekomba Nti de la Fondation Paul Ango Ela de Yaoundé. Pour l’internationaliste, ces derniers temps, l’actualité s’y prête. Grâce à elle, croit-il, l’ambassadeur suisse n’hésite pas à prendre à tous propos son bâton de pèlerin pour défendre tout à trac la démarche de son pays auprès de l’opinion camerounaise et africaine.

Visées
Seulement, selon le journaliste Olivier Caslin «la Suisse, confédérale et cantonale, publique et privée, s’organise toujours pour affermir ses liens et ses positions, mais aussi les étendre, en s’appuyant sur sa réputation de pays médiateur». Contenue dans les colonnes de l’hebdomadaire panafricain du 13 octobre 2016, cette sortie nourrit d’autres réflexions, en rapport avec l’offre de médiation helvétique dans le cadre de la résolution de la crise anglophone au Cameroun. «Il n’y a qu’à observer l’empressement avec lequel ce pays d’Europe centrale a annoncé, le 27 juin, qu’il était à la manœuvre pour poser les bases des négociations à venir», analyse Eric Wilson Fofack.

Sur cette ligne, le chercheur associé au Groupe de recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (Grip) de Bruxelles pense que l’image présentée détourne le réel. Or, «c’est là que tout se joue, car le show diplomatique se grave dans ces instantanés qui relatent la marche d’un médiateur s’efforçant à s’extraire des situations les plus inconfortables», pointe Hans De Marie Heungoup, analyste à l’International Crisis Group. D’après lui, sous couvert de pertinence, les déclarations des autorités suisses suggèrent leur habileté combattive pour effacer l’idée que la société civile camerounaise n’a pas reçu la moindre information sur la médiation suisse.

Ongoung Zong Bella

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