Eco : Et c’est reparti pour 5 ans!

L’insuffisante harmonisation macroéconomique autour des critères de convergence ainsi que la suspension de ces critères pour assurer la relance économique post Covid-19 obligent le report à moyen terme du lancement de la monnaie unique de l’Afrique de l’Ouest.

La crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus a non seulement creusé les déficits macroéconomiques (déjà existants) des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), mais il faudra davantage creuser ces déficits pour assurer le financement des plans de relance économique post Covid-19. Bien avant, tous les États n’ont pas ramené leurs données macroéconomiques au niveau des critères de convergence de la Communauté. Ces critères de convergence indiquent le niveau autorisé de déficits dans la communauté économique.

Globalement, voilà l’environnement économique dans lequel l’Afrique de l’Ouest vient de refuser de lancer sa monnaie commune, l’Eco. Le communiqué final de la 57e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, tenue à Niamey (Niger) le 7 septembre 2020, indique que la Conférence a décidé de «différer, à une date ultérieure, le lancement de la monnaie unique».

Covid-19

La pandémie de la Covid-19 aura finalement accéléré le mouvement social au Mali et déstabilisé les institutions. Elle aura entrainé des pertes en vies humaines, l’aggravation de la pauvreté, le regain de la menace sécuritaire et l’augmentation des déficits. L’Afrique de l’Ouest est clairement frappée de plein fouet par les répercussions de la crise sanitaire actuelle.

Pour s’en relever, les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest décident d’«exempter les États membres du respect des critères de convergence macroéconomique en 2020», souligne le communiqué final. La mesure vise à permettre aux États de s’endetter pour financer les plans de relance post pandémique. Dans cette perspective, ils ont «lancé un appel aux partenaires en vue d’une augmentation du soutien accordé aux États membres de la Cedeao». Il faudra aussi faire «les réformes économiques nécessaires pour assurer la reprise de leurs économies».

Les experts de la Banque africaine de développement, lors de la présentation du rapport sur les «perspectives économiques régionales en Afrique de l’Ouest 2020», avaient indiqué que l’Afrique de l’Ouest aurait besoin des mesures énergiques pour se relever de cette situation. Selon les scénarios d’une reprise en forme de V, W ou U, le moyen terme (4-5 ans) pourrait être envisagé.

 Énième feuille de route

Les chefs d’État concluent qu’une feuille de route sera nécessaire pour le chantier monétaire. Une nouvelle feuille de route, après celle révisée de 2019 et les précédentes qui ont eu cours dans les décennies précédentes.

Ladite feuille de route intègre la redéfinition «d’un nouveau pacte de convergence et de stabilité macroéconomique». Un projet à envisager sur le moyen terme (5 ans) pour les plus optimistes. Car il faudra déjà le concevoir, le discuter avec les États, les partenaires techniques et financiers, le mettre en œuvre et en tirer les premiers résultats. Dans ce sillage, la commission de la Cedeao est tenue de «travailler avec les banques centrales, les ministères des Finances, l’AMAO et l’IMAO, en vue de la mise en œuvre de la feuille de route révisée pour le programme de la monnaie unique».

Ce n’est pas un adieu!

Bobo Ousmanou

 

 

Monnaie unique Cedeao : Une histoire d’atermoiements

Le projet au cœur de la naissance de la dynamique d’intégration en Afrique de l’Ouest demeure un serpent de mer.

 

2020 symbolisera un rendez-vous manqué de plus pour la naissance de la monnaie unique ouest-africaine. Les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) trainent deux décennies de report du lancement d’une monnaie devant les trois zones monétaires qui squattent la région à savoir l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa) et son franc CFA (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo et la Guinée-Bissau), la ZMAO et ses devises (cédi au Ghana, dalasi en Gambie, dollar libérien au Liberia, franc guinéen en Guinée, leone en Sierra Leone et naira au Nigéria) et le Cap-Vert dont la monnaie, l’escudo, n’appartient à aucune des deux unions monétaires.

Si en 2020, les questions de géopolitique ont largement dominé et ont conduit les ministres des Finances de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO) à conclure que le processus de transformation du FCFA en Eco ne respectait pas la feuille de route définie par les chefs d’État, il faut également souligner l’incidence générée par la crise sanitaire liée à la Covid-19 sur les économies. Des économies en état d’impréparation structurelle à accueillir cette monnaie, car très peu respectueuses des règles de la surveillance multilatérales qui créent un dominateur commun d’homogénéisation.

Évolution

L’histoire des renoncements débute en réalité avec la création de la Cedeao. Dès 1972, le président togolais, Gnassingbé Eyadema, et son homologue du Nigéria, le général Yakubu Gowon, entreprennent une tournée destinée à promouvoir l’idée d’une intégration sous régionale en Afrique de l’Ouest. En 1975, leurs efforts débouchent sur le traité de Lagos et la création de la Cedeao. Au début des années 1980, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté posent les bases d’un processus d’intégration monétaire.

Pour structurer ce projet, la ZMAO est créée en 2000 pour se rapprocher de l’Uemoa qui, elle, a vu le jour en 1994. En 2001, la Cedeao adopte le mécanisme de surveillance multilatérale des politiques économiques et financières des États membres. Objectif: le respect d’un ensemble de critères de convergence macroéconomiques, susceptibles de contribuer à homogénéiser les économies de la région.

Après trois reports successifs, en 2003, 2005 et 2009, les autorités ouest-africaines renoncent finalement, en juillet 2014, à lancer l’Eco en janvier 2015 au sein de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest. Raison invoquée: Le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique au sein de la ZMAO.

Finalement, c’est en 2018 que les discussions vont reprendre en vue d’un lancement en 2020. Une feuille de route révisée est adoptée en 2019 à cet effet. Elle est intransigeante et fort ambitieuse. Elle indiquait que seuls les pays qui respecteront les critères de convergence dits de premier rang avant 2020 (déficit budgétaire limité à 3% du PIB, une inflation à 10% maximum et une dette inférieure à 70% du PIB) participeront à la monnaie unique.

Enfin de compte…

Bobo Ousmanou

EcoFCFA/Convergence : Buhari détricote Ouattara

La Cedeao se prépare à mettre sur pied une nouvelle architecture de la surveillance multilatérale. C’est l’une des décisions majeures de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement du 7 septembre dernier. C’est aussi et surtout un gage technique pour la réalisation du chantier monétaire en Afrique de l’Ouest.

 

C’était le principal argument du chef d’État ivoirien qui justifiait techniquement et triomphalement le passage du FCFA à l’Eco et son lancement en 2020. Un argument convergent avec la feuille de route révisée de 2019 qui indiquait que seuls les pays ayant été disciplinés dans le respect des critères de convergence pourraient prendre part au lancement de la monnaie unique ouest-africaine, initialement prévue pour le 3e trimestre 2020. Avec la Banque de France, la zone franc et le FMI comme épée de Damoclès, les pays de l’Uemoa sont très studieux (mais toujours bons élèves) dans le respect des critères de convergence qui ressortent même (chose rare) dans le traité de création de l’organisation.

Ce tacle technique sur les critères de convergence, le Nigéria de Buhari (très mal en point économiquement depuis la crise des matières premières de 2014) n’avait pas encore, jusqu’au 2e trimestre 2020, pu contrecarrer et riposter. D’autant plus que Paris, en initiant un rapprochement avec Accra tout au long de l’année 2019 (invitation à Paris, mise à l’honneur, accords économiques), avait engagé son projet «isolement du Nigéria».

Il aura fallu la rencontre des chefs d’État de la ZMAO en juin 2020 pour décider d’aplanir les divergences entre la dynamique FCFA et celle de la Cedeao. Car quelques mois auparavant, le 16 janvier, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays de la ZMAO, réunis en conseil de convergence, avaient «pris note avec préoccupation» du passage du FCFA Uemoa à l’Eco d’ici 2020 comme indiqué en décembre 2019 par Ouattara. Ils avaient indiqué, dans le communiqué final, que «cette décision n’est pas conforme» avec la démarche des chefs d’État.

Le mandat à venir du chef d’État ivoirien réserve des défis sur ce chantier où le Nigéria semble reprendre la main!

BO

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