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Eaux et forêts du Cameroun : Ils se croisent et se toisent

À bien observer les manœuvres de l’Union européenne et celles des ogres asiatiques, les deux parties jouent à contre-emploi dans le pays. Sur une thématique ou sur une autre, l’une sait se glisser dans le personnage du bon, en obligeant l’autre à épouser le rôle du mauvais.

Le secteur forestier, un des plus menacés.

L’activité de pêche dans les côtes camerounaises est dans le périscope de l’Union européenne (UE) depuis le 17 février 2021. Dans un communiqué de presse rendu public le même jour, le pays de Paul Biya est désormais sous le coup d’un avertissement, dit «carton jaune». Pour quiconque ne comprend pas pourquoi, Virginijus Sinkevičius (Commissaire européen chargé de l’environnement, des océans et de la pêche) explique: «Il est regrettable que le Cameroun n’ait pas été en mesure de garantir un contrôle adéquat des activités de pêche exercées sous son pavillon».

Dit autrement, le pays de Paul Biya n’a pris aucune mesure pour s’élever aux standards exigés par l’UE, premier importateur mondial de produits de la pêche. Jusqu’ici, le Cameroun n’a pas amélioré son cadre juridique pour se conformer au droit international de la mer. Bien plus, il n’a pas respecté plus rigoureusement ses obligations (déclinées en renforcement des mécanismes de contrôle de la flotte de pêche nationale ; amélioration de ses systèmes de suivi ; élaboration d’un programme vigoureux d’inspection et de surveillance à distance des activités de pêche, conformément aux discussions entamées depuis 2019 par les deux parties).

Tout au contraire, relève l’UE, «le Cameroun a également immatriculé de nombreux navires de pêche sous son pavillon au cours des derniers mois (y compris les navires inscrits sur la liste INN), ce qui soulève de sérieuses préoccupations quant à la capacité du Cameroun à contrôler et surveiller efficacement les activités de sa flotte, en particulier son segment opérant en dehors des eaux du Cameroun et ceux qui se sont déjà livrés à des activités de pêche illégales».

Pour améliorer sa gouvernance en matière de pêche maritime, la partie européenne fixe un délai de 6 mois au Cameroun. «En cas de non-respect prolongé et persistant, le pays risque en définitive de faire l’objet d’une procédure d’identification (dite du «carton rouge»), qui comporte des sanctions portant notamment sur les échanges de produits de la pêche avec ce pays», menace l’UE. Pour cette dernière, «carton rouge» est synonyme d’interdiction des importations des produits halieutiques provenant des pays sanctionnés, ou/et interdiction temporaire ou permanente de bénéficier de subventions ou d’un soutien des pays de l’UE.

Alarme
Sur 22 millions d’hectares de forêt, 100 000 hectares sont détruits par an au Cameroun (soit un taux de déforestation annuel de 0,002% depuis 1990)! Voilà les chiffres contenus dans le rapport du processus d’évaluation national de la biodiversité et des services écosystémiques (BES) concocté par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et présenté en fin janvier 2021 à Yaoundé. Pour Christophe Guilhou, l’ambassadeur de France au Cameroun, «si nous ne faisons rien, il n’y aura plus de forêts au Cameroun dans 15 ans». Ce propos, le public l’a capté en début février dernier, à l’institut français de Yaoundé, au cours d’une conférence intitulée «Cop chez nous 2021 : Route de la société civile vers la Cop 15 (biodiversité) et Cop 21 (climat)».

Derrière les discours généreux…
Si le diplomate français ne désigne pas ouvertement le responsable de ce désastre écologique, il est à souligner que sa sonnette d’alarme est tirée quelques jours après la publication d’un rapport En écho de la position de Christophe Guilhou, la signature en mai 2009, d’un accord de partenariat volontaire entre le Cameroun et l’UE, entré en vigueur le 1er décembre 2011 et censé améliorer la gouvernance forestière.

À ce niveau, chacun aura reconnu les protagonistes de la bataille : l’Europe contre les économies dites émergentes d’Asie. «À bien observer, les deux parties jouent à contre-emploi au Cameroun. Chaque fois, sur une thématique ou sur une autre, la première sait se glisser dans le personnage du bon, en obligeant les autres à épouser le rôle du mauvais», décrypte Henri Essoh. L’internationaliste soutient d’ailleurs qu’avec ce qui se passe sur la scène camerounaise, les autorités européennes démontrent qu’elles apprécient mal qu’«une trop grande part de la chaîne d’approvisionnement se soit déplacée vers la Chine». Prosaïquement, toute occasion est bonne pour déconstruire les chaînes d’approvisionnement asiatiques.

Dans cette ambiance, il serait naïf de penser que les Asiatiques plieront sous la pression indirectement faite sur eux dans les eaux et les forêts camerounaises. Très logiquement, comme dans toute guerre, l’offensive des Européens appelle la contre-offensive des Chinois, Japonais, Coréens et autres Indonésiens. «Les Asiatiques savent que lorsque l’UE veut accéder à des marchés qui lui sont fermés, elle mène une campagne officielle, davantage fondée sur la coercition que sur la persuasion. En mettant en scène leur colère contre ce qui se passe dans les forêts et les eaux camerounaises, l’UE souhaite envoyer un message qui ne souffre aucune équivoque: «Cameroun, débarrassez-vous des Asiatiques».

Bobo Ousmanou

Henri Essoh

«Il s’agit bien d’une guerre économique»

L’internationaliste, secrétaire exécutif du Réseau des jeunes économistes du Cameroun (REJEC) tient un argumentaire bâti autour de la conviction que l’UE et les pays asiatiques se disputent l’espace économique du pays.

En observant les manœuvres de l’UE et celles de certains pays asiatiques, par quel nom désignez-vous le pugilat entre les deux parties ?
De nos jours, s’il est devenu finalement assez banal d’évoquer la guerre économique tant sa réalité semble représenter une évidence. Ce qui se passe est bien une guerre économique tant les manœuvres renvoient à la mise en œuvre par les parties d’un ensemble de pratiques orientées vers la recherche de puissance économique ou commerciale.

Qu’est-ce qui en est à l’origine, selon vous ?
Le problème est que l’on ne voit pas très bien en quoi la guerre économique se distingue fondamentalement de la compétition ou de la concurrence, d’autant que ces dernières suggèrent clairement l’idée de rivalité. Les alliances stratégiques et les collusions de marché représentent une réalité incontournable dans le capitalisme

Faut-il craindre que le Cameroun soit érigé en champ de bataille larvée ou ouverte ?
Je reste persuadé qu’une forte activité d’anticipation est à l’œuvre dans les instituts et think tanks asiatiques et européens. Ces cercles sauront anticiper sur des batailles plus ou moins ouvertes ou simplement souterraines. Et puis, de plus en plus, on voit poindre çà et là des pensées nouvelles qui ne placent plus la guerre et la compétition en paradigme, mais plaident pour une révolution culturelle pacifique, celle de l’altruisme économique raisonné.

Propos rassemblées par
Ongoung Zong Bella

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