Réservoir plein, robinet sec! Ainsi pourrait-on titrer la chronique de la pénurie de carburants devenue le lot quotidien de la majorité des pays de l’Afrique centrale, pourtant réputés être producteurs et exportateurs de pétrole. Une situation insupportable pour les ménages et préjudiciable à l’économie, dont l’année 2023 aura beaucoup été le témoin. En termes de stations-service non approvisionnées et de longues files d’attente dans celles où le super, le gasoil et le pétrole lampant peuvent encore s’obtenir, sous certaines conditions. Le tout dans un environnement déjà marqué par la volatilité des prix à la pompe des hydrocarbures, du fait de la réduction par les États (sur ordre du FMI) des subventions. Et dans des pays où l’énergie électrique, la seule véritable alternative objective, n’est toujours pas branchée sur le réseau de la constance.
Les conséquences sont connues. Les économies de la sous-région, méchamment en quête de performance après les affres toujours persistantes de la pandémie de Covid-19, tournent au ralenti. En lien avec l’incapacité évidente pour les populations et les acteurs économiques à pouvoir mener leurs activités créatrices de richesse.
Cameroun
C’est l’exact reflet de la situation vécue ces derniers jours au Cameroun, la locomotive de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Yaoundé et Douala sont en effet en proie à une nouvelle pénurie de super sans plomb et de pétrole lampant. Après avoir connu il y a un peu plus d’un mois, celle du gasoil. Le gouvernement camerounais parle cette fois encore de problèmes «logistiques». Le ministère de l’Eau et de l’Énergie explique que «le bateau devant transporter le carburant a accusé quelques jours de retard, ralentissant la chaîne d’approvisionnement». Sans en donner la cause et sans s’attaquer au problème de fond. En l’occurrence l’anticipation, le raffinage de notre pétrole (achèvement des travaux d’extension et de réhabilitation de la Sonara), la capacité de stockage limitée de la SCDP (Société camerounaise des dépôts pétroliers), la constitution et la gestion des réserves stratégiques.
Les voyants sont également au rouge dans d’autres pays de la Cemac et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) présentant le même profile. Le cas au Tchad, RDC, Centrafrique, Burundi… qui ont tous connu au cours de ce deuxième semestre 2023 des pannes sèches. Les autres pays (Gabon, Congo, Guinée Équatoriale et Angola) étant également sur le qui-vive. Puisqu’ils ne sont pas structurellement et conjoncturellement à l’abri de la diminution dangereuse des stocks des différents hydrocarbures raffinés qu’ils importent aussi.
Tchad
Le Tchad est l’un des plus grands producteurs d’hydrocarbures de la sous-région et ses exportations passent par le Cameroun via le pipeline. Il n’est cependant pas épargné par le phénomène qui tend à se banaliser. À en croire nos confrères de TchadInfos qui rapportent que ce 6 novembre 2023, «de longues files d’attente s’observaient devant de nombreuses stations-service, affectant la vie quotidienne des N’Djamenois». En cause, «divers facteurs, notamment l’augmentation de la demande liée à la reprise économique, les perturbations dans l’approvisionnement en pétrole brut, et aussi, des problèmes logistiques», apprend-on. La solution pour garantir un approvisionnement stable en essence passe selon certaines expertises par «une action concertée de la part des autorités et de la Société nationale de raffinage (SNR)».
Centrafrique
Les mois de septembre et octobre 2023 ont été particulièrement difficiles pour les Centrafricains en général et les habitants de Bangui en particulier. La situation s’est un peu normalisée le 24-25 septembre avec l’arrivée «d’une vingtaine de citernes», avant de refaire surface le mois suivant. L’explication gouvernementale relayée le 15 octobre dernier par Corbeaunews tient à «la suspension des activités de Total Centrafrique par la douane, en raison de son non-paiement des frais de fiscalité pétrolière, s’élevant à plus de 2 milliards de francs CFA». Une autre constante est que la RCA est l’un des rares pays de la sous-région totalement dépendant des importations de pétrole raffiné.
RDC
«Pour éviter une crise plus profonde, le Groupement professionnel des distributeurs des produits pétroliers (GPDPP) a décidé de mettre en place des mesures urgentes en RDC». La presse locale évoque notamment «un contingentement et une adaptation des heures d’ouverture des stations-service. À partir du mercredi 18 octobre 2023, les stations-service fonctionneront de 7h00 à 17h00 afin de prolonger la disponibilité des produits pétroliers avec les stocks limités actuels». Ceci après avoir alerté le gouvernement sur «la situation critique des stocks dans l’ouest de la RDC», peut-on lire.
Burundi
La pénurie de carburant était également au rendez-vous au Burundi. Elle est signalée depuis fin juin-début juillet 2023. Obligeant les consommateurs à se ravitailler au noir en RDC et au Rwanda. Ce contre quoi se battent également les autorités locales.
Raffinerie sous-régionale
Cette situation remet au goût du jour le projet porté par la Beac de la mise sur pied d’une raffinerie sous-régionale. Une ambition qui présenterait plusieurs avantages. Puisqu’elle ferait des pays de la Cemac-CEEAC des exportateurs nets de produits pétroliers raffinés; permettrait de réduire l’érosion des réserves de change; et pourrait se conjuguer avec la consolidation des capacités des raffineries nationales. À en croire le rapport dont Intégration avait eu copie.
Théodore Ayissi Ayissi