Développement d’une industrie locale africaine : l’OAPI équipée pour le job

Brevets, marques, indications géographiques et autres récompenses constituant la panoplie du système de la propriété intellectuelle que l’organisation panafricaine se dit disposée à exécuter au profit des pouvoirs publics, des industriels et des PME.

 

L’OAPI dans la rétrospective et prospective

« Au 18ème siècle, le continent africain a raté le train de la révolution industrielle. Aujourd’hui, beaucoup de littératures s’accordent sur le fait que le 3ème millénaire sera celui des Africains. Alors, il ne faut pas que l’Afrique soit au quai après le passage du TGV de la propriété intellectuelle (PI)». En faisant ainsi part de son sentiment ce 13 septembre 2022 à Yaoundé, le directeur général de l’OAPI fait en réalité un appel de pied en direction de plusieurs acteurs. « Il est temps que nos politiques publiques prennent en compte la dimension de la propriété intellectuelle au regard des multiples avantages qu’elle offre ». Et Denis L. Bohoussou les a décernés aussi bien au niveau « des créateurs pour bénéficier de la juste récompense de leurs efforts ;des industriels pour rentabiliser leurs investissements ; que des consommateurs pour avoir des produits diversifiés au choix ». À bien écouter toutefois le patron de l’institution panafricaine, il se dégage une certaine inclination pour l’accompagnement dans leur développement, des « micros, petites et moyennes entreprises (PME) ». Le directeur général a dit son organisation capable de répondre efficacement à ce besoin.

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Système de la PI
Pour pouvoir développer son rôle d’outil d’accompagnement du processus d’émergence dans ses 17 pays membres, l’OAPI s’appuie sur un système de la propriété intellectuelle rôdé. Après soixante années d’existence, l’organisation a eu le temps de l’éprouver. Et celui-ci s’est mis à la disposition des créateurs, des promoteurs de PME et des industriels, une panoplie d’instruments. Parmi les détenteurs de brevets.

Brevets
À en croire Denis L. Bohoussou, « l’accès à la technologie et l’information scientifique contenue dans les documents brevets sont d’un précieux concours pour ceux qui désirent, par exemple, mettre en œuvre une technologie libre d’exploitation pour produire des biens en substitution aux importations ou transformer une matière première locale pour obtenir un produit nouveau ou amélioré ». D’où l’intérêt du Salon africain de l’invention et de l’innovation technologique institué par l’organisation continentale. Il a vocation à « promouvoir les technologies endogènes ».innovation technologique ».

Marques, dessins et modèles
L’espace OAPI constitué de 17 États représente un marché de 250 millions, bientôt 300 millions de consommateurs. Le positionnement sur un tel marché exige de la part des promoteurs des PME et des industriels une différenciation de leurs produits par rapport à ceux des autres acteurs en présence. « L’OAPI offre des instruments appropriés tels que les marques et les dessins, et les modèles industriels ». Pour la direction générale de l’institution comme pour le Conseil d’administration représenté par son vice-président, « ces instruments permettent à l’entreprise de mener une offensive sur le marché et de rendre celui-ci vivant.Et s’agissant particulièrement des dessins et modèles industriels, son constituant un cheval de Troie pour le développement de l’industrie artisanale locale». Denis L.

 

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Indications géographiques
L’OAPI met également un accent particulier sur la promotion des produits du terroir et le développement du secteur agricole. L’organisation a notamment recours au Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques (Pampig). Parmi les produits emblématiques déjà identifiés, on retrouve le poivre de Penja, le miel d’Oku ou encore le cacao rouge. L’institution panafricaine s’appuie en outre sur le Projet de renforcement et de promotion du système de protection des obtentions végétales (PPOV). Il a récemment été donné lieu à la signature d’un accord avec l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad).

 

Propriété intellectuelle dans l’espace OAPI

Le coût encore un obstacle ?

La question a constitué le point culminant des échanges dans le cadre du panel organisé le 13 septembre dernier à l’occasion du soixantenaire de l’OAPI. Les avis sont partagés.

 

Le point d’orgue de la célébration du soixantième anniversaire de l’OAPI est prévu à Niamey au Niger lors du Sommet des chefs d’État en novembre prochain. Mais ce 13 septembre déjà, la direction générale a donné le ton tout en réflexions. Le coût d’accès à la propriété intellectuelle en Afrique est apparu comme une problématique capitale lieu finalement se greffer au thème principal des échanges. Il s’agissait en effet sous la conduite de Babissakana, ingénieur financier et modérateur, de répondre à la question : « Quels leviers pour l’émergence face aux défis de l’industrialisation et de la diversification économique dans les États membres de l’OAPI ?».

Le Pr Kengne Fodouop, universitaire, et Bertin Tchoffo, PDG de Pafic Sarl, ne sont pas faits prier pour argumenter et identifier les chiffres à l’appui, les différents leviers à actionner. Et s’agissant des attentes en direction de l’OAPI, il est relevé avec insistance « la longueur des démarches et la politique du coût ». Bertin Tchoffo se fait plus précis. Le dirigeant d’entreprise souligne que « tous nos produits sont enregistrés à l’OAPI, c’est une très bonne démarche et c’est plus sécurisant ». Mais les coûts sont énormes. Parce qu’en dehors de ce que Pafic fabrique ses propres produits, nous fabriquons aussi les produits des débutants». Et le capitaine d’industrie de regretter alors que du fait de « la démarche, longue en raison des formalités, et du coût élevé, le débutant n’arrive pas toujours à enregistrer son produit qui relève de sa propriété intellectuelle». Il finit par demander séance tenante au directeur général de « revoir la politique des coûts ».

Tarifs
La réponse du patron de l’institution panafricaine s’est également voulue précise. Denis L. Bohoussou indique d’abord que « depuis 10 ans en ce qui concerne la protection des marques, lorsque le logo choisi est en noir et blanc, le coût est de 400 000 FCFA et lorsqu’il est en couleur, le coût est de 450 000 FCFA pour 10 ans de protection. Ce qui fait 45 000 francs par an». Pour être ensuite plus proche de la réalité selon le directeur général de l’OAPI, « il faut diviser ces 45 000 FCFA par 17 (nombre de pays membres, Ndlr). Et l’on se retrouve à moins de 10 000 FCFA de protection pendentif 10 ans par pays ». Car en définitive pour la direction générale de l’organisation continentale, « et si on prend par exemple le marché camerounais de près de 28 millions de consommateurs,

Autres difficultés
Les panélistes ont par ailleurs exprimé un besoin en machines agricoles, en équipements de transformation et en logistique. Ils ont requis l’implication de tous les acteurs dans le processus de l’import-substitution, la création d’une instance nationale censée servir d’interface avec l’OAPI et l’accentuation de la communication sur les services de l’institution continentale. Tout en insistant sur la nécessité de tourner le dos au passé colonial, de mettre en place un cadre d’investissement incitatif et de relier les marchés. C’était en présence du représentant du ministre camerounais des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, Gabriel Dodo Ndoké, et de l’ambassadeur du Gabon au Cameroun.

 

« Changer de paradigme à l’aube du soixantenaire »

Denis L. Bohoussou, directeur général de l’organisation panafricaine

Aujourd’hui, 13 septembre 2022, l’Afrique célèbre la 23ème journée africaine de la technologie et de la propriété intellectuelle. Cette journée marque également le soixantième anniversaire de l’OAPI… Au cours de ces dernières décennies, beaucoup de pays en développement ont affiché leur ambition de devenir émergents à moyen terme. À cet égard, des plans de développement ont été initiés tous azimuts pour atteindre l’émergence tant proclamée à travers les discours politiques. Aujourd’hui, la littérature nous apprend que certains pays ont pu atteindre l’émergence. Il s’agit des BRICS constitués du Brésil, Russie, Inde, Corée du Sud et Afrique du Sud… De pays importateurs de technologies, ces pays sont arrivés à inverser la tendance pour devenir des producteurs et ensuite des exportateurs de technologies,

Ce processus n’est pas encore constaté dans les autres pays en développement et particulièrement dans les pays africains où la croissance durable tant espérée n’a pas été réalisée. Ces pays persistent d’être des pays exportateurs de matières premières et importateurs de produits manufacturés. L’industrialisation et la diversification n’ont pas été au rendez-vous. Dès lors, il devient impératif pour le continent de changer de paradigme pour aller vers la diversification de son économie. Cette diversification devrait se traduire par la création de nouvelles sources de valeur à partir notamment de la transformation des ressources locales par des micros, petites et moyennes entreprises capables de tirer profit des potentialités existantes, l’emploi des jeunes et du système de la propriété intellectuelle .

Proposés par
Théodore Ayissi Ayissi

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