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Dévaluation du FCFA : Le FMI et la Banque mondiale appelés au secours

Afin d’éviter l’érosion des réserves monétaires extérieures et la fragilisation de la parité FCFA-Euro, les pays de la Cemac durement impactés par le Covid19 sollicitent les institutions de Bretton Woods.

C’est l’un des principaux sujets de la session ordinaire du comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale, tenu ce 30 avril 2020 par visioconférence. Les pays de la Cemac invitent les partenaires financiers à les aider à maintenir un niveau de réserves monétaires extérieures satisfaisant pour éviter la dévaluation du Franc CFA. C’est l’objectif de la réunion tripartite qui a réuni, le 30 avril dernier par visioconférence, les ministres de l’Économie et des Finances des pays de la Cemac, les institutions communautaires, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (Bad).

Le rapport de politique monétaire de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), publié en fin de semaine dernière, indique que le niveau de réserve extérieure des pays de la Cemac représente 3,2 mois d’importation. Il reste en deçà du niveau requis, c’est-à-dire 5 mois. Dans son rapport, la BEAC prévient que les besoins liés à la résilience face aux effets du Covid19 vont entrainer des pressions sur ces réserves.
En cas d’érosion de celles-ci, en cette période d’improductivité due au coronavirus et en l’absence d’un soutien extérieur, une dévaluation de la monnaie commune pourrait être enclenchée. Le président du comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale et le ministre des Finances du Tchad confirment cette situation en ces termes: «bien qu’il soit difficile de prédire l’ampleur et la durée des effets de cette crise sanitaire mondiale, la tendance baissière des prix du pétrole qu’elle a engendrée pourrait accentuer les déséquilibres macroéconomiques et fragiliser la stabilité extérieure de la Cemac».

Appui budgétaire
L’option des pays de la Cemac demeure l’ajustement budgétaire au lieu de l’ajustement monétaire. Ainsi, les ministres des Finances et de l’Économie de la Cemac invitent le FMI, la Bad et la Banque mondiale à relever le niveau des appuis budgétaires. Ceci devra se faire dans le cadre des programmes existants. Pour formuler cette demande, les pays demandent à leur partenaire de «tenir compte des effets du double choc de la pandémie du Covid-19 et de l’effondrement des cours du pétrole» indique le ministre tchadien des Finances, Tahir Hamid Nguilin.

Bien plus, les pays vont transmettre des mesures postpandémiques de résilience aux chocs extérieurs. Bretton Woods, la BAD et la Banque mondiale sont invités à les soutenir.

Dette
Pour contenir les impacts socioéconomiques de la crise sanitaire, les pays réitèrent leur appel en vue de l’annulation de la dette extérieure des pays d’Afrique. Cette idée a été évoquée pour la première fois le 28 mars à Brazzaville (Congo) lors de la 3e session du comité de pilotage du Programme de réformes économiques et financières (Pref Cemac).

À ce jour, des correspondances officielles ont été adressées aux leaders des principales puissances telles que les États-Unis, la France, le Royaume uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Chine, la Russie, l’Inde, le Japon. Ces correspondances avaient plusieurs objectifs: solliciter la suspension, dans les meilleurs délais possible, des demandes de remboursements des crédits, y compris les intérêts; le lancement d’un processus de négociation portant sur le réaménagement et l’effacement de la dette multilatérale, bilatérale et privée; le décaissement d’une assistance financière rapide et conséquente, compte tenu de la situation particulière des pays de l’Afrique centrale qui en plus de la crise sanitaire et économique doit faire face à une crise sécuritaire.

Les leaders politiques des grandes nations industrialisées ont réservé une réaction positive et rapide aux requêtes de la Cemac, qui rejoignent d’ailleurs celles formulées par d’autres institutions régionales africaines et de nombreux États sur le continent.

Bobo Ousmanou

La BEAC avoue ses limites

Dans l’incapacité d’alimenter massivement les économies en argent, la banque centrale conseille de faire recours au fonds cumulé de riposte des institutions de Bretton Woods, estimé à 64 milliards dollars.

Les pays de la Cemac ont besoin d’injection massive de liquidités (argent) pour faire face à la situation actuelle. La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) n’a pas les coudées franches pour assurer ce rôle. En réalité, les réserves monétaires extérieures de la zone économique n’atteignent pas un niveau satisfaisant. Seulement 3,27 mois d’importations de biens et services en fin 2019.

Un stock «qui devrait par ailleurs se réduire du fait des pressions qui seraient exercées sur la position extérieure» selon la banque centrale dans son rapport de politique monétaire mars 2020. Elle se montre d’ailleurs plus précise, «tous les scénarios pessimistes effectués par les services de la BEAC prédisent un fort recul des réserves autour de 2 mois d’importations des biens et services, voire en deçà».

Au regard de tout cela, la BEAC indique que ses «marges de manœuvre en matière de soutien à l’économie par des injections massives de liquidité sont limitées». D’où l’avertissement rigoureux adressé aux pays de la Cemac dans la dernière édition du rapport de politique monétaire: «si les pays de la Cemac ne luttent pas efficacement contre la pandémie du Covid19 pour en limiter les conséquences économiques et financières, la situation macroéconomique deviendra insoutenable».

Plafond
Pour venir en aide aux pays de la sous-région, la politique monétaire restrictive de la BEAC a été mise en veilleuse. Le comité de politique monétaire de la BEAC a décidé, le 27 mars 2020, d’assouplir certaines de ses mesures. Depuis ce jour-là, le taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO) est passé de 3,50 à 3,25%. Les injections de liquidités ont été portées de 240 milliards FCFA à 500 milliards de FCFA. Le niveau pourrait encore être relevé en cas de besoin.

Le gouvernement de la BEAC a envisagé: l’assouplissement des conditions d’émission des valeurs du Trésor (délais et calendriers d’émission); l’approvisionnement des banques en quantités et en qualité suffisante des signes monétaires; la notification aux instances compétentes de la proposition de rééchelonner d’un (01) an le remboursement du capital des crédits consolidés de la banque centrale sur les États; et l’invitation des fournisseurs des services de paiement à baisser les coûts des transactions de monnaie électronique et des moyens de paiement digitaux dans la Cemac.

Bretton Woods à la rescousse
La BEAC suggère aux États de trouver les liquidités auprès des institutions de Bretton Woods. Elle propose ainsi de solliciter l’appui financier de la Banque mondiale et du FMI qui ont mis sur pied des programmes de soutien aux pays en développement exposés à la crise du Covid-19, de respectivement 14 milliards et 50 milliards dollars.

Bobo Ousmanou

 

Décisions et Recomman-dations du CPM

– Réviser à la baisse le Taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO) de 50 points de base, soit de 3,50% à 3,25%;
– Réviser à la baisse de 100 points de base le Taux de la facilité de prêt marginal de 6,00% à 5,00%;
– Porter les injections de liquidité de 240 milliards FCFA à 500 milliards de FCFA, et se rendre disponible pour relever ce montant en cas de besoin;
– Élargir la gamme des effets privés admis comme collatéraux des opérations de politique monétaire;
– Revoir à la baisse les niveaux des décotes applicables aux effets publics et privés admis comme collatéraux pour les opérations de refinancement à la BEAC.

Recommandations
Pour les États de la CEMAC
– Accélérer l’évaluation des effets de la pandémie du Covid-19 sur leurs perspectives économiques afin d’envisager, dans les meilleurs délais possible, les mesures budgétaires et financières appropriées, notamment pour identifier les mesures de soutien en faveur des entreprises qui seront affectées par la crise et aligner la gestion des finances publiques sur des prévisions actualisées et réalistes de recettes budgétaires;
– Solliciter l’appui financier de la Banque Mondiale et du FMI qui ont mis sur pied des programmes de soutien aux pays en développement exposés à la crise du Covid-19 de respectivement 14 milliards et 50 milliards dollars.

Pour les établissements de crédit
– Approvisionner suffisamment leurs clients en signes monétaires, notamment en s’assurant de la disponibilité et du bon fonctionnement de leur réseau, y compris les DAB/GAB;
– Garantir la fourniture de l’ensemble des services et renforcer les opérations des banques à distance;
– Revoir à la baisse les conditions des banques.
– Résilience face au Covid19

 

‘’La soutenabilité de la dette des pays de la Cemac nous préoccupe’’

Abdoulaye Seck

En effet, selon la dernière édition d’Africa’s Pulse, le rapport semestriel de la Banque mondiale consacré à la conjoncture économique africaine, la pandémie de Covid-19 plonge l’Afrique subsaharienne dans sa première récession depuis 25 ans, avec des prévisions qui tablent sur un recul de la croissance à -5,1% en 2020, contre 2,4% en 2019.

Le Représentant-Résident de la Banque mondiale/directeur des opérations au Cameroun jette un regard sur le pilotage de la riposte contre la pandémie du Covid-19 au Cameroun. En même temps, le Sénégalais analyse la posture des pays de la sous-région à l’heure de la crise sanitaire.

 

Monsieur le représentant résident, la crise sanitaire du coronavirus touche votre pays d’accueil. Comment vous la vivez dans votre chair ici au Cameroun?
Il s’agit d’une situation exceptionnelle, nouvelle et inconnue et pour laquelle, le monde entier doit apprendre à changer des habitudes avec ce que ça comporte de difficultés et d’appréhension.

Nous devons donc tous vivre au rythme des mesures mises en place par le gouvernement, respecter les différentes mesures barrières pour qu’ensemble nous puissions faire barrage et stopper la propagation de ce virus.

Quel est votre regard sur le train de mesures du gouvernement camerounais pour lutter contre cette pandémie?
La situation que vit le monde actuellement est exceptionnelle et sans précédent. Nous découvrons tous les jours de nouvelles informations sur comment faire face à ce virus et par conséquent, les mesures que prennent les gouvernements sont à féliciter.

Les différentes mesures prises par le gouvernement camerounais vont dans le même sens que ce qui est fait dans la plupart des pays. La mise en œuvre des mesures barrières: distanciation sociale, hygiène des mains, port du masque pour ne citer que celles-ci sont les principales mesures qui permettront de freiner la propagation de ce virus au sein de la population.

Avec la reconduction des mesures édictées par le chef de l’État le 17 mars dernier, le gouvernement rassure sa population et montre que la bataille contre cette pandémie n’est pas encore terminée. Cette bataille ne pourra être gagnée que si tout le monde agit de façon citoyenne et respecte les mesures mises en place par le gouvernement.

La Banque mondiale semble atone, au niveau du Cameroun, pour ce qui concerne la lutte contre le Covid-19. Est-ce une perception erronée de votre contribution?
Comme vous le savez, le groupe Banque mondiale est une source essentielle d’appui financier et technique pour les pays en développement du monde entier.

Des investissements dans un vaste éventail de secteurs: éducation, santé, administration publique, infrastructure, développement du secteur financier et du secteur privé, agriculture, gestion de l’environnement et des ressources naturelles, etc.

Dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, le Cameroun a sollicité l’assistance et le soutien de la Banque mondiale dans le cadre de l’action du gouvernement pour la lutte contre la pandémie du Covid-19.
Cette aide financière se manifestera de plusieurs façons:

1. US $6,8 millions: La première réponse d’urgence a été mise à la disposition du gouvernement pour former les acteurs du système à la gestion de l’urgence et acheter des équipements médicaux, des tests kits, des équipements de protection, etc. dont les livraisons ont été effectuées courant du mois d’avril.

2. US $29 millions: Ensuite, un projet d’urgence de plus grande ampleur est en préparation pour poursuivre l’accompagnement du programme du gouvernement afin de lutter contre la pandémie. Le projet est préparé utilisant la procédure expédiée spéciale pour la pandémie et entrera en vigueur, d’ici un mois.

3. Et enfin, la Banque propose au gouvernement camerounais de restructurer le projet de filet social qui est en cours afin d’augmenter le montant des sommes versées directement à la population bénéficiaire pendant les 6 prochains mois (de mai à octobre 2020), ainsi que d’appuyer des activités associées à la distanciation sociale.

Les effets de cette crise sanitaire mondiale entrainent l’Afrique subsaharienne vers une récession qu’elle n’a plus connue depuis plus de 25 ans. La Banque mondiale a disponibilisé un soutien financier de 160 milliards dollars pour les 15 prochains mois. Quels sont les secteurs prioritaires de ces financements?
En effet, selon la dernière édition d’Africa’s Pulse, le rapport semestriel de la Banque mondiale consacré à la conjoncture économique africaine, la pandémie de Covid-19 plonge l’Afrique subsaharienne dans sa première récession depuis 25 ans, avec des prévisions qui tablent sur un recul de la croissance à -5,1% en 2020, contre 2,4% en 2019.

Le groupe de la Banque mondiale prend des mesures rapides et de grandes envergures en vue d’aider les pays en développement à renforcer leur action contre la pandémie et à améliorer la veille sanitaire et les interventions de santé publique, tout en soutenant le secteur privé pour permettre aux entreprises de poursuivre leurs activités et maintenir les emplois. Il prévoit d’apporter jusqu’à 160 milliards dollars de financements au cours des 15 prochains mois, afin d’aider les pays à protéger les populations pauvres et vulnérables, soutenir les entreprises et favoriser le redressement de l’économie. Les secteurs ciblés par ces financements seront identifiés par chacun des pays.

La situation actuelle remet au gout du jour, au mieux l’insuffisance des filets sociaux, au pire l’inexistence des filets. La Banque mondiale est le principal partenaire de l’État du Cameroun dans la réalisation de ce projet. Pensez-vous que le travail entrepris jusqu’ici soit de nature à garantir la résilience socio – économique du Cameroun?
En effet, le projet de filets sociaux mis en œuvre vient en aide aux plus démunis et aux plus vulnérables dans certaines villes du Cameroun. Parmi les prochaines étapes, nous mobiliserons 20 millions dollars US dudit projet pour étendre la couverture des transferts monétaires en utilisant des procédures d’urgence. Nous allons également, aider à sa modernisation par l’expansion de moyens technologiques adaptés. Enfin, dans le cadre de la reprise, nous nous attacherons à appuyer le gouvernement à travers un programme modernisé de protection sociale et de génération de revenus et d’emplois pour les plus touchés par la crise.

Les pays de l’Afrique centrale, qui constituent votre portefeuille régional, recourent à la dette pour financer la riposte actuelle contre le coronavirus. Pourtant, personne ne sait avec exactitude la date de fin de cette crise sanitaire. Le choix des pays de la CEMAC ne dessine-t-il pas l’avènement d’une nouvelle crise de la dette?
Votre question est très pertinente. Elle me donne l’occasion de préciser que le soutien de la Banque mondiale à ses pays clients affectés par la pandémie du Covid-19 est multiforme. Elle comprend des financements concessionnels, des conseils et de l’assistance technique pour les aider à faire face aux impacts sanitaires et économiques de la pandémie.

Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler que le 25 mars dernier, le Président du Groupe de la Banque mondiale et la Directrice du Fonds monétaire international (FMI); dans un élan de solidarité internationale, ont conjointement appelé les créanciers bilatéraux publics à suspendre immédiatement le remboursement de la dette des pays les plus pauvres. Comme vous le savez, cet appel a été entendu. Le 15 avril, le G20 a décidé de suspendre provisoirement le service de la dette des pays les plus pauvres, à compter du 1er mai et jusqu’à la fin de l’année 2020. Cette mesure d’allègement de la dette permettra aux pays bénéficiaires de générer de l’espace budgétaire pour mieux lutter contre la pandémie. La mesure concerne 25 pays africains, dont quatre membres sur six de la sous-région Cemac.

S’agissant de la soutenabilité de la dette des pays de la Cemac, je tiens à vous rassurer, elle nous préoccupe également. C’est pourquoi nous avons décidé de réviser notre politique en matière d’emprunts non concessionnels à compter du 1er juillet 2020 pour les pays IDA. L’objectif de cette nouvelle politique est d’inciter les pays à emprunter à des conditions viables et à promouvoir la coordination des actions entreprises par l’IDA et les autres créanciers pour appuyer les efforts déployés par les pays.

Cette nouvelle politique reposera sur deux piliers: (1) le Programme de renforcement de la viabilité de la dette (DSEP) qui fournira des incitations aux pays pour les amener à adopter des politiques publiques visant à réduire leur vulnérabilité à la dette; et (2) le Programme de sensibilisation des créanciers (PCO) pour faciliter le partage d’informations, le dialogue et la coordination entre les créanciers et contribuer à gérer les risques associés à la dette en s’appuyant sur la plateforme mondiale et le rôle mobilisateur de l’IDA. Les discussions entre mes équipes et les autorités camerounaises pour la mise en œuvre de cette nouvelle politique ont débuté et vont bon train.

Interview réalisée par
Thierry Ndong

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