Bah Mamadou Alpha chérit l’espoir de meilleures conditions de vie dans son pays natal.
L’homme sait se faire discret dans le quartier Nkolmesseng où il gère la boutique d’un parent. Originaire du village Touma Wendou, dans le Fouta Djallon (Burkina Faso), à 46 ans révolus, il occupe un espace permettant juste d’étendre son corps sur un fin matelas à la nuit tombée. Il explique: «Ici à la boutique, j’ai droit à manger tous les jours. C’est le propriétaire qui supporte les charges de la boutique. Si je pars louer un local, c’est à ma charge. Donc je préfère rester ici, je surveille la boutique, je fais des économies». L’objectif avoué est de réduire au maximum ses dépenses. De fait, ses petits gains sont destinés aux besoins mensuels de sa famille au Burkina Faso et à des économies.
Bah Mamadou Alpha Il accueille tout le monde avec un sourire et chacune de ses phrases est empreinte de «Monsieur» ou «Madame» à l’égard des nombreux clients qui franchissent au quotidien la porte de sa boutique. Ce visage serein cache cependant le poids d’énormes sacrifices, car Bah Mamadou Alpha se prive de tout confort.
Peu de revenus, mais grandes actions
La boutique de Bah Mamadou Alpha dans le cinquième arrondissement de la ville de Yaoundé compte parmi les plus achalandées du coin dénommé «Petit Paris» à Nkolmesseng. Il y fait tourner un capital de plusieurs millions de francs CFA. «Lorsque l’on fait l’inventaire, on retire le capital investi au départ, les charges du loyer et tout. Et là, on se partage le bénéfice ensemble. C’est ce que tu reçois qui constitue ta paye. Donc il faut bien travailler à réduire les dépenses pour gagner beaucoup. Il y a des boutiques qui peuvent avoir un bénéfice de 125 000 FCFA par mois. Ca dépend de beaucoup de choses», indique-t-il. S’il avoue que ses revenus sont en deçà de ses espérances initiales, le Burkinabé se dit hanté par la crainte d’un retour au pays natal les bras vides.
Bah Mamadou Alpha a une vie communautaire au Cameroun. Elle est meublée principalement de réunions des ressortissants du Burkina Faso et de différentes rencontres avec les autorités consulaires. Bah Mamadou Alpha est en situation régulière au Cameroun. Il se soumet aux obligations pécuniaires de l’association riche de plus de 300 adhérents. En retour, il reçoit assistance en cas de maladie ou de décès. «Le but, c’est de s’entraider. Mais si un compatriote meurt, même s’il ne prenait pas part aux activités de l’association, on a le devoir de s’occuper de son rapatriement et des obsèques», souligne-t-il. Sa plus grande joie est la contribution active au développement des communautés au Burkina Faso. «Nous travaillons pour le développement de nos localités. L’État arrive à faire beaucoup de choses, mais il ne peut pas satisfaire tout le monde. Nous, la diaspora, on contribue à notre façon aux efforts de l’Etat. On construit des forages, on réalise des projets… Chaque mois, on fait des cotisations, 500 FCFA, 1000 FCFA et plus, en fonction de ce que chacun gagne. Vous y ajoutez les contributions de ceux qui sont dans d’autres pays. Dès que le montant est important, on fait quelque chose pour le développement de nos villages», renseigne Bah Mamadou Alpha.
Sacrifices et renoncement
Les tourments de cet homme ne sont pas à leur comble. L’absence et la solitude meublent son quotidien. L’impératif de l’épargne l’absout au plaisir de la compagnie de son épouse depuis près de cinq ans. Il faut pourtant s’y faire pour parvenir à accomplir ses ambitions professionnelles: réunir une belle somme pour ouvrir son propre commerce au Burkina Faso. Pour combler le vide, il passe quelques fois de longues heures au téléphone avec les siens. Chacun a droit à son tour de parole et seuls les éclats de rire peuvent témoigner de l’intensité du moment.
Louise Nsana