Les ressortissants de ce département de l’Extrême-Nord au Cameroun en ont fait une profession quasi-exclusive. Immersion dans ce monde insalubre.
C’est avec une dextérité et une agilité manuelle unique qu’Hassan la quarantaine sonnée confectionne taies d’oreillers, coussins et poufs dans son atelier en carabotte très exigu de 3 mètres de long et 1,5 mètres de large. Nous sommes à Tsinga Élobi dans le 2e arrondissement de Yaoundé. Dans ce domaine, les ressortissants du département du Mayo-Tsanaga dans la région de l’Extrême-Nord du pays où est originaire Hassan, excellent. «Nous les gens de Mokolo, sommes l’alpha et l’oméga dans la confection des taies d’oreillers et coussins pour les salons. On appelle notre domaine Mayo-Tsanaga», se réjouit Hassan, le proprio de l’atelier compte 2 employés et 1 apprenti de 17 ans. Ici on ne connaît pas le luxe, «on fabrique simplement», apprend-on.
Processus
Comme un chirurgien, il découpe les matelas avec une grande précision. Selon ce spécialiste, un matelas de deux places avec une épaisseur de 20 cm donne exactement 50 coussins. Si c’est pour la confection des taies d’oreillers, il produit 40 pièces.
Et pour exercer ce métier, on n’a pas besoin de trop d’outils. «C’est un métier intellectuel, on utilise beaucoup plus la tête. C’est un art», se vante le chef d’entreprise. Il dit utiliser essentiellement deux outils parmi lesquels un couteau servant à la coupe des matelas et appelé dans le jargon du coin «bistouri». Parce qu’il est trop tranchant. C’est en réalité une scie à bois recyclé de manière artisanale. «C’est une scie à bois qu’on a divisée en deux. On enlève la partie ayant les dents et on la lime. On transforme le manche de telle sorte qu’il soit tenable comme un couteau de boucher. Puis on pose une éponge afin que le couteau soit doux», décrit l’artisan. L’autre matériel est la colle forte posée pour joindre les bouts des éponges et obtenir la forme voulue.
Cissé jeune malien est aussi un grand acteur dans ce processus. Il intervient dans l’habillage. Il est le livreur quasi exclusif des tissus servant à couvrir les oreillers. «J’achète les draps à Mokolo et je coup. Je vent l’unité à 59 ??????????? FCFA», explique Cissé.
Aux environs de 16 heures ce 28 septembre, Abdou reçoit 3 matelas dont un coûte 4000 FCFA. Il fait fi de la provenance. Il presse Guiziga, son apprenti de les découper. Puis une fois le montage fini, ils enfouissent ces morceaux d’éponges dans les coussins et les taies d’oreillers. Toujours pour garnir les coussins, poufs et oreillers, les confectionneurs utilisent également les éponges issues de la découpe des sièges de véhicules. «Nous achetons le complet des chaises, soit à 4 000, 5 000 et 6 000 FCFA pour les gros véhicules comme les pack up», renseigne Aminou, vendeur de ce type d’éponges. Les déchets de coton ne sont pas en reste. Ceux-ci sont très prisés, le kilogramme coûte 1 000 FCFA. «Je dois être là à 5 h au plus tard pour avoir les déchets de coton. Avec ça, les enchères augmentent. Un pouf avec les déchets de coton est plus cher», assure Hamadou, lui aussi confectionneur.
Côté commercial
La commercialisation est atypique. Ils sont les seuls à connaître les subtilités des ventes. Hassan dit avoir des employés appelés «baladeurs». Ces derniers sillonnent principalement 3 régions: le Centre, le Sud et celle de l’Est pour écouler la marchandise. «Ce sont nos jeunes frères ayant moins de 30 ans qui se baladent avec les produits pour vendre. Ils vont dans les villes et villages, ils font également la prospection», démontre-t-il. Ce modèle commercial est apprécié par Zoumbaï, un des vendeurs itinérants. «Je parcours les villages et les villes. Je vais jusqu’à Garoua-Boulaï, parfois j’entre en RCA et c’est de là que je sors», relate le jeune homme.
«Nous nous déplaçons avec pas moins de 200 taies et coussins que nous vendons jusqu’à 1 500 la pièce. Parce qu’il faut se nourrir et dormir, donc les enchères augmentent», ajoute son collègue en partance pour Djoum dans le Sud du Cameroun. Ils apportent une autre précision, celle de l’expédition. «On emballe, ça devient petit et on envoie à quelqu’un à l’agence de voyage». Mais un client à Tsinga achète le coussin de salon à 600 FCFA et une taie d’oreiller à 750, «parce qu’il est plus grand», justifie Ali un vendeur mobile.
Sécurité
Chaque jour de travail, Hassan achète 4 boîtes de lait non sucré pour lui et son équipe. «Nous utilisons la colle forte et elle a une forte odeur. On nous dit qu’elle détruit les poumons, voilà pourquoi je prends du lait Peak non sucré avec mes gens pour nettoyer nos poumons et ça marche», se satisfait le boss de l’atelier.
André G. Balla