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Crise anglophone : Le Canada accule le Cameroun

Il suffit parfois de la révélation des pourparlers pour geler les offres.

 

Sur la route Balangi-Kumba (Sud-Ouest), le 16 février dernier, un convoi militaire est attaqué par des combattants séparatistes. Les recoupements auprès de sources sécuritaires locales font état d’un soldat tué dans les rangs des forces de défense. Le même jour, à Ngi-Njap (département du Donga Mantung, région du Nord-Ouest), un enseignant d’école primaire a été abattu par des hommes encore non identifiés. «Ces actualités suggèrent de dégager rapidement un compromis social acceptable dans cette partie du Cameroun», souffle un diplomate canadien à Yaoundé. Selon un horizon de sens qu’il donne à ses propos, notre interlocuteur rappelle l’offre de médiation portée par son pays en janvier dernier. «Actuellement, la proposition abrite des interventions qui exploitent le registre de la confrontation entre le Cameroun et le Canada; et ce à des fins inconnues», souffle-t-il encore. Tacitement, allusion est faite au communiqué signé le 23 janvier 2023 par René Emmanuel Sadi. D’après le document, le gouvernement camerounais «n’a confié à aucun pays ou entité extérieurs un quelconque rôle de médiateur ou de facilitateur pour régler la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest». De l’avis d’Anthony Eyoum, «cette phrase évite une période initiale où tout allait bien, où l’ambiance des coulisses était harmonieuse ; avant d’être brisée par l’officialisation de tractations». Pour l’universitaire camerounais, la baudruche s’est dégonflée, donnant lieu à un quiproquo. Ce qui n’empêche pas à Ottawa de s’affiner dans sa formulation et même dans sa position. «Dans le cadre de son engagement à promouvoir la paix et la sécurité dans le monde, le Canada continuera d’appuyer une résolution politique et pacifique du conflit au Cameroun. Le seul intérêt du Canada sur cette question est une résolution pacifique du conflit, dans le but d’assurer l’avenir de tous les civils touchés par ses conséquences tragiques», assume James Emmanuel Wanki (porte-parole au département des Affaires mondiales du ministère canadien des Affaires étrangères) contacté par Intégration le 7 février dernier.

Suspension
Ainsi donc, devenue officielle, l’annonce par voie médiatique a tout gelé. C’est le même sort qu’a connu l’offre de médiation suisse en fin 2018. «Des leaders séparatistes approchent l’ambassade de Suisse à Yaoundé pour solliciter sa médiation, à la suite de quoi la Confédération offre ses services aux autorités. En avril 2019, Paul Biya confirme que ce rôle de facilitateur est le bienvenu. Berne accepte cette responsabilité et divise la mission en deux: le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s’occupera de favoriser les conditions d’un dialogue de paix auprès des autorités camerounaises; HD, en étroite collaboration avec le DFAE, aura pour tâche de réunir la rébellion morcelée autour de la table des négociations. HD, l’une des organisations de médiation de conflits les plus expérimentées, travaille régulièrement avec le DFAE. Les autorités, par la voix du secrétaire à la présidence, enjoignent la Suisse à la plus grande discrétion», écrit le journal suisse Le Temps. Dans sa version numérique du 4 juin 2021, le même média signale que «la donne a changé à Yaoundé. Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République et promoteur de l’intercession suisse, se montre des plus discrets et ne veut endosser la responsabilité de soutenir de vrais pourparlers de paix. Face à lui, un rival politique, le premier ministre Joseph Dion Ngute, qui dit promouvoir des discussions directes mais à ses conditions, ne veut pas s’encombrer des Suisses. Aux diplomates européens qu’il a reçus, il a affirmé que «la médiation suisse est morte».

Jean-René Meva’a Amougou

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