Covid-19 : le trait vrai du test payant

En instituant la fin de la gratuité, le gouvernement entend concilier ses objectifs de vaccination et ses visées de mobilisation collective dans la perspective d’une 5e campagne à travers le pays.

Au Cameroun, la gratuité absolue des tests de dépistage du Covid-19 a fait son temps. Dans une correspondance adressée le 6 avril 2022 à Séraphin Magloire Fouda (secrétaire général des services du Premier ministre), Ferdinand Ngoh Ngoh (secrétaire général de la présidence de la République, SG/PR) dit répercuter «les très hautes instructions de Monsieur le président de la République». Ce dernier, écrit le SG/PR, a prescrit «que les tests de dépistage PCR contre le Covid-19 soient désormais payants, au taux forfaitaire de 30000 FCFA».  La raison est claire: «au vu de la persistance de la pandémie du Covid-19 et des contraintes budgétaires qui en découlent». «Ça commence à peser sur le trésor public; le gouvernement entend donc alléger ses finances d’un poids», soutient Manaouda Malachie. En conférence de presse le 7 avril dernier, le ministre de la Santé publique (Minsanté) semblait réchauffer ce dont il n’avait signalé la pertinence que par des allusions sur les ondes de la CRTV-Radio le 15 juillet 2021. «L’État ne pourra pas continuer à faire un traitement global aux personnes qui refusent de se faire vacciner», avait-il  déclaré.  

Au vrai…

C’étaient des alertes adressées aux citoyens réfractaires aux vaccins contre le coronavirus. Sur ce point, une source au Minsanté révèle qu’à l’occasion de la 33e édition de la Can jouée au Cameroun en début d’année, une bonne frange de la population s’était ruée sur les dépistages PCR et antigéniques afin de gérer au mieux les entrées dans les stades. «Environ 27 millions de dépistages ont été réalisés au cours du seul mois de janvier 2022, soit un septième du total des tests depuis le début de la pandémie dans notre pays. La facture s’était alourdie de plusieurs millions; aux dépens de la vaccination pourtant gratuite et accessible à tous», affirme notre interlocuteur. L’hypothèse qui organise un tel propos est que si les citoyens sont frappés au portefeuille, le taux de vaccination passerait à la hausse. «À 30 000 FCFA le test, cela ne dément pas la tendance à penser en termes de changement de paradigme dans le contexte de mise en œuvre de bonnes stratégies vaccinales qui est le nôtre», appuie Dr Ralph Manga, épidémiologiste.  

Vu sous cet angle, il y a un non-dit essentiel: la fin de la gratuité des tests Covid-19 sert à accompagner les campagnes de vaccination. L’objectif? Encourager la vaccination et ainsi inciter ceux qui ne l’ont pas encore fait à franchir le cap. En d’autres termes, le gouvernement, en plaidant le paiement des tests, entend concilier ses objectifs de vaccination et ses visées de mobilisation collective dans la perspective d’une 5e campagne à travers le pays. «Car, à défaut d’être des échecs, les quatre premières n’ont pas atteint leur but», confie un cadre du Programme Élargi de Vaccination (PEV) du Cameroun. À la lumière des statistiques que celui-ci nous présente, il apparait qu’au 13 février 2022, le taux de couverture vaccinale au sein de la population totale était de 2,9%. Pour espérer une amélioration de cette piètre performance, frapper les Camerounais au portefeuille laisse deviner une importante chute de la demande des tests dans les jours à venir. À moins, bien sûr, qu’une reprise forte de l’épidémie n’enraye cette dynamique. 

Jean-René Meva’a Amougou

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