Dans la capitale camerounaise, les sociétés de jeux d’argent sur les matches du mondial russe voient d’un bon œil l’arrivée de la compétition.
Yaoundé s’éloigne du cliché de la capitale de l’un des pays «grands absents» de la coupe du monde de football, dont le kick off est prévu le 14 juin prochain à Moscou. A mesure que la date approche, la capitale camerounaise s’invente un nouvel art de vivre toutes les émotions de la plus grande compétition sportive du monde. Les lieux de paris sur les matches de la coupe du monde l’ont bien compris. «Ils fleurissent et du coup, surfent sur cette tendance pour être à la hauteur de l’événement», souffle Joe, proprio de casino à Mvog-Mbi (Yaoundé IV).
Sur le terrain, des innovations sont proposées. A Mokolo, dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, une maison de paris exalte «le méga» comme nouvelle formule de mise. Le principe, selon Martine, attachée commerciale: «plusieurs parieurs se retrouvent et se mettent ensemble pour se donner la possibilité de rafler un gain énorme, pour une mise de départ toujours aussi faible sur l’un des matches des équipes africaines engagées dans le tournoi».
Ailleurs, à Essos (Yaoundé V), une société de paris a récemment relooké son jeu à gratter «Cash», qui offre une chance sur quatre de gagner jusqu’à un demi-million de francs CFA. Sur le front du marketing, le ticket, en grand format sur font rose, renvoie l’image d’un billet de banque pour mieux séduire les joueurs.
Mais avant tout, il faut garder en tête que le principal dans un événement planétaire, c’est de voir les gens heureux. Chargé de la programmation dans une structure de jeux à Mvog-Mbi, Matthieu voit en cette compétition l’opportunité de rassembler les foules. «Les attentes seront surtout festives: on souhaite voir des embrassades, des scènes de joie. Que les gens boivent de la bière ou du champagne, c’est un détail. Avant tout, il faut de la convivialité»
De plus, «aux yeux de nombreux joueurs modestes, les jeux d’argent s’apparentent un peu à la Bourse», analyse Jean-Pierre Bisseck. Le psychologue – enseignant à l’Université catholique d’Afrique centrale de Yaoundé écume cette industrie depuis longtemps. Pour lui, il y a certes le foot et la fibre africaine. «Mais, ajoute-t-il, le facteur crise et les campagnes de communication expliquent tout». En tentant de nuancer, il conclut que depuis peu, l’imminence d’un grand moment de football induit une certaine effervescence dans le pays. «Yaoundé et ses lieux de paris sportifs ne sont que l’expression de cette donnée», théorise Jean-Pierre Bisseck.
En cette veille de coupe du monde de football 2018, les parieurs sont plus dépensiers. «Rien que pour les matches du premier tour que livreront les équipes africaines, nous avons 80% de notre chiffre d’affaires», explique un casinotier à Nkomkana (Yaoundé II). Bien plus, il confesse avoir changé les habitudes de jeu en facilitant et en accentuant la part de divertissement. «Ce divertissement, dit-il, consiste à proposer sur écran géant, par exemple les meilleures actions de Samuel Eto’o ou Didier Drogba… J’espère qu’ils iront loin, ce serait bon pour le business. On a prévu des fanions, des sifflets, des coloriages pour les matches des Africains… Des trucs un peu sympas pour vibrer avec nos équipes africaines».
Jean-René Meva’a Amougou