Contre-offensive en faveur d’une fusion-constitution : Un huis clos décisif

Le Congo (Brazzaville), la Guinée Équatoriale, le Cameroun et l’Union africaine ont plaidé et obtenu une restriction des travaux aux seuls ministres. A la clé, la validation du Traité constitutif de la nouvelle Communauté.

 

La journée du 12 août ne commence pas bien pour les ministres en charge des Finances et de l’Intégration de la sous-région Afrique centrale. On entend encore parler dans les couloirs «de fusion-absorption ou rien». La tension se lit sur le visage des officiels. Au point de crisper tout le monde, y compris les journalistes déjà laissés à l’extérieur et à l’affût de la moindre déclaration.

Congo Brazzaville
Les ministres font un constat. «Les travaux piétinent et ils décident alors de mettre la CEEAC au pas». À en croire une source interne au Copil/CER-AC, l’argument mobilisé est qu’«une institution appelée à se former n’a pas d’orientations à donner aux États. C’est les États qui ont créé ces institutions et elles sont au service des États. Ils peuvent en faire ce qu’ils veulent». Des participants indiquent qu’à partir de ce moment, «Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas est sortie de ses gongs. Et elle a demandé le huis clos. Il n’y a que les onze États qui doivent décider de ces questions qualifiées de préjudicielles. La CEEAC et la Cemac ne sont restées dans la salle qu’à condition de ne plus interrompre les travaux».

La ministre congolaise (Brazzaville) du Plan, de la Statistique et de l’Intégration régionale s’offusque notamment de ce qu’«on envoie quelqu’un déclarer quelque chose dont il ne maîtrise pas la portée. Nous les ministres, nous rendons compte aux chefs d’État. À qui rend compte le président de la Commission de la CEEAC? Monsieur le président du Copil/CER-AC, Alamine Ousmane Mey, nous demandons le huis clos».

Elle finit par se tourner vers son homologue de RDC pour l’interpeler. «Vous êtes le président du Conseil des ministres de la CEEAC, j’espère que vous ferez un compte rendu fidèle de ce qui se passe ici à votre président de la République. Pour lui dire qu’une institution dicte désormais la conduite à tenir aux États», indique-t-elle. Avant de s’interroger: «pourquoi n’avez-vous pas émis vos réserves quand vous conduisiez votre réforme. J’étais assise derrière le président Sassou Nguesso, ne nous obligez pas à dire tout ce qui se disait alors». Au demeurant, «les chefs d’État partent d’une déclaration et d’un mandat donné au président Paul Biya pour aboutir à la décision conjointe de 2015 venue consacrer les deux autres». Aux yeux de plusieurs observateurs avertis, cela «rend inattaquable le mandat du président dédié».

Guinée Équatoriale, Cameroun et UA
La demande d’Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas trouve immédiatement un écho favorable auprès des ministres équato-guinéen et camerounais, et du représentant du président de la Commission de la CEEAC. Car pour Baltazar Engonga Edjo’o, ministre d’État équato-guinéen en charge de l’Intégration régionale, pour Louis Paul Motaze, ministre camerounais des Finances, et pour le Pr Pierre Moukoko Mbonjo, il y a clairement nécessité de désamorcer la bombe Gabon-CEEAC pour pouvoir avancer. Surtout pour leur rappeler que «la Commission est une administration exécutante», est-il souligné.

Lire ausi : Rationalisation des CERs d’Afrique centrale : CEEAC, l’arroseur arrosé

L’option du huis clos est validée par le président du Copil/CER-AC après un certain nombre de précisions à l’intention de l’ambassadeur du Gabon et du ministre de la RDC. À savoir que «si les institutions sous-régionales se réforment, cela n’impacte pas le mandat de la rationalisation. La Cemac s’est bien réformée sous la conduite du président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, elle est pourtant pleinement engagée dans le processus actuel. Par ailleurs, l’absence des uns et des autres aux différents rencontres, ne peut pas non plus impacter la présente session», a énoncé Alamine Ousmane Mey.

Retour à l’orthodoxie
Le huis clos s’est donc imposé pour un retour à l’orthodoxie. Laquelle orthodoxie permet de mieux comprendre le processus de prise de décision. «Il se trouve en effet que quand les États se réunissent, les institutions sous-régionales sont de simples observateurs et rapporteurs». Pour preuve, insiste une source, «une fois le huis clos validé, on n’a plus parlé de la Cemac ou de la CEEAC. Les carottes étaient cuites. On a pris ce qui était bon chez la CEEAC et ce qui était bon dans la Cemac pour bâtir la nouvelle Communauté. Les ministres ont par ailleurs demandé l’implication de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL)». L’Angola brille pour sa part par une forte participation aux travaux de Yaoundé. Elle est venue avec la délégation la plus forte, soit 14 membres.

Prémices
S’agissant de la menace RDC, le chef de la délégation de ce pays se signale à l’attention du Conseil des ministres dès le début de travaux. «Il me semble avoir entendu dans la communication du représentant du président de la Commission de la CEEAC, le mot réserve. Est-ce que l’on pourrait alors lever cette réserve avant d’avancer? J’aimerais par ailleurs être fixé sur l’état des contributions de la RDC», sollicite le membre du gouvernement (RD) congolais le 11 août 2022.

La réponse de Louis Paul Motaze ne se fait pas attendre. «Monsieur le président du Copil/CER-AC, je voudrais vous encourager à tenir bon dans cette affaire. Parce que le travail que nous faisons est un travail sérieux», indique d’abord le Minfi. Le membre du gouvernement camerounais précise ensuite que «ce qui devrait se passer c’est que nous faisons un travail d’ensemble. Ce qui est en-dessous doit s’adapter, mais pas l’inverse. On ne peut pas partir du bas pour que le haut s’adapte. Sinon, monsieur le président, on ne s’en sortira jamais».

Le ministre camerounais fait enfin observer que le «risque est que chaque État dise: attendez, enlevez d’abord ceci, il faut que j’aille voir au niveau de ma constitution et de mon organisation. Et notre travail ne ressemblera à rien». Car au final pour Louis Paul Motaze, «les chefs d’État ont donné une mission au président dédié, le président camerounais, et c’est ce travail que nous faisons ici».

Théodore Ayissi Ayissi

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