Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale: Rapport sur l’état d’exécution de la feuille de route du président en exercice de la conférence des chefs d’État de la Cemac

Introduction

La Feuille de Route du Président en Exercice de la Conférence des Chefs d’État, élaborée le 06 juin 2017, énonce les actions prioritaires dictées par les objectifs immédiats de la Communauté ainsi que par les contraintes de l’environnement international (cf. annexe du présent rapport). Sans suspendre ou modifier les missions traditionnelles de la CEMAC, cette Feuille de Route détermine l’orientation assignée à l’ensemble des structures communautaires par le Président en Exercice pour la durée de son mandat.

La mise en œuvre de la Feuille de Route ainsi élaborée est intervenue dans un contexte encore profondément marqué par l’effondrement du cours du pétrole et par la persistance de tensions sécuritaires dues à des poches de contestations armées. Les difficultés récurrentes de trésorerie de la Communauté, liées à la confiscation de la TCI par les États, ont constitué un handicap supplémentaire pour l’exécution des actions définies.

Grâce toutefois au concours des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), notamment l’Union Européenne à travers le Programme d’Appui au Commerce et à l’Intégration Economique (PACIE), des actions non négligeables ont pu être menées et achevées. D’autres actions se poursuivent.

L’état d’exécution de cette Feuille de Route, résumé dans le tableau joint au présent rapport, est structuré ici, par souci de clarté, selon le niveau d’avancement des différentes actions prévues : d’abord (i) les actions intégralement réalisées, ensuite (ii) les actions en cours de réalisation, enfin (iii) la seule action confrontée pour l’heure à d’incontournables difficultés de mise en œuvre.

  • I. Les actions intégralement réalisées
    Les actions intégralement réalisées se rapportent aux points n°7, 9, 10, et 12 de la Feuille de Route. Il s’agit respectivement de :
  •  L’installation des juges de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes Communautaires (Action n°7);
  • L’adoption de la Politique Commune de Transport et du Schéma Directeur des Infrastructures Routières et Ferroviaires en zone CEMAC (Action n°9) ;
  • L’adoption de la Politique Energétique et du Schéma Directeur pour la production et le transport d’électricité en zone CEMAC (Action n°10);
    La signature de l’Accord d’adhésion de la République Démocratique du Congo (RDC) en qualité de membre associé du Groupe d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique Centrale – GABAC – (Action n° 12).

II. Les actions en cours de réalisation
Les différentes actions en cours de réalisation se déclinent comme suit et méritent explications pour chaque rubrique.

A. Sur la libre circulation des personnes dans l’espace CEMAC (Action n° 2)
Action phare du Président en Exercice, la libre circulation des personnes dans l’espace communautaire est devenue effective à l’issue de la dernière Conférence des Chefs d’Etat tenue à N’Djamena le 31 octobre 2017. Cette matérialisation de la libre circulation des personnes a fort opportunément renforcé le marché commun en zone CEMAC. Les mesures d’accompagnement énumérées dans le document dit Feuille de route consensuelle de la libre circulation se poursuivent pour favoriser son enracinement.

Au demeurant, le 19 septembre 2018, la Guinée Equatoriale s’est ajoutée aux trois autres Etats membres ayant leurs passeports biométriques CEMAC homologués. Le Gabon et le Tchad ont annoncé devoir rapidement se conformer à leur tour à cet exercice d’homologation.

Au chapitre de la Politique Commune d’Emigration, d’Immigration et de la protection des frontières de la CEMAC, plus rien ne s’oppose à la signature du document y relatif depuis la levée de la réserve émise par la Guinée Equatoriale. A cet égard, le projet d’Acte Additionnel qui s’y rapporte et tous les documents y afférents sont soumis à la Conférence de Chefs d’État pour adoption. La mise en œuvre des actions prévues par ces projets de texte relèvera de la diligence conjointe de la Commission de la CEMAC et des Etats membres.

B. Sur le Plan Opérationnel 2017-2021 du Programme Économique Régional (PER) (Action n° 3)
Faire une rétrospective sur le premier Plan Opérationnel 2011-2015 du PER (PER phase 1) s’impose pour bien comprendre la dynamique de l’ensemble du dossier. Le PER phase 1 (2011 -2015) visait prioritairement le renforcement des fondements indispensables au développement de filières régionales fortes et à la concrétisation de la vision 2025. Il s’articulait autour de cinq (5) priorités : i) une vision partagée, ii) la bonne gouvernance et un environnement des affaires compétitif, iii) un espace physique intégré dans le cadre d’un aménagement équilibré du territoire, iv) le développement du capital humain et enfin v) la constitution d’un marché commun et l’accès aux marchés d’exportation.

Le bilan de ce Plan Opérationnel 2011-2015 s’est cependant résumé à la mise en œuvre de 16 projets sur un total de 69 projets. Cette exécution mitigée s’explique en premier lieu par un manque d’articulation d’une part entre le PER communautaire et les PER volets pays et, d’autre part, entre les PER volets pays et les priorités des États membres. Elle s’explique en second lieu par l’absence d’indications de ses modalités de financement.

Les enseignements tirés de cette situation, mais aussi les contraintes de la conjoncture, ont milité pour une approche plus pragmatique dans la conception du Plan Opérationnel 2017-2021 (PER phase 2). Ce PER phase 2 s’appuie ainsi sur un portefeuille limité de projets communautaires intégrateurs à forte visibilité pour les populations, afin d’asseoir le processus d’intégration sur des bases solides.

13 projets à cet effet ont été sélectionnés, qui s’articulent autour de deux missions. La première mission tient au renforcement de l’intégration physique à travers : i) le développement des corridors régionaux de transport, ii) le développement de la production et de l’interconnexion électrique et iii) le développement des infrastructures numériques. La seconde mission consiste à l’accélération de l’intégration commerciale au moyen de : i) la facilitation de la libre circulation des personnes et des biens, ii) le développement du capital humain et iii) l’appui à la diversification des économies.

Le financement des études des différents projets sélectionnés est prévu au budget du Fonds de Développement de la Communauté (FODEC). Quant au financement de leur exécution, il sera tributaire d’une table ronde des bailleurs de fond, prévue en 2019, une fois les études de faisabilité disponibles.

A ce jour, l’état d’avancement de ces dossiers d’études se présente comme suit :

 

C. Sur le Programme des Réformes Economiques et Financières de la CEMAC (PREF-CEMAC) (Action n° 3 bis)
Le PREF-CEMAC a pour objet la mise en œuvre d’actions économiques et monétaires rapides, vigoureuses et coordonnées aussi bien au niveau national que sous régional, afin d’assurer la stabilisation du cadre macroéconomique et de favoriser une transformation structurelle profonde des économies de la sous-région. Le contexte d’élaboration du PREF-CEMAC et la justification de son cadre institutionnel sont largement mentionnés dans le Communiqué Final de la Conférence Extraordinaire des Chefs d’État tenue à Yaoundé le 23 décembre 2016.

Destiné à inverser les tendances négatives issues de la chute brutale du cours du pétrole de 2014, le PREF-CEMAC, en combinant une politique budgétaire et une politique monétaire adéquates avec une coopération internationale renforcée, a partiellement atteint son but : il a en effet contribué à stopper la dégradation des indicateurs macroéconomiques observée de 2014 à 2016. Le contexte demeure cependant encore fragile et les efforts de consolidation doivent se poursuivre.
Les principales réalisations du PREF-CEMAC se déclinent par type de pilier.

Pilier 1 – Politiques budgétaires : Le taux d’exécution des actions du pilier 1 est évalué à 26,8%. Ce taux d’exécution tient aux efforts déployés par les États membres pour l’amélioration de la transparence de leurs politiques fiscales.

Pilier 2 – Politique monétaire et système financier : Le taux d’exécution des activités du pilier 2 est évalué à 31%. Il résulte des actions déployées par la BEAC pour une efficacité accrue de la politique monétaire et pour la reconstitution des réserves de change.

Pilier 3 – Réformes structurelles : Le taux d’exécution se rapportant au pilier 3 est de 25,5%. Il découle du développement des formes alternatives de financement des économies de la CEMAC ainsi que de l’amélioration du climat des affaires dans la sous-région.

Pilier 4 – Intégration régionale : La mise en œuvre des activités du pilier 4 présente un taux d’exécution de 36% grâce à l’amélioration de l’appareil statistique des États membres, au renforcement du marché commun – du fait, entre autres, de la libre circulation des personnes – ainsi qu’à la prise en compte des principaux axes du PER dans les différents plans nationaux de développement.

Pilier 5 – Coopération internationale : Le pilier 5 présente un taux d’exécution de 91,7%. Ce taux s’explique en premier lieu par les efforts des Institutions de la sous-région qui ont coordonné avec succès les démarches des États membres pour l’obtention de financements internationaux. Il s’explique en second lieu par la conclusion d’Accords entre les États membres et le FMI sur un programme triennal appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FMI) du FMI.
Le taux d’exécution global du PREF-CEMAC, en conclusion, est de l’ordre de 32,5%.

D. Sur la relecture du PER (Action n° 4)
La relecture du PER se justifie par les difficultés de financement de ce Programme ainsi que par la non prise en compte dans son écriture de certaines problématiques nouvelles qui, comme la sécurité, se posent aujourd’hui avec acuité.
Cette relecture est confiée au Cabinet LA FERDAC et ses frais sont couverts par le budget du FODEC.

Plusieurs sessions de travail entre les différentes parties prenantes (Commission de la CEMAC, BEAC, BDEAC et les membres du Comité de Gestion du FODEC) ont permis au processus d’avancer.

LA FERDAC a du reste déjà bénéficié de l’avance prévue pour le démarrage de la relecture, soit d’un montant de 330 000 000 FCFA représentant 30% de la facture totale.

La Commission de la CEMAC attend pour l’heure le rapport d’étape du Cabinet. Ce rapport d’étape devra obtenir la validation des instances habilitées avant la finalisation et la remise à la Commission du PER ainsi révisé.

E. Sur le recouvrement intégral de la TCI  (Action n° 5)
Les Etats membres ont signé comme prévu des arrêtés déterminant les nouvelles modalités de recouvrement de la TCI. Toutefois, à la suite de l’évaluation effectuée, il ressort que le mécanisme n’est guère opérationnel dans tous les Etats membres. Seuls deux Etats (le Gabon et le Tchad) ont partiellement rendu effectif le mécanisme.
L’immixtion des administrations des Trésors nationaux dans la procédure de recouvrement de la TCI est de la sorte toujours avérée, déjouant continuellement les prévisions.

F. Sur les négociations avec l’Union Européenne pour un APE à configuration régionale (Action n° 6)
Les négociations avec l’Union Européenne pour un APE à configuration régionale sont appelées à s’effectuer de concert avec l’Union Africaine (UA). C’est dans cette perspective que la Commission de la CEMAC, à l’occasion d’une mission du Président de la Commission à Bruxelles, a sollicité de l’Union Européenne la reprise des discussions.

Il faut rappeler à ce propos que de fortes divergences sur le financement de cet APE avaient entraîné une rupture des négociations par la partie européenne, le 27 octobre 2016. La relance des négociations aujourd’hui sollicitée devrait se faire sur la base des conclusions du Groupe Technique en charge des Affaires Douanières (GTAD) ainsi que de l’évaluation des projets de renforcement des capacités productives des Etats de l’Afrique Centrale. Seuls les résultats de ces travaux permettront, à partir de l’offre d’accès au marché figurant dans l’Accord d’étape Cameroun/Union Européenne, de procéder à des ajustements afin de constituer une offre régionale à proposer à la partie européenne. Cette offre sera préalablement soumise pour validation à la réunion des Ministres de l’Afrique Centrale en charge des négociations de l’APE (COMINA).

G. Sur l’adoption du Code des Douanes révisé de la CEMAC (Action n° 8)
La révision du Code des Douanes de la CEMAC s’est avérée indispensable pour assurer la conformité de la sous-région avec les engagements internationaux nouvellement souscrits, tels l’Accord sur la Facilitation des Echanges (AFE), qui fixe de nouvelles exigences dans le traitement du commerce extérieur des marchandises, et la Convention de Kyoto révisée, laquelle prescrit pour sa part une évolution des bonnes pratiques avec des procédures simplifiées et informatisées.
Le processus de révision de Code des Douanes a démarré en 2016 et s’est intégralement achevé début 2019. Le document définitif et ses textes d’application finalisés sont présentés pour adoption au Conseil des Ministres de l’UEAC.

H. Sur le Code Minier Communautaire (Action n° 11)
Le processus d’élaboration du Code Minier Communautaire a largement avancé. Elle a nécessité des consultations au sein de tous les Etats membres ainsi qu’une analyse minutieuse de tous les textes nationaux ayant une incidence sur le secteur minier. La première version du Code élaboré, disponible depuis octobre 2017, a fait l’objet de discussions fructueuses entre les experts des États en septembre 2018. Ces discussions sont appelées à se poursuivre pour prendre en compte les suggestions et réserves de certains États membres. Le document issu de ces échanges sera débattu, à une étape ultérieure, avec les acteurs d’entreprises minières et de la société civile avant d’être soumis pour approbation à la réunion des ministres sectoriels, puis pour adoption au Conseil des Ministres de l’UEAC.

I. Sur le renforcement de la gouvernance des Institutions Communautaires (Action n° 13)
Il convient de rappeler, sous cette rubrique, qu’un audit de l’ensemble des structures communautaires s’est effectué courant 2014 afin d’évaluer la conformité du nouveau dispositif institutionnel avec l’esprit et la lettre des textes issus du Programme des Réformes Institutionnelles (PRI). Cet Audit couvre la période de 2007 à 2012-13. Il a été effectué par trois Cabinets, en raison de ce que les structures communautaires étaient regroupées en trois (03) ensembles, en fonction de leurs rapprochements géographiques et de leurs domaines de mission (un Cabinet pour les écoles de formation, un autre pour les institutions de contrôle, et le troisième pour les institutions financières).

L’objectif recherché au travers de cet Audit vise à garantir au sein de la Communauté une gouvernance conforme aux normes internationales, avec une parfaite lisibilité des performances enregistrées et la nécessité de rendre compte régulièrement aux différentes instances qualifiées. Deux (02) volets caractérisent à cet égard l’étude menée et concernent, d’une part, l’appréciation et le suivi de la gouvernance et, d’autre part, l’examen comptable et financier dont le but est de vérifier la sincérité et la régularité des comptes ainsi que le bon emploi de l’ensemble des ressources de la Communauté.

En outre, l’ancienne équipe dirigeante de la Commission avait souhaité, lors d’une Audience à elle accordée par le Président en Exercice de la Communauté, que soient également menés des Audits pour la période 2014-2016. Le Président en Exercice ayant donné son accord, une correspondance a été adressée au Président du Conseil des Ministres de l’UEAC, conformément aux dispositions communautaires, pour obtenir son aval et établir un avenant avec chacun des Cabinets à l’effet d’engager lesdits Audits devant couvrir la période de 2014 à 2016 inclue.

Reprenant judicieusement en main le dossier, les nouvelles Autorités de la Commission entendent prendre connaissance de l’ensemble des recommandations issues des Audits achevés (2007 à 2012-2013) avant de se fixer des orientations précises.

Par ailleurs, s’agissant de la rationalisation des structures communautaires de formation qui est en lien avec le renforcement de la gouvernance –, le projet de rapport y relatif a été transmis au Département de l’Education pour examen préalable et diligente.

Enfin, un autre dossier se rapportant au renforcement de la gouvernance est celui de la redynamisation de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC). Ce dossier est suivi par les structures délibérantes de la Banque ainsi que du Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC).

III. L’action confrontée pour l’heure à d’incontournables difficultés d’exécution
La seule action confrontée à des difficultés majeures d’exécution concerne la relocalisation de la Commission en République Centrafricaine, son pays de siège statutaire. Débuté en effet dès avril 2017, le processus de relocalisation de la Commission à Bangui s’est heurté à :

 La persistance de la crise sécuritaire;
 La pénurie des logements pour les fonctionnaires expatriés ;
 Les tensions continuelles de trésorerie de la Commission.

C’est au regard de cette situation que le Président en Exercice de la Conférence des Chefs d’Etat, par décision du 19 février 2018, a suspendu le processus de retour à Bangui en instruisant la Commission de s’installer provisoirement à Malabo en République de Guinée Equatoriale.

Toutefois, parallèlement à son installation provisoire à Malabo, la Commission a entrepris des études pour la réhabilitation du patrimoine de la CEMAC à Bangui, préparant ainsi les conditions de son retour. Sont prises en compte dans ces études, la réfection de la Cité de la CEMAC, la réhabilitation du Palais de la CEMAC et des deux résidences de fonction du Président et de la Vice-Présidente de la Commission ainsi que la construction d’un immeuble R+3 comprenant 16 appartements. Achevées et présentées dernièrement aux plus hauts responsables de la Commission, ces études ont fait l’objet de quelques aménagements et donneront lieu au lancement des appels d’offres une fois réunies toutes les conditions requises.

Conclusion
Boussole de l’action des structures communautaires depuis juin 2017, la Feuille de Route du Président en Exercice de la Communauté a été mise en œuvre avec un succès qu’ont toutefois limité la persistance de la rétention de la TCI et la faible mobilisation des financements extérieurs.

Cette exécution mitigée, comme le révèlent les faits sus exposés, pose à nouveau avec insistance le problème du financement de la Communauté. Car pour louables que soient les résultats obtenus avec des moyens dérisoires, l’exécution de cette Feuille de Route eût été largement meilleure si la Communauté avait pu disposer des fonds qu’elle était légitimement en droit d’attendre. La sécurisation de la TCI aurait sans doute favorisé des résultats hautement appréciables. Or celle-ci, bien que convenue entre tous les États membres, n’est formalisée à ce jour que par le Gabon et le Tchad avec de surcroît, dans ces deux pays, un fonctionnement encore non optimal.

Les enseignements que livre l’exécution de cette Feuille de Route du Président en Exercice s’étendent à l’ensemble des projets communautaires qui conditionnent l’intégration : il s’agit en définitive pour les États membres, en retirant la TCI du circuit des Trésors nationaux, d’offrir à la Communauté les moyens de sa politique et de son ambition.

 

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