Chiffres sur la pandémie de coronavirus : le clair-obscur gouvernemental

Dès le début de la crise sanitaire, le compte Twitter du Ministre de la santé publique, Malachie Manaouda, s’est imposé comme « la » source la plus sûre en terme de données sur la pandémie de Covid-19. Mais depuis son tweet du 24 juin 2020, plus rien. Difficile également d’obtenir des informations sur les contributions financières qui affluent pour gérer la pandémie.

L’un des centres de prise en charge des malades de la Covid-19 à Mvog-Mbi (Yaoundé)

Plus besoin de se rendre, comme à l’accoutumée, sur le compte Twitter de Malachie Manaouda pour avoir les dernières nouvelles de l’évolution de la pandémie de coronavirus au Cameroun. Depuis le 28 juin 2020, ses tweets portent sur tout autre chose : la réception de dons liés au coronavirus, les séances de travail avec ses collaborateurs ou encore, le tout dernier, sur des infrastructures de santé: « Travaux des toilettes achevés au stade miliaire, donc centre prêt à accueillir les 1ers malades » (09 juillet 2020). Conséquence, le site internet du journaliste camerounais Beaugas-Orain Djoyum (https://www.covid19.cm), qui jusque-là relayait avec précision les données fournies par le ministre de la santé, n’est plus à jour (dernière publication le 06 juillet 2020). Pour s’en excuser, la plateforme s’explique : « Le MINSANTE a décidé de ne plus publier les chiffres quotidiennement, mais de manière hebdomadaire. »  

Cafouillage

A l’origine de ce « silence radio » communicationnel, du grabuge. Le journaliste Evariste Eyenga (CRTV), régulièrement en duplex au Centre des Opérations des Urgences de Santé Publique pour la télévision publique nationale, explique : « A la réalité, il y a eu conflits de chiffres. Un déphasage entre ceux publiés par la Coordination des opérations de la riposte nationale et ceux publiés par la Primature. La remontée des chiffres de régions et de districts de santé se faisait à plusieurs vitesses. Plusieurs districts font parvenir leurs données 24, 48 ou 72 heures plus tard. Du coup, il n’y avait pas harmonie. » Ce n’est pas tout : « Il y a aussi eu un souci à pouvoir intégrer les données de cliniques privées qui font aussi les tests et la prise en charge », poursuit-il. Pour pallier à cette situation peu reluisante, « des séances de capacitation des responsables régionaux de collecte sont en cours », conclut Evariste Eyenga.

L’immeuble étoile pour prendre le rélai

C’est sans doute pour certifier le réaménagement du management de l’information sur le Covid-19, que le Premier Ministre a fait connaitre, le 10 juillet dernier (sur son compte Twitter également), les tout derniers chiffres de la pandémie du coronavirus, soit 15173 cas testés positifs. C’était à l’issue du Comité interministériel chargé d’évaluer et de suivre la mise en œuvre de la stratégie gouvernementale de riposte contre la pandémie de Covid-19. Si l’on en croit une source du Ministère de la Santé ayant requis l’anonymat, il était temps que l’Immeuble Etoile prenne le relai : « Vous voulez les chiffres oui ou non ? Le PM est le chef du gouvernement à ma connaissance », a-t-elle rétorqué, par téléphone.

Les comptes bancaires du Covid-19

Si les chiffres des contaminations au coronavirus sont importants pour documenter la crise en cours, il en est de même des données sur les ressources financières collectées par les pouvoirs publics. Surtout après la publication du communiqué de presse du 15 juin 2020, égrenant les contributions des entreprises, les apports financiers des organisations et des personnes, au titre de la solidarité nationale et internationale. Pour endiguer la vague de suspicion qui a déferlé sur la presse et dans les chaumières, le ministre Malachie Manaouda, à titre exceptionnel, a procédé au déconfinement des chiffres de la tirelire. Nous avons appris que l’Etat du Cameroun, à travers le Ministère de la Santé, dispose de trois comptes pour gérer les besoins liés à cette crise sanitaire. Le premier, ouvert dès les premières heures de la pandémie et logé à BGFI Bank, a déjà reçu 2 200 000 000 (deux milliards deux cent millions) de FCFA.

Ces fonds, selon le Ministre, ont servi à alimenter la coordination des activités de riposte des Régions à la pandémie. Le deuxième compte a été ouvert par le Groupe UBA, avec dedans la somme de 150.000.000 FCFA. Il a, lui aussi, servi à alimenter les Régions du pays en ressources, à hauteur de 148.000.000 FCFA, et ne contiendrait plus que 2.000.000 FCFA à ce jour. Le troisième, c’est celui du Trésor Public, pourvu dès son origine du milliard de FCFA du chef de l’Etat, Paul Biya. Il contient déjà, selon le Ministre, la somme de 8 800.000.000 FCFA (huit milliards huit cent millions), placée sous la tutelle du Ministère des Finances. Un pas important, donc, en faveur de la « transparence générale » prescrite par le président de la République, dans la gestion de la crise (Communiqué du 15 juillet 2020).

Alain Patrick Fouda, stagiaire

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