Cemac: Ce que propose Ona Ondo

Daniel Ona Ondo vient d’engager son magistère à la tête du gouvernement de la Cemac.

 

Quelques mois après sa prise de fonction, l’ancien Premier ministre gabonais affiche ses ambitions. Il vient de dévoiler son programme quinquennal. Arrêt sur quelques chantiers.

 

I-Réduire le coût d’Internet pour favoriser l’entreprenariat jeune

Ona Ondo fait du numérique un point cardinal de son déploiement. Il veut booster l’économie numérique pour offrir une perspective aux jeunes de la communauté. «Les NTIC (nouvelles technologies de l’informatique et de la communication) représentent pour la Cemac aujourd’hui un facteur d’accélération de la croissance et un véhicule majeur d’inclusion de la création de richesse dans nos pays. Par la mise en place et le développement des infrastructures numériques, il est attendu une réduction drastique des coûts d’accès d’Internet et une augmentation des flux de communication téléphonique. En sus des initiatives prises par les Etats dans ce domaine, la Commission va engager en relation avec les autorités compétentes nationales, le processus de création d’un réseau unique téléphonique de la Cemac», déroule l’ancien Premier ministre gabonais. Le numérique figure parmi les secteurs d’activité où les jeunes ont un avantage comparatif certain. Les NTIC permettent la création d’entreprises de pointe et regorgent un potentiel d’employabilité impressionnant. Les start-ups, entreprises spécialisées dans le numérique, foisonnent certes dans les pays de la Cemac, mais demeurent peu outillées, car ne jouissant pas d’un accompagnement préférentiel au niveau sous-régional et parfois national (technique, juridique, financier).

 

Formation

S’il est bien un domaine dans lequel la Cemac reste très proche de la jeunesse, c’est celui de la formation académique. Le Comité des recteurs des universités d’Afrique centrale implémente à la lettre une directive Cemac sur la réciprocité dans la formation des étudiants. Ceux-ci bénéficient des mêmes droits que les nationaux lorsqu’ils sont en formation dans un pays de la communauté autre que le leur. L’angle de la coopération n’est pas en reste. En visite au Maroc en ce début d’année, le président de la Commission a souhaité conclure des partenariats avec des institutions universitaires du royaume chérifien. Afin que celles-ci contribuent à l’œuvre de formation des jeunes de la communauté. Bien plus, le Programme économique régional (PER Cemac) contient tout un axe sur le développement des capacités. Il s’agit, dans un premier temps, de mettre en place des centres d’excellence Cemac. Et dans un second, le programme de développement des filières génératrices d’emplois. Constitué d’un réseau d’écoles rattachées à son cadre institutionnel, la Cemac détient une plateforme éducative. On peut évoquer l’Ecole hôtelière de tourisme, l’Ecole inter-Etats de douanes, l’Institut sous régional multisectoriel de technologie appliquée, de planification et d’évaluation de projets, l’Institut de l’économie et des finances pôle-régional de formation des régies financières de l’Afrique centrale, l’Institut sous régional de statistique et d’économie appliquée. A cela s’ajoute le programme de développement des filières génératrices d’emplois en charge de la facilitation de l’accès aux produits notamment agricoles de la région Afrique centrale aux marchés internationaux. En amont, sa contribution consiste au renforcement de la complémentarité des appareils productifs nationaux de la région avec l’éclosion d’activités génératrices de valeur ajoutée à travers la transformation des matières premières locales. Ce programme constitue une dimension importante du processus de mise à niveau régional en vue du renforcement des secteurs économiques clés.

 

II-Faire face au paradoxe du système productif

Dans son logiciel, la Cemac entend améliorer le système productif par l’approfondissement de la mise en œuvre du Programme économique régional (PER Cemac). «Au cours du mandat que nous venons d’entamer, la Commission se focalisera sur quelques projets Quick Wins, nécessitant peu de ressources financières, rapides à mettre en œuvre et ayant un impact visible sur le développement communautaire» a indiqué le président de la Commission. Suite à l’implémentation insuffisante de la seconde phase 2017-2021 du Programme Economique Régional (PER) dans la suite du Plan Opérationnel 2010-2015, la Commission que dirige le Professeur Daniel Ona Ondo veut tirer les leçons. Le Plan Opérationnel 2017-2021 s’articule en 5 axes stratégiques et 13 projets phares. Ce plan vise à accélérer la diversification économique et la création d’emplois. Deux grands ensembles résument son contenu. D’une part, le développement des échanges commerciaux intracommunautaires, qui n’est pas suffisant à l’heure actuelle, devrait être dopé par l’intégration physique et la facilitation des transports. Et d’autre part, dans le domaine de l’électricité, grâce à une production électrique plus importante, ce sont 5 millions de personnes supplémentaires qui auront accès à l’électricité. Dans ce sens, la Commission ne peut qu’encourager les Etats dans les réformes sectorielles en cours ou envisagées pour améliorer l’offre d’énergie et l’accès des populations à ce service essentiel.

 

Problèmes structurels

«L’ensemble des facteurs et des acteurs du circuit de production, de la circulation et de la consommation de richesses dans les pays de la commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) sont vétustes et déficitaires. En matière d’infrastructure agricoles et d’appareils industriels, l’Afrique centrale est l’une des régions les moins dotées» souligne Raymond Ebale dans son ouvrage «Les Accords de Partenariat Economique entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) : Les cas de l’Afrique Centrale et du Cameroun» publié aux éditions L’harmattan en mai 2016. Le potentiel énergétique, agricole et minier de la sous-région est considérable. La stabilité macroéconomique quant à elle est très vacillante. Le dynamisme entrepreneurial avec un large vivier de PME peine à se montrer créateur de valeur ajoutée et producteur de chaine de valeur régionale. La récession économique, issue de la baisse des cours des produits de base, a clairement fait réagir l’urgence d’une diversification économique dans les pays de la commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Les économies de l’Afrique centrale demeurent largement tributaires du secteur des hydrocarbures. En effet, bien qu’en baisse, le secteur pétrolier représente encore plus de 35% du PIB, 60% des recettes budgétaires et plus de 75% des recettes d’exportations. Par conséquent, ces économies sont vulnérables à tout choc externe (fluctuation des cours mondiaux de pétrole brut, dépréciation du dollar américain…). En plus, le secteur pétrolier, très capitalistique, a peu d’effets sur la création directe d’emplois. Toute chose maintenant la pauvreté dans la sous-région. Le Per est le programme développé par la Cemac dans l’optique d’amener ses pays membres à sortir ensemble, du groupe des pays pauvres tel qu’ils se trouvent de nos jours, pour rejoindre celui des pays à économie émergente à l’horizon 2025.

 

 

A la tête du gouvernement communautaire depuis novembre 2017, le Gabonais a déroulé son programme quinquennal en début du mois en cours. Devant les membres du parlement communautaire, il a présenté une feuille de route chiffrée à 1 000 milliards de francs CFA sur 5 ans. Il entend contribuer à une intensification de l’intégration régionale et à la diversification économique des pays membres par la mise en œuvre des projets intégrateurs du Programme Economique Régional (PER) 2017-2021. La sous-région présente des limites structurelles et conjoncturelles, mais aussi des acquis indéniables. La question de la mobilisation de la jeunesse au travers de l’entreprenariat, qui a servi de trame à la célébration de la 9e journée de la Cemac tombe fort à propos. Il est en effet urgent que l’action d’intégration procède d’une dynamique inclusive et participative. L’appropriation par les jeunes du processus d’intégration serait assurément une contribution de choix à une sous-région qui a mal à son intégration productive, à son marché commun et au financement de ses actions. Autant de problématiques centrales pour l’exécutif en exercice. En accord avec l’acte additionnel portant création et organisation de la journée Cemac, celle de cette année a fait la part belle aux jeunes créateurs de richesses, afin d’en faire des icônes du processus d’intégration régionale. Même si aucun encadrement juridique et politique ne garantit une réelle et concrète prise en considération de ces derniers. Il s’en dégage une nécessité de réfléchir à l’édification d’une politique préférentielle d’association des 22 millions des jeunes à la préparation et à la conduite des projets intégrateurs d’envergure. Dans son programme, le président de la Commission n’a pas présenté de cadre nouveau de mobilisation de la jeunesse.

 

 

III- L’urgence d’un marché commun !

 

 

Le corridor sous régional Yaoundé-Brazzaville,pour le développement des échanges.

 

Avec moins de 3% d’échanges intracommunautaires et de nombreux obstacles physiques, les économies de la zone Cemac demeurent encore fortement cloisonnées. «Le marché commun de la Cemac est un espace commercial intégré dans lequel la libre circulation des marchandises est effective depuis 1999. Mais le volume des échanges commerciaux y est encore limité, du fait notamment de la faiblesse des infrastructures de communication et de l’interconnexion entre États membres. Le dernier sommet des chefs d’État de la Cemac, en octobre 2017, qui a consacré la libre circulation intégrale entre États membres, nous invite de facto à approfondir le processus de libre circulation. Cet élément concourt à l’intégration économique effective de notre marché», décline Michel Niama, commissaire en charge du marché commun dans Le Point Afrique (pendant africain du magazine français).

 

Visées

En matière de libre circulation des personnes et des biens, la borne à atteindre durant ce quinquennat est la détermination d’une politique sous régionale d’émi-immigration en zone Cemac. Elle consistera à organiser le mouvement et la détermination de la zone préférentielle communautaire en matière de circulation des hommes. Malgré quelques barrières tarifaires, les capitaux semblent se constitués comme le facteur de production circulant quantitativement dans la communauté. Pour les biens et les services toutefois, Daniel Ona Ondo insiste sur le respect des règles d’origines communes. Pour Philippe Hugon, spécialiste en géoéconomie à l’Institut des relations internationales et de stratégie de Paris (Iris), une meilleure interconnexion du commerce signifie un accès à un marché plus vaste pour les entreprises d’Afrique centrale. «Il est nécessaire pour la sous-région de respecter ces indicateurs : des droits de douane allégé sur les importations communautaires, des exportations considérables de produits infrarégionales par rapport au PIB, des importations élevées de produits infrarégionales par rapport au PIB», détaille-t-il.

 

Préalables

Le premier défi de l’Afrique centrale c’est de réussir à rendre productif son système de production. Puis d’instaurer les effets de l’avantage comparatif. Toute chose qui pourrait développer un niveau d’échanges susceptible de provoquer des économies d’échelles. Ainsi, autant les produits du cru circulent intensément et en franchise entre le Cameroun et certains pays de la sous-région, autant il est urgent que les produits manufacturiers issus de l’industrie de la sous-région irriguent les contrées de la Cemac. Le marché commun est une union douanière complétée par la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Le mouvement transfrontière des personnes facilite la mobilité des talents et accroît la compétitivité. Les écarts de qualifications peuvent être colmatés et l’échange des idées facilite l’entreprise et l’innovation par-delà les frontières. La libre circulation des personnes est un moyen d’accélérer le développement pour les pays, les diverses régions et l’ensemble du continent. Quand les restrictions mises à la délivrance des visas et des permis de travail sont abolies, les gains de temps et les économies de ressources augmentent, et cela facilite la compétitivité des entreprises et des économies africaines en général. Quand des ressortissants de plusieurs pays d’une même région peuvent se déplacer facilement pour les affaires, le tourisme ou l’éducation, tous en profitent, depuis le pays qui ouvre ses frontières au pays dont un ressortissant est en déplacement, comme le montre la croissance du volume des transferts de salaires des travailleurs ces dernières années. Ainsi, Samuel Nguembock affirme «les pays et régions doivent encourager une réciprocité positive, appliquer le traitement qu’on leur réserve à eux pour augmenter le nombre de pays accessibles sans visa, ou faciliter l’obtention du visa à l’arrivée, ou créer des visas valables dans tout un bloc régional».

 

IV- L’épine du financement de l’intégration

Le président de la Commission de la Cemac en négociation avec Mme Carla Montesi de l’UE.

 

Le coût du plan opérationnel 2017-2021 que porte Daniel Ona Ondo et son équipe est évalué à 1000 milliards de francs CFA.

Mode de financement

«Il faut se donner les moyens de notre politique», tranche le président de la Commission. La mobilisation du financement constitue un défi majeur et une des conditions sine qua non de réussite du PER. «C’est à ce niveau que je perçois les risques auxquels la réalisation de cette seconde phase du PER serait confrontée. C’est pourquoi, outre la nécessaire volonté politique qui devra se traduire par la transposition, au niveau des législations nationales, des projets du PER, il apparait évident que le secteur privé, à travers des partenariats publics privés, devrait être associé et impliqué pour être l’acteur majeur de mise en œuvre du PER», propose l’ancien Premier ministre gabonais. Eu égard à cette suggestion, un cadre macroéconomique assaini, un cadre des affaires amélioré et des ressources humaines qualifiées et disponibles seront essentiels à l’atteinte de ce dessein. La Commission lancera dès cette année le processus de préparation et d’adoption d’une directive communautaire sur le cadre législatif des partenariats publics-privés (PPP) en zone Cemac. Pour financer son programme, Ona Ondo compte également sur la mobilisation des ressources de la Taxe communautaire d’intégration (TCI). Il estime qu’«avant de faire appel à l’extérieur, la meilleure manière de rendre attractif le PER, c’est d’une part, affirmer notre volonté commune de bâtir un espace d’économies intégrées, mais aussi mobiliser le principal instrument de financement communautaire qu’est la Taxe communautaire d’intégration (TCI)». Déjà, le 15 mars dernier, le patron du gouvernement communautaire a rencontré des officiels de l’Union européenne à Bruxelles. En pleine préparation du Comité de pilotage du Fonds européen de développement devant se tenir en avril prochain, le président de la Commission de la Cemac a présenté son programme à ses interlocuteurs et les a invité à soutenir la mise en œuvre des projets intégrateurs. Une enveloppe globale de plus de 33 millions d’euro devrait être injectée dans les mesures d’accompagnement permettant d’améliorer substantiellement le climat des affaires, de poursuivre le programme de réformes institutionnelles (PREF-Cemac) et à soutenir le développement des PME. Le soutien de l’UE au processus d’intégration régionale mis en œuvre par la Commission de la Cemac, va se matérialiser par le financement les mesures d’accompagnement d’Accord de partenariat économie économique, sous la forme des investissements aux projets blinding c’est-à-dire aux grands projets d’infrastructures. De fait, le président de la Commission a plaidé pour que le réchauffement de la coopération se concrétise par la réalisation de projets intégrateurs à même de créer de la valeur ajoutée et des emplois pour la jeunesse. Il a expliqué que cette action aurait des effets induits sur les problèmes de sécurité et de chômage dans la Cemac.

 

Difficultés

«Notre ambition n’est tenable qu’à la condition de disposer des moyens financiers dédiés à la mise en œuvre des phases opérationnelles du PER» reconnait le président de la Commission. Lors du sommet extraordinaire, les Etats ont annulé 90% des 200 milliards de dette due à la communauté au travers de la TCI. Or, ladite taxe d’intégration n’est que très peu recouvrée. A peine 3%. Le budget 2018 en a déjà fait les frais. La Cemac a baissé de 15% son budget de fonctionnement du fait des difficultés de collecte de cette taxe et de l’absence des contributions des Etats. Cette situation a motivé la décision de la commission de la Cemac de rendre opérationnelle la brigade de recouvrement de la TCI. Bien avant, les ministres des finances de la communauté avaient décidé d’aller vers un prélèvement à la source de la TCI. Mettant un terme à la prépondérance des trésors nationaux dans le reversement des sommes perçues à la Cemac. Autant de modifications sérieuses démontrant les difficultés du financement de la Cemac. La Cemac est, en même temps, sous financée et endettée. Bon nombre des projets intégrateurs de son portefeuille n’ont jamais vu le jour du fait de cette pénurie en ressources. Seul le budget de fonctionnement essaie d’être pourvu et ensuite consommé. Rappelons que TCI représente un prélèvement de 1% sur les importations provenant des pays extérieurs à l’Union douanière. Elle a pour objectif de financer les projets intégrateurs et de compenser les pertes douanières

 

Dossier réalisé par Zacharie Roger Mbarga

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