CEMAC/Arabie Saoudite : fiançailles en business class

Le repositionnement géostratégique du Royaume saoudien, qui se nourrit de la diversification économique, ouvre de nouvelles perspectives d’investissement à la sous-région Afrique centrale

C’est la saison des amours entre la Commission de la Cémac et le Royaume d’Arabie Saoudite. Le 15 juin dernier à Malabo, les deux parties ont accepté de cheminer désormais ensemble. Ahmed bin Abdul-Aziz Kattan, Conseiller à la Cour Royale Saoudienne, se réjouit «de la tenue de cette réunion comme point de départ pour une coordination et une coopération plus poussées entre le Royaume d’Arabie Saoudite et tous les États membres de l’organisation, avec lesquels le Royaume entretient des relations bilatérales distinguées, dans le cadre de l’action collective conjointe à travers les objectifs et principes éminents pour laquelle cette entité a été créée. Le Royaume considère également l’importance de cette organisation dans la réalisation des objectifs du partenariat Arabo-Africain». Daniel Ona Ondo, Président de la Commission de la Cémac, quant à lui, «se félicite de la perspective de voir ce partenariat se renforcer au profit des projets intégrateurs de la Communauté».

Pétrodollars saoudiens pour projets intégrateurs
De fait, le mariage en préparation est essentiellement intéressé et davantage porté sur le business. Explication de l’émissaire du Roi Salman bin Abdulaziz Al Saud et de Son Altesse Royale le Prince héritier Mohammed bin Salman bin Abdulaziz Al Saud, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Défense: «Nous allons travailler avec vous en tant qu’allié, ami et partenaire pour renforcer les capacités de l’économie africaine loin des slogans attrayants qui ne serviront pas le citoyen africain moyen. Convenons de mettre fin à l’ère du soutien et de l’aide et de faire passer le continent africain à l’ère de la croissance des investissements et de la prospérité économique grâce à des projets d’investissement qui profiteront aux populations africaines».

Ahmed bin Abdul-Aziz Kattan poursuit en direction de la Cémac: «Je vous invite à regarder l’avenir de manière positive, optimiste et à rejeter les conflits ou leurs causes ou les faits qui peuvent entraver la voie du développement des investissements. Le Royaume d’Arabie Saoudite cherche à réaliser et à participer à travers les initiatives d’investissement géantes qui seront lancées dans de nombreux pays africains, en coordination avec les organisations régionales africaines compétentes travaillant dans de nombreux domaines. Votre organisation et ses États membres sont l’une des parties prenantes les plus importantes avec lesquelles nous nous réjouissons de travailler, à travers de véritables programmes et plans stratégiques qui peuvent se traduire dans la réalité dans le domaine de l’investissement et de l’élévation du niveau de performance économique. Ces projets réalistes permettent de réaliser harmonieusement les aspirations de nos peuples dans de nombreux domaines tels que : l’industrie, les transactions financières, l’agriculture, la pêche, les mines, les transports, la sécurité régionale et les projets énergétiques de toutes sortes. Ils sont devenus l’un des facteurs les plus importants pour le succès de toute stratégie d’investissement dans notre monde en développement rapide et civilisé».

Feuille de route
Ces perspectives mielleuses pour une sous sous-région en quête de financement pour ses projets intégrateurs ne relèvent – elles pas de l’utopie ? Assurance de Ahmed bin Abdul – Aziz Kattan: «cette proposition est une réalité et non un rêve, tout ce que nous avons à faire maintenant est de commencer à dessiner une feuille de route pour les investissements de développement afro-saoudiens, de formuler et d’étudier des projets de développement réalistes, nous espérons augmenter le volume des investissements saoudiens dans le continent africain de 2% à des niveaux plus élevés qui atteignent la taille du continent africain et ses grands potentiels d’investissement dans de nombreux domaines. Le Royaume se réjouit d’y investir par le biais de partenariats qui assurent la prospérité des deux parties et le développement de nos peuples». Dans la foulée, le Pr Daniel Ona Ondo promet de remettre dans les meilleurs délais à son interlocuteur les sept projets intégrateurs (dont les études sont bouclées) en quête de financement.

À l’observation, le Royaume d’Arabie Saoudite se donne six mois (jusqu’à la fin de l’année en cours) pour définir et valider le cadre stratégique de son partenariat avec la Cémac. «Nous nous réunissons aujourd’hui avant la tenue du premier sommet saoudo-africain et du cinquième sommet arabo-africain, que le Royaume accueillera cette année 2022, dans le but de définir un futur cadre d’investissement conjoint pour le développement à travers des projets géants que nous travaillons à mettre en œuvre ensemble grâce aux capacités de votre organisation estimée et de ses États membres […] Le sommet saoudo-africain, qui se tiendra pour la première fois, vise à améliorer les résultats (santé, éducation, sécurité et développement des investissements) sur le continent africain afin d’assurer le développement et la prospérité de son peuple grâce à des projets stratégiques géants qui réalisent les aspirations du peuple africain, loin du marchandage, de l’exploitation ou du pillage de sa richesse nationale».

Les acquis saoudiens en Afrique
Le Royaume d’Arabie Saoudite sollicite jusqu’ici le Fonds d’investissement public du Royaume pour financer «un certain nombre de projets et d’activités dans les secteurs de l’énergie, des mines, des communications, de l’alimentation et autres, d’une valeur totale de près de 4 milliards de dollars. Le Fonds d’investissement public entend compléter ses efforts dans la recherche d’opportunités d’investissement sur le continent africain, que ce soit directement ou indirectement dans d’autres pays et secteurs. Le Fonds saoudien pour le développement a également travaillé activement en Afrique au cours des quatre dernières décennies, au cours desquelles il a accordé 580 prêts et subventions à plus de 45 pays africains, pour une valeur dépassant 13,5 milliards de dollars».

En perspective, les Saoudiens ouvrent des guichets pour prêts et subventions futures à travers le Fonds saoudien pour le développement dans les pays en développement d’Afrique, approchant le milliard de dollars au cours de l’année 2022. En plus de son soutien aux efforts internationaux et régionaux, et en étroite coopération avec l’Union africaine, l’Arabie saoudite annonce soutenir également les efforts internationaux de lutte contre les groupes terroristes et l’extrémisme dans les pays du Sahel et du Sahara, avec une cagnotte de 200 millions d’euros dans la lutte contre le terrorisme et le renforcement des capacités de sécurité des pays touchés. Le Royaume indique aussi contribuer à l’initiative du G20 sur la suspension du service de la dette. À en croire Ahmed bin Abdul-Aziz Kattan, «cette initiative a fourni une liquidité historique à 73 des pays les plus pauvres, dont 38 pays africains, plus de cinq milliards de dollars».

Thierry Ndong Owona, à Malabo

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