Après la corne de l’Afrique et le sahel, l’Afrique centrale parait comme l’une des régions du continent dont le niveau de fragilité sécuritaire est très élevé.
L’Afrique centrale est une zone de tensions fortes et récurrentes. Quatre types d’insécurité préoccupent la région: le terrorisme, la piraterie maritime, la criminalité ou banditisme transfrontalière, les crises et roubles socio-politiques. Outre Sao-Tomé et Principe, tous les pays de l’Afrique centrale sont confrontés à l’une de ces situations. La sous-région d’Afrique centrale est depuis ces dernières non seulement le théâtre des conflits armés, des violences politiques, des déplacements massifs des populations, mais aussi et surtout le terrain des rivalités et convoitises des puissances extérieures. En effet, les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ougandaise sont non seulement actifs dans le nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC) où écument déjà des dizaines de groupes armés, mais ont également rejoint la République Centre Africaine (RCA) qui est elle-même en constante instabilité politique et malmenée par les coupeurs de route ou les anciens militaires en débandade. La RCA est devenue depuis le coup d’État de mars 2012 la principale préoccupation de la CEEAC au point d’absorber les attentions de la sous-région pour restaurer un minimum de sécurité là où l’instabilité politique s’est muée en conflit inter–communautaire, impliquant les appartenances religieuses. Dans le bassin du lac Tchad on constate la résurgence de la menace terroriste de l’extrémisme islamique du groupe nigérian Boko-Haram qui menace non seulement le Nigeria, mais s’est étendu sur le Cameroun et le Tchad, tout en menaçant la RCA.
Quant à l’insécurité maritime, sa manifestation de départ était la piraterie à la fin des années 1990 avec pour épicentre la région du Delta du Niger, sur la côte du Nigéria. D’où elle a progressivement essaimé vers d’autres pays riverains, en s’appuyant sur des réseaux de criminalité. C’était l’époque du MEND, Mouvement pour l’Émancipation du Delta du Niger, dont les actes de piraterie contre le secteur pétrolier relevaient de la survie économique et du brigandage ordinaire. Un cap a été franchi entre 2010 et 2011, avec la multiplication des actes de piraterie commis en haute mer et recourant à des modes opératoires proches de ceux observés au large des côtes somaliennes. Les attaques perpétrées en golfe de Guinée prennent de plus en plus la forme de raids et détournements de bateaux, impliquant un niveau élevé de violence, jusqu’à terre. La piraterie en golfe de Guinée est désormais le fait de réseaux très organisés, disposant de ressources et des compétences significatives qui dépassent souvent celles des États.
Ce contexte géopolitique et sécuritaire donne à voir une Afrique centrale en pleine mutation, qui rend complexe la structuration de la conflictualité dont elle est en proie. Non seulement les conflits et l’insécurité sont multiformes, mais les États disposent très peu des capacités d’anticipation et d’adaptation. Au contraire, des facteurs aggravants tels que la porosité des frontières, l’extrême pauvreté matérielle des populations, la mauvaise gouvernance des ressources du sol et du sous-sol (hydrocarbures et minerais), ainsi que la défaillance des services publics de l’État dans certaines parties de leurs territoires exacerbent les conflits. Pareillement une combinaison de menaces cerne la sous-région: le narco-terrorisme et Boko Haram à l’extrême nord du Cameroun, au Tchad et dans une moindre mesure en RCA ; le braconnage industriel et le trafic de drogues ou d’armes en provenance et en partance des deux Soudans; l’insécurité maritime dans le Golfe de Guinée; et la montée en puissance au sein de certains États d’une forme de criminalité dite « rituelle »1. Cette évolution ne fait que confirmer toute la pertinence d’une stratégie de coopération régionale aussi bien à travers la Communauté Économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) – qui a mandat de la paix et de la sécurité régionale dans le cadre de l’Architecture de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (APSA) – que la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs (CIRGL).
Les nouveaux enjeux géopolitiques en Afrique centrale sont pluriels. Les questions de bonne gouvernance, de respect des droits humains et des normes sociales et environnementales sont devenues prioritaires. La montée en gamme de produits et la diversification des productions supposeraient à la fois des pôles de compétitivité autour des territoires et des insertions dans les segments intégrés aux processus productifs techniques et cognitifs mondiaux, notamment par le biais des firmes multinationales. De très nombreux problèmes d’envergure planétaire comme le changement climatique, l’instabilité des marchés, les risques épidémiologiques et le terrorisme concernent l’Afrique centrale.
Zacharie Roger Mbarga