Entretenue par des groupes armés, une dynamique de la peur s’est installée dans la cité.
À Bamenda, la CAN pourrait être vécue au rabais. « Sur les réseaux sociaux, ils nous ont prévenus : tout supporter des Lions indomptables est un ‘‘Black Legs’’ qui mérite d’être tué », souffle un jeune rencontré à Commercial Avenue. Selon ce dernier, le lieu déjà de nombreuses contraintes : «pas de vente de gadgets de la CAN, pas de commentaire entre fans du football, pas d’affiche ». Pour de nombreux commerçants, le quotidien obéit à un schéma de résignation difficilement contournables. « On va faire comment ? il est devenu très compliqué d’importer des maillots depuis le Nigeria avec les multiples contrôles des « Amba boys (combattants séparatistes Ndlr) sur le corridor Ekok-Bamenda », glisse l’un d’eux.
En prêcheurs apocalyptiques, des activistes séparatistes se font chaque jour des chroniqueurs ligués contre ce qu’ils appellent des « folies ». Portés par des peurs incontrôlables et une terminologie martiale, des messages circulent. À leur manière, quelques leaders de groupes armés scandent « No AFCON here ! » (Pas de CAN ici, Ndlr).
Interrogations
Sur le coup, des récits entendus dans des quartiers populeux comme Ntankah, Mulang, Ntasen, Mobil Nkwen, Main Market ou Ntarinkon Market paraissent rendre compte de la difficulté des habitants à vivre et à se projeter dans la CAN. « C’est difficile à dire ; on ne sait pas ce qui pourrait arriver », marmonne Muma Peter. Pour espérer vivre la CAN, il projette se déporter vers Up station, quartier administratif relativement plus sécurisé. À en juger par la teneur des discours que tiennent plusieurs citoyens, des interrogations sont fort nombreuses et d’ordres divers à cause de la quotidienneté du processus de crainte et de peur. « On doit donc supporter qui ? Les étrangers ou les Lions indomptables ? Doit-on fuir alors et revenir après la CAN ? », entend-on.
« Astuces »
Dans cette ambiance nourrie par les récentes attaques survenues respectivement à Santa, Mbengwi et à Kumbo, chacun évite autant que possible de répondre à des interviews menées dans la rue par des pseudo-journalistes. Selon plusieurs témoignages, des séparatistes déguisés promènent leurs micros et caméras pour glaner des pronostics sur les matches de l’équipe du Cameroun à la CAN. « C’est un piège destiné à identifier les supporters des Lions indomptables », atteste Nela Mumfor Che. Richissime président d’un club de football, cet originaire de Mbengwi dit avoir reçu la visite des Amba Boys après avoir répondu à un micro-baladeur dans la journée du 2 janvier à Bamenda. « En dehors d’une forte somme d’argent qu’ils ont emportée, ils m’ont roué de coups en guise de mise en garde », relate l’infortuné.
Comme autre « astuce » rapportée par de nombreux témoignages recueillis à Ntarinkon Market, des séparatistes vendent des maillots des Lions indomptables aux prix d’amis. L’on raconte que la méthode consiste à tester le comportement de l’éventuel client et la cohérence entre ses prises de position verbales par rapport à la CAN et son acte d’achat. L’un des ressorts de cette pratique menée par de «faux vendeurs, avise-t-on, vise à s’informer des contradictions entre les comportements et les engagements de leurs cibles.
Zéphyrin Fotso Kamga