Les visées et le verbatim des ogres politiques présents au défilé ont donné à voir des indices d’une âpre lutte pour le pouvoir.
Visiblement, ce monsieur que beaucoup reconnaissent comme appartenant à la sécurité présidentielle a mis le doigt là où ça fait mal. D’ailleurs, parmi les ministres, quelques-uns ont crié. Ranger les fauteuils de Paul et Chantal Biya, quelques minutes après leur départ du Boulevard du 20 mai, ça ne leur a pas trop plu. À l’échelle de la tribune présidentielle ce 20 mai 2019, ça ne monte pas très haut. On dramatise et on minimise en même temps. Mais si «l’enleveur de fauteuils» les a autant agacés, c’est bien qu’il a visé et touché juste. Mais quoi?
Personne n’ose y répondre. «Mais quelle obsession anime souvent ces gens à vouloir se filmer assis sur la chaise du président?» Entre les lignes de cette question que pose un haut-gradé de la garde présidentielle, l’on comprend que parmi les collaborateurs du chef de l’État, le quotidien se nourrit d’un rêve: être assis à la place de Paul Biya. Et à prendre les mots de la question du militaire, il est clair que le protocole d’État est intrigué par la répétition de telles scènes. Contre ceux qui louvoient, l’œil rivé sur le fauteuil présidentiel, le protocole d’État a depuis entrepris de le ranger après chaque départ de son titulaire actuel d’un lieu de cérémonie officielle.
Capharnaüm
Pour la 47e édition de la fête de l’Unité, le Boulevard du 20 mai est encore resté un espace de sujets et de signifiants. Paul Biya et son épouse, venaient juste de s’en aller que le désordre s’est installé, au mépris de l’ordre protocolaire. C’est que, pour quitter le lieu du défilé, les véhicules de ministres et hauts dignitaires de la République se disputent la priorité.
Sur le coup, les agents de police, gestionnaires des espaces parkings, ont la tâche difficile. Ils doivent, à la fois, surveiller constamment et interpréter les mouvements de cylindrées, prévenir et traiter les moindres incidents avant qu’ils ne s’aggravent, établir un contact permanent avec un ou plusieurs chauffeurs pour qu’ils pratiquent une conduite apaisée, éviter ou limiter les réactions brusques et les à-coups de leurs patrons.
Au finish, le Boulevard du 20 mai se bloque sous les traits d’un segment routier où les mots manquent, où l’intolérance excède, où l’on parle pour ne pas communiquer. On peut sentir, sans forcément en mesurer toute la portée, la violence, l’agressivité, la rage qui peuvent agir en chacun des ministres. Le tout sous le regard amusé de quelques ambassadeurs étrangers, à rebours de l’illusion engendrée par le calme généré par la présence de Paul Biya.
Propagande
Implicitement, la 47e édition de la fête de l’Unité donne à voir combien les tensions sont vives entre les membres du gouvernement et assimilés, combien la scission est plus nette entre eux. Bien plus que leurs échanges se limitent à de simples civilités. Ce jour, ces dernières sont à l’œuvre lors de la distribution de vieux magazines édités à la gloire de Paul Biya.
De ce qui s’est passé au Boulevard du 20 mai au terme du défilé, l’on retient que derrière les Unes entièrement consacrées au président de la République, plusieurs autorités politiques se sont mises en scène et en récit pour imposer ou confirmer leur statut. Ainsi, a-t-on vu des responsables du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) échanger des phrases incandescentes pour «le bien de leurs militants».
Jean-René Meva’a Amougou
Daniel Yapseu
«C’est une esquisse de ce qui pourrait arriver»
Le socio-politiste jette un regard sur les tableaux étalés à Yaoundé au terme de la parade militaire et civile marquant la célébration de la 47e fête nationale de l’Unité au Cameroun.
Quelle lecture vous inspire ce qu’on va qualifier de faits divers survenus à la fin du défilé au Boulevard du 20 mai dernier ?
C’est une comédie du pouvoir qui se joue, depuis des années. C’est spectaculaire, parce qu’il y a comme une déficience de leadership. C’est comme dans une meute de loups. Il y a chez tous les loups mâles une aspiration à prendre la tête de la meute et puis il y en a un qui, par ses qualités, va finalement l’emporter. Et parce que personne parmi nos ministres ne semble disposer d’une position clairement rassurante, les uns et les autres procèdent par imitation ou par déguisement en se filmant sur le fauteuil présidentiel. Les gens de pouvoir identifient le pouvoir à la vie et même à la survie. Il y a un côté mystique dans le pouvoir. Il n’y a qu’à voir leurs comportements parfois infantiles pour comprendre que les conflits entre ceux qui aspirent au pouvoir se déroulent au-delà de toute règle. L’improvisation et l’inspiration spontanée paraissent être les seules règles qui portent leurs discours.
Doit-on comprendre que les uns et les autres avancent encore masqués vers le pouvoir ?
Il faut le dire : ils sont encore calmes parce que leur « créateur » commun est là. Que rien ne nous surprenne, car ce qu’on a vu au Boulevard est une esquisse de ce qui pourrait arriver au cas où. Tout pour confirmer que les conflits au sein de l’appareil politique que préside Paul Biya trouvent leur origine dans le fait que le dispositif politique de soutien au régime fonctionne au gré des attentes et des intérêts. Tout est intérêt. Chacun des acteurs sait bien que ceux qui réussissent à haranguer des foules au nom de l’Homme du 6 novembre 1982 sont récompensés en voyant leurs noms s’imposer dans les registres présidentiels en tant que dauphin.
Propos rassemblés par
Jean René Meva’a Amougou
Nord-Ouest
Fête dans les coups de feu à Bamenda
Des coups de feu ont été entendus en matinée du 20 mai dans plusieurs quartiers de la ville de Bamenda. Une situation qui a poussé de nombreux habitants de la capitale régionale du Nord-Ouest voulant se rendre à la place des fêtes de l’avenue commerciale de Bamenda -malgré les menaces des séparatistes- à rester chez eux. Très peu parmi les civils ont effectué le déplacement de la place des fêtes de Bamenda.
La poignée de militants ou supposés militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) a défilé avec le visage masqué. On retiendra tout de même que quatre établissements scolaires publics (l’école publique du camp militaire, le lycée de Bamendakwe dans l’arrondissement de Bamenda I, le lycée bilingue de Down-Town dans l’arrondissement de Bamenda II, le lycée bilingue de Bayelle dans l’arrondissement de Bamenda III), une école de formation (le Cenajes de Bamenda en l’occurrence) et l’Université de Bamenda ont battu le macadam à la place des fêtes de l’avenue commerciale.
L’affluence au défilé n’était pas celle des années antérieures. Le clou de l’événement à Bamenda est le défilé pédestre et motorisé des forces de défense et de sécurité. Il a duré une vingtaine de minutes. Quatre-vingt-douze personnels civils et militaires ont reçu une décoration.
Au terme de la célébration, le gouverneur Adolphe Lele Lafrique Deben Tchoffo s’est réjoui de la participation, malgré la crise sociopolitique qui prévaut actuellement dans la région du Nord-Ouest. Il s’est agi, comme l’année dernière de sauver la face. Aux séparatistes, le patron du Nord-Ouest demande de saisir la main tendue du président de la République. Paul Biya a envoyé son émissaire, le Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, récemment à Bamenda, porteur du message de paix et de réconciliation.
À Nkambe dans le Donga-Mantung, les populations ont bravé la peur et se sont rendues massivement à la place des fêtes. La célébration s’est déroulée ici sans anicroche. On a appris que le président de section Rdpc de Nkambe, Gerald Ngala, a pesé de tout son pour cette mobilisation.
20 mai 2019
Des lumières d’espoir à Yaoundé
Plusieurs jeunes camerounais arborant des flambeaux ont marchés dans les artères de la cité capitale à l’occasion de la célébration de la fête de l’Unité nationale.
Élèves, étudiants et bien d’autres encore ont pris d’assaut les voies de la ville de Yaoundé. C’était le 19 mai dernier à l’occasion de la célébration de la 47e édition de la fête de l’unité nationale. Ils étaient accompagnés par des forces de l’ordre, notamment la fanfare de la police qui jouait de la musique, et la gendarmerie nationale qui assurait la sécurité. Partis des sept communes d’arrondissement de Yaoundé, les jeunes se sont retrouvés au lieu-dit Poste centrale, point de convergence des défilants.
Vêtus de leurs uniformes scolaires, les jeunes du Mfoundi ont marqué cette commémoration de la fête de l’unité par leur empreinte. Flambeaux en main, ils ont rappelé que malgré tout, c’est la jeunesse camerounaise qui constitue le Cameroun de demain.
C’est en tout cas ce qu’ils ont exprimé en brandissant leurs flambeaux, signe de lumière et d’espoir, dans la nuit sombre. Compte tenu de la crise anglophone qui sévit dans le pays, ils ont réaffirmé haut et fort leur désir pour un Cameroun un et indivisible.
Pour le préfet du département du Mfoundi, Jean Claude Tsila, le feu est un symbole fort dans la célébration d’un événement joyeux. «Par le passé, lorsqu’il y avait un grand événement, on allumait un grand feu pour convier toutes les populations à cet évènement», révèle le chef de terre du Mfoundi. Ainsi, la marche des jeunes du 19 mai est une manière de convier les populations de tous les horizons à la grande parade du 20 mai. «Les flambeaux que nos enfants brandissent représentent donc ce grand feu pour convier tous les camerounais à la grande parade», argumente le préfet du Mfoundi.
On peut donc dire que l’appel lancé par la jeunesse du département du Mfoundi a été entendu. Puisque, les populations se sont mobilisées en grand nombre, à la place du Boulevard du 20 mai pour vivre en direct la parade militaire et civile célébrant les 47 années de l’avènement de l’Etat unitaire. La fête nationale du Cameroun.
Joseph Julien Ondoua. O, Stg