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Black lives matter: nouvel ordre mondial du vivre – ensemble

Coronavirus reléguée au second plan par l’affaire George Floyd. Qui l’eût cru. Suite à l’assassinat le 25 mai dernier de George Floyd à Minneapolis par un policier blanc, des géantes marches de protestations – aux quatre coins de la planète terre ont fait l’actualité du week-end dernier dans les grands médias du monde. L’Afro – américain, qui sera inhumé ce mardi à Houston dont il est originaire, est devenu le symbole mondial de la lutte contre les discriminations raciales et de la revendication de l’égalité des droits pour tous.

Samedi dernier, en marge des marches organisées dans la capitale fédérale américaine, la mairie de Washington a rebaptisé la 16e avenue «Black lives matter». Un pied de nez au président Donald Trump, hostile à la publicité sur l’affaire Floyd, et désormais obligé d’emprunter cette avenue qui conduit à la Maison blanche.

L’Afrique aussi
Le continent noir a aussi fait entendre sa voix ce week-end, avec des manifestations en Tunisie et au Ghana. A Accra, la cérémonie funèbre en mémoire de l’Africain – américain George Floyd s’est déroulée en présence d’autorités gouvernementales, politiques, religieuses, de figures éminentes et d’un public nombreux au Centre Web Dubois. Les grincements de dents et les hommages provoqués par l’affaire Floyd suscitent des débats au sein de l’intelligentsia africaine.

Pour le prix Nobel de Littérature, Wole Soyinka, «les afro descendants sont pour ainsi dire condamnés à l’excellence et à la conquête du pouvoir économique et politique partout où ils vivent. Il ne faut attendre aucun salut ni aucune compassion d’un système fondé depuis le 15è siècle sur le pillage de l’Afrique et l’asservissement ou l’infériorisation de ses descendants… Il nous faut promouvoir l’excellence, la culture, l’entreprenariat, le pouvoir politique, l’unité, la solidarité et la défense de nos intérêts partout et y compris et surtout en Afrique, Terre – mère où tous les Afro-descendants et tous les peuples respectueux sont les bienvenus».

L’écrivain nigérian de réputation internationale propose des pistes pour y arriver: «Enrichissons-nous intellectuellement et financièrement, éduquons nos enfants dans les foyers stables, épanouissants et aimants, créons des entreprises, fabriquons et achetons prioritairement nos produits car le juteux business ethnique sur notre dos les vide de leurs vrais sens et qualité, partageons notre Histoire, notre culture et notre force qui nous ont permis de survivre à tout pendant des siècles». Et le journaliste Jean – Baptiste Placca de reprendre à son compte cette sortie du président ghanéen: «Tant que l’Afrique n’est pas respectée, le Noir (à travers le monde) ne le sera pas». Fort opportunément, le journaliste émérite d’origine togolaise a titré sa dernière chronique matinale du samedi sur Radio France internationale (Rfi): «Tout homme est homme, l’homme noir aussi».

Thierry Ndong Owona

 

Dr Christian POUT, Ministre Plénipotentiaire

«Un changement radical, prioritairement sur la question du racisme anti-noir»

Le Président du Think Tank CEIDES, Directeur du séminaire de Géopolitique africaine à l’Institut Catholique de Paris, analyse la portée et les implications mondiales de l’affaire George Floyd.

Dr Christian POUT, Ministre Plénipotentiaire

Comment vous êtes-vous senti en regardant les images insoutenables de l’assassinat de George Floyd?
« I can’t breathe». Ces mots prononcés par l’Américain George Floyd, sous l’effet asphyxiant du policier Derek Chauvin au cours d’une interpellation ayant lieu à Minneapolis aux Etats-Unis, résonnent comme un orchestre funeste dans mon esprit, marquent à l’encre indélébile mon âme. En tant qu’humain et fervent défenseur des Droits de l’homme, cette scène est d’une rudesse qui me consterne d’autant plus que dans une complicité silencieuse mais agissante, aucun des collègues de Derek Chauvin n’est intervenu pour mettre fin à ce supplice. C’est déplorable.

Que vous inspire le vaste mouvement de protestation violent et pacifique qui s’en est suivi?
Les mobilisations collectives interviennent généralement à l’effet de défendre des intérêts qui semblent menacés, ou de changer une situation sociale à la faveur des groupes mobilisés. Il y flotte un air de conscience collective et un sentiment d’identité commune, qui entrainent presqu’inéluctablement la mobilisation.

Il importe d’emblée de mettre en exergue l’importance du contexte numérique dans la propagation virale de cette scène. La puissance observable et observée des réseaux sociaux comme vecteurs de communication actualise de façon systématique l’expression de «village planétaire», en ce sens que cet événement qui point aux États-Unis est vécu dans le monde entier, brisant les frontières physiques et créant une sorte de communauté émotionnellement connectée. Les différentes protestations perceptibles aux quatre coins du monde interviennent pour opérer un changement radical, prioritairement sur la question du racisme anti noir, d’où le hastag #Blacklivesmatter.

L’État, gestionnaire du biopouvoir, étant par conséquent chargé de préserver les vies et les corps de ses citoyens, est interpellé au premier chef dans ces revendications. Nous savons qu’en démocratie, les mobilisations sont – avec la médiatisation – un des modes courants de la problématisation d’une situation sociale et de sa mise sur agenda. À côté de l’État, c’est la question des mentalités de façon générale qui est visée, l’Homme noir est un Homme, semble-t-on lire entre les lignes.

D’aucuns pensent que la mobilisation quasi-mondiale sur l’affaire Flyod est un tournant décisif dans l’avènement d’un nouvel-ordre mondial du vivre-ensemble. Qu’en dites-vous?
Je dirais que la problématique du vivre-ensemble s’actualise avec encore plus de force du fait de ce tragique événement. En effet, la question des minorités s’invite constructivement dans le débat; et cela est perceptible dans la capacité qu’a eu cette scène, à inviter ou inviter derechef des minorités éparses et clairsemées dans une mobilisation qui au départ était captée par les populations noires.

À titre illustratif, les Aborigènes d’Australie ont récupéré le mouvement; c’est également le cas des Kurdes et des Palestiniens dans une perspective de Droit des minorités. Par ailleurs, il échoit de percevoir la résurgence de blessures mal cicatrisées, causées par les violences policières envers les noirs. En France, l’affaire Adama Traoré, datant de juillet 2016, est plus que jamais réactualisée. Vous voyez donc que c’est une séquence qui entraîne toute une vague de revendications susceptibles de recomposer, même de façon incrémentale, l’ordre mondial prégnant dans le vivre-ensemble.

Quelles leçons tirer de cette affaire?
Cette affaire triste est un sinistre pédagogue à maints égards. Tout État, aussi puissant soit-il sur la scène internationale, est une organisation. En cette qualité, il peut connaître des défaillances dans la gestion des membres du tissu social. Il est d’une impérieuse nécessité d’être proactif en réduisant au maximum les inégalités de toute nature, et en gommant autant que possible les discriminations qui sont des catalyseurs pouvant mener à des manifestations violentes.

Par ailleurs, la scène mondiale est de plus en plus fluide avec la prégnance des réseaux sociaux; il n’existe plus ou du moins il existe peu d’actes recouverts du voile local. En une fraction de seconde, un acte s’internationalise. Ces vecteurs de communication sont plus que jamais mobilisateurs; et je dirai par surcroît qu’ils constituent des ressources stratégiques non négligeables.

Que faut-il faire pour que cette affaire devienne le ferment d’un nouveau départ dans la relation entre les peuples du monde entier?
Cette question met au goût du jour les dynamiques de changement de comportement et de mentalités. Il faut savoir que tout changement produit une certaine violence psychosociale. Les actes routiniers et les dépendances au chemin emprunté sont des racines fortement ancrées dans les cartes mentales des acteurs. Toutefois, Les manifestations d’envergure comme l’affaire Floyd constituent clairement une modalité apte à reconfigurer les rapports humains, car elles touchent au domaine de la perception, et nous savons à quel point la perception est créatrice de réalité.

En effet, la question des minorités s’invite constructivement dans le débat; et cela est perceptible dans la capacité qu’a eu cette scène, à inviter ou inviter derechef des minorités éparses et clairsemées dans une mobilisation qui au départ était captée par les populations noires. À titre illustratif, les Aborigènes d’Australie ont récupéré le mouvement; c’est également le cas des Kurdes et des Palestiniens dans une perspective de Droit des minorités.

Elles montrent que la situation actuelle est devenue nocive et qu’il faille un nouveau mode de fonctionnement. A cette action mobilisatrice qui est plus «bottom up» que «top down», il faudrait ajouter la partition des systèmes gouvernants nationaux, régionaux et internationaux de par une production de politiques et actions publiques favorables à la consolidation d’un vivre – ensemble réel. Tous les hommes ont une responsabilité sur les rapports entre les peuples. Si dans la socialisation initiale, nous apprenons aux jeunes générations les principes de la Déclaration universelle des Droits de l’Humains, si les politiques publiques mondiales en matière d’éducation incluaient dans les programmes l’enseignement de ces valeurs, ce serait une avancée durable.

Propos recueillis par Ongoung Zong Bella

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