Barrage de Bamendjing : La RSE ensorcelée par les vannes

D’un côté, les populations dénoncent la gestion au coup par coup des problèmes et revendications populations locales. De l’autre, les entreprises se défendent d’avoir inscrit leurs actions dans un contexte de promotion du développement social du groupement.

Une vue du site du barrage de Bamendjing

« Une spirale de détérioration et de pauvreté ». Voici comment Sa Majesté Isaac Pekeko Feko décrit Bamendjing ce matin du 30 juin 2020. Si le phrasé du dignitaire traditionnel semble assagi par une tendance lourde, c’est que chapitre par chapitre, il tient sur un problème fondamental : les retombées du barrage de retenue d’eau.  Construite il y a près de 50 ans, l’infrastructure ne bénéficie d’aucun indice d’opinion favorable ici. « Les bénéfices que nous, les riverains, pouvons tirer du barrage sont perdus depuis des années dans un mille-feuilles humain et institutionnel », avance le chef supérieur Bamendjing. Dans une mise en récit de toutes les démarches entreprises jusqu’ici, S.M. Isaac Pekeko Feko dit avoir multiplié des batailles tous azimuts et quasiment autant de déconvenues ; posé les mêmes questions et obtenu des réponses évasives devant les autorités publiques et les différents gestionnaires du barrage. « Personne ne nous gère !», marmonne-t-il doucement.

« Oppositions »

Capté auprès de plusieurs habitants de Bamendjing, un discours met en évidence un ras-le-bol, plus que consommé. « Nous avons déjà tout fait ; mais on nous a fait savoir que, telle que pensée lors du démarrage du chantier au début des années 70, la gouvernance du barrage n’avait pas pris en compte certains aspects. Avec nos parents, aucune rencontre consultative n’avait été organisée pour permettre à Razel (constructeur du barrage, NDLR) de noter les préoccupations et réactions des populations des villages du groupement Bamendjing », renseigne Tetang, un jeune du coin.

À décrypter ce propos, il s’avère que depuis la mise en œuvre de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) sur le terrain est restée problématique. À ce jour, elle interroge toujours et renouvelle encore les oppositions entre les gestionnaires du barrage de Bamendjing et les populations riveraines. À diverses échelles, les secondes dénoncent les premiers en les montrant déconnectés des enjeux écologiques (préservation du couvert végétal, pollution et contamination des eaux souterraines) et sociaux (déplacements et mesures d’indemnisation des populations, modernisation du cadre de vie, soutien aux activités associatives et agro-pastorales, prise en charge des problèmes de santé publique). « C’est l’intérêt mineur pour ces questions qui fait problème. Nous pensons qu’ici à Bamendjing, la RSE mérite d’être développée au-delà des aspects de contingence usuels en gestion et dans une perspective plus globale », plaide S.M. Isaac Pekeko Feko.

De lui, l’on apprend que, par le passé, Eneo a développé un discours vantant son engagement socialement responsable, c’est-à-dire respectueuse des problématiques de protection de l’environnement et de respect des droits des communautés vivant autour du barrage de Bamendjing. Or selon de nombreux témoignages, les actions menées jusqu’ici par Eneo n’ont apporté aucune solution aux nombreuses questions relatives aux externalités négatives et aux dommages collatéraux liées aux activités hydroélectriques. L’ère Eneo est passée. Conformément à la loi du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun, c’est EDC ( Electricity Development Corporation) qui a pris le relais de la gestion du barrage. Selon cette entreprise publique, à Bamendjing, l’heure est encore à la mise en place d’un plan global de réhabilitation de l’ouvrage. Formellement, rien n’est dit sur la RSE.

Jean-René Meva’a Amougou à Bamendjing

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