Bamendjing : Le barrage entre discours et représentations

Les termes employés par les Bamendjing pour désigner ce qu’ils attendaient en termes de retombées palpables mettent en relief une conception diversifiée de l’ouvrage.

Des va-t-en guerre en route pour le barrage

«Comment peut-on avoir un barrage sur la terre de nos ancêtres et vivre dans le noir?» À Bamendjing et ses environs, difficile de ne pas intégrer le quotidien dans la routine de cette interrogation. «Éléphant blanc, foireuse affaire, barrage de la malédiction» Partout dans les 13 villages du groupement, les populations entretiennent des métaphores suggérant la souffrance psychique. La mise en récit de celle-ci montre que deux représentations structurent les discours : celle des bénéfices directs que charrie le barrage et celle de la non prise en compte des lamentations des fils et filles d’ici.

Tous rappellent qu’«en tant que barrage de retenue, le barrage de Bamendjing fonctionne grâce à l’eau de leur terroir. EDC vend de l’eau à Eneo ; mais où est la part d’argent réservée aux riverains que nous sommes». Recueillis ici et là, des énoncés égrènent une tension qui, depuis près d’une cinquantaine d’années, s’est transformée en affrontement déclaré contre les pouvoirs publics. En effet, à l’intérieur de la masse des discours que l’on écoute dans cette contrée des Grassfields, l’on retrouve un verbatim impliquant une signature «rebelle». «On est déterminé à honorer la mémoire de nos parents qui ont été floués par le gouvernement», entend-on par exemple. Ce point de vue est celui de tout le monde.

Régulièrement, des acteurs (jeunes pour la plupart) se plaignent de la déformation du discours tenu à l’époque. «On avait dit à nos parents qu’ils auraient de l’électricité et que leur vie serait améliorée grâce au barrage mais il n’en est rien», fait constater François Pefanfo, habitant du village Bami, au Sud-est de Bamendjing.

Comme ce jeune, beaucoup pensent que le moment est venu d’user du droit de rectification que leur reconnaît leur descendance ; «au regard d’une question dont la gravité demande plus de réflexion désormais et plus de substance», selon la formule de Simon Tetang. Dans sa forte critique du barrage, ce dernier assure avoir initié la polémique et l’attise sans retenue, «jusqu’à obtention de résultat». Chacun, à sa manière, souligne combien, depuis des lustres, «le discours des politiciens se présente comme un enchevêtrement de paroles sans effet». «On a compris que notre misère est systématiquement entretenue par des gens d’en-haut», souffle Jonas Muesset du village Bami.

Dans le groupement, tout s’enchaîne pour contourner ce qui serait une manœuvre fallacieuse du système de gouvernance. Dans leur élan, les jeunes proposent d’avoir recours à des «actions fortes mais pacifiques», en négociant eux-mêmes les modalités de la prise de parole à la condition exclusive d’être en position de dominant dans la négociation avec les pouvoirs publics. Et cela ne se fait pas sans heurts entre personnes. Exemple, ce 4 juillet 2020 dans l’une des salles de l’école publique de Bamendjing, la sélection des locuteurs autorisés à parler a donné à enregistrer des séquences de discussion et d’affrontement entre des points de vue divergents sur un même sujet.

 

Initiative

DMJ se déporte sur le terrain à Bamendjing

Du 29 juin au 5 juillet 2020, une équipe de 5 membres s’est prêtée au rôle particulier de médiation entre les différents acteurs engagés, la structuration du débat et l’interpellation de l’opinion publique.

L’équipe de collecte auprès des populations

Sur ce qui se dit autour du barrage de retenue d’eau de Bamendjing, Dynamique mondiale des jeunes (DMJ) a eu l’idée de faire une description profonde de la controverse et ainsi de la mettre à plat. À travers une mission de collecte axée sur l’impact de l’ouvrage sur le quotidien des populations, l’association a voulu montrer les points saillants, les nœuds et les sous-controverses. Bref, elle s’est invitée dans un jeu de forces opposées depuis près d’un demi-siècle dans le département des Bamboutos.

Pour l’essentiel, du 29 juin au 5 juillet 2020, l’équipe de 5 membres déployée sur le terrain s’est prêtée au rôle particulier de médiation entre les différents acteurs engagés, la structuration du débat et l’interpellation de l’opinion publique. Ce cadrage, qui découle de la vocation même de DMJ, était destiné, selon Éric Etoga (le chef de mission) à désigner un problème et ses modalités de résolution, la hiérarchisation des enjeux et leur temporalité, les références historiques et culturelles mobilisées pour l’appréhender. Autant d’instruments eux-mêmes construits pour rendre compte des faits.

Créée le 14 mai 2007, DMJ encourager le leadership jeune en matière de programmes et projets de développement. Selon cette ligne, elle milite en faveur d’une jeunesse capable de s’assumer devant toute épreuve sociale en préservant l’esprit civique et le sentiment national axé sur les valeurs citoyennes et le droit; une jeunesse dont les préoccupations et potentialités sont intégrées dans les processus de décision et de développement.

Elle développe la connexion et la coopération au sein de la jeunesse et encourage l’engagement volontaire et les services de volontariat pour l’accompagnement des communautés ; suscite et facilite les initiatives de recherches action orientées vers l’identification et la réponse aux besoins des communautés ; encourage et appuie la mobilisation communautaire des jeunes contre les grands fléaux et l’émigration ; renforce les dynamiques communautaires en développant et en favorisant l’esprit d’émulation, de justice et de conciliation au sein des populations jeunes.

JRMA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *