C’est le montant dont le marché financier sous-régional a besoin pour financer son développement. Le directeur de la Bvmac et le gouverneur de la Beac l’ont officiellement annoncé au cours d’une conférence de presse tenue à l’agence Beac de Douala le jeudi 2 mars 2023.
«Globalement, le capital de la Bourse va être rehaussé au niveau de 10 342 000 000 FCFA. En outre, un montant résiduel de 487 millions est attendu des actionnaires de la bourse, mais aussi un effort de près d’1 milliard FCFA est attendu de la Communauté». On apprend également ce 2 mars 2023 du gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) que «les fonds complémentaires attendus doivent faire appel au Fonds de développement de la Communauté (Fodec). Abbas Mahamat Tolli aux côtés duquel se trouve Louis Banga Ntolo, directeur général de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac), précise enfin que la démarche vise à «permettre que la Bourse atteigne ses objectifs assez rapidement».
C’est en somme le montant dont a besoin la plateforme boursière pour le bon fonctionnement de sa structure. Le financement va permettre à la Bvmac de capter de nouvelles ressources financières et de poursuivre la modernisation des équipements de gestion du marché financier. «Il était question d’aborder le sujet de la question de l’augmentation du capital de la Bvmac, qui est nécessaire pour une restauration des fonds propres comptables. Mais pour permettre à la Bvmac de capter de nouvelles ressources financières. Notamment pour le recrutement de ressources additionnelles», confirme le gouverneur de la Banque centrale.
Opportunité
Les actionnaires quant à eux trouvent en cette action une bonne initiative à ne pas rater et une occasion de plus à saisir. Car elle permettra à chacune des entreprises actionnaires de faire de bonnes affaires. «Si la Bvmac se développe, c’est aussi plus d’affaires pour nous intermédiaires. Fondamentalement, nous n’avons pas de problème à apporter notre contribution additionnelle. Lorsqu’on regarde le montant, à peu près 480 millions, nous sommes une cinquantaine d’actionnaires. Ramener à chaque actionnaire, au final, ce n’est pas grand-chose. Je pense que nous allons nous mobiliser pour apporter le capital additionnel», déclare Ernest Pouhe, actionnaire.
Fractionnement des titres
Le problème de fractionnement des titres reste une grande priorité pour la Bvmac. «Sur la réforme sur le fractionnement que nous avons annoncée en prenant le poste en 2022, elle est en court. Elle est assez structurante et lourde. Il s’agit de pouvoir modifier la valeur faciale des instruments cotés. Notamment les actions. Et cela nécessite qu’on aille vers les entreprises qui vont modifier les statuts. Il faut que les régulateurs se prononcent parce qu’il y a un carnet réglementaire Ohada qui permet à ce que le secteur financier puisse avoir une règlementation un peu différente», déclare Louis Banga Ntolo. Face à cette configuration, le directeur général de la Bvmac rassure déjà du maintien de la situation. «Nous rassurons que c’est une réforme que nous sommes en train de faire parce que si nous divisons la valeur faciale, ça va augmenter mécaniquement le nombre d’instrument disponible sur le marché. Ça va aussi rendre accessible ce produit à la jeunesse, tout en permettant qu’on puisse pousser vers d’autres réformes. Entre autres les mécanismes à travers lesquels on peut acheter les instruments. Aujourd’hui tout tourne au niveau un petit peu au niveau du compte bancaire, alors que la plupart de l’épargne de la Cemac circule aussi dans les outils mobiles. Et donc, on regarde tous ses aspects et comment capitaliser sur la digitalisation», ajoute-t-il.
Pour le gouverneur de la Beac, il faudrait que toutes les opportunités financières soient mises à contribution pour accentuer davantage les efforts de financement de l’économie dans la sous-région. «Les attentes d’ici la fin du mois de mars pour la libération des ressources et le renforcement du capital de la bourse seront derrière nous et on aura franchi une étape majeure dans la dynamisation des structures des marchés financiers dans la Cemac. Nous sommes dans les actions de renforcement de modernisation, mais ce renforcement du capital viendra en renfort aux actions de modernisation d’équipements de la Bvmac et le développement de ses plateformes techniques», explique Abbas Mahamat Tolli.
Les avancées de la Bvmac.
Le gouverneur de la Beac au cours de cet échange a tenu à apprécier le chemin parcouru par la Bvmac depuis la fusion des marchés financiers de la Cemac. À l’actif de l’institution financière sous-régionale, il a été relevé l’évolution de la liste des entreprises qui passe de 10 à 17 sociétés; l’adoption du règlement Cemac portant organisation et fonctionnement du marché financier de l’Afrique centrale en date du 21 juillet 2022; la consultation publique lancée par la Cosumaf en février 2023 sur son projet de nouveau règlement général; l’admission des premières entreprises des portefeuilles des États à la cote de la Bourse sous-régionale.
Diane Kenfack
Abbas Mahamat Tolli
«Il faut qu’on vise la performance pour toutes les entreprises qui veulent aller en bourse»
Le gouverneur de la Beac a tenu une conférence de presse le 2 mars dernier à Douala aux côtés du directeur général de la Bvmac, Louis Banga Ntolo. L’occasion pour Abbas Mahamat Tolli de revenir sur le fonctionnement de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale.
Il y a certaines sociétés de bourse qui n’ont pas pu participer ou souscrire à ce capital. Nous constatons que ce sont des actionnaires introduits la dernière fois qui se retrouvent ici. Pourquoi le capital n’est-il pas ouvert à d’autres sociétés de bourse?
Aujourd’hui, on n’a pas encore un niveau de capital règlementaire arrêté. Mais, à mesure que la Bourse prend de l’importance, elle peut progressivement s’ouvrir à d’autres qui souhaiteraient véritablement entrer en bourse. En effet, les gens souscrivent d’abord aux actions et puis, la libération des participations souscrites intervient plus tard. Le but de la réunion c’est pour accélérer la libération de ces participations. Un effort complémentaire de la part de la Communauté sera également consenti.
À combien souhaite-t-on porter le capital de la Bvmac? Et concernant les fonds attendus de la Communauté, d’où viendront-ils?
Globalement le capital de la bourse va être rehaussé à 10 342 000 000 FCFA. C’est le Fodec qui a été utilisé pour le développement de la Communauté et qui a servi aux premières phases d’effort de fusion et de renforcement. Tout cela était puisé dans ses fonds pour financer ses actions. Les fonds complémentaires attendus doivent également faire appel aux fonds Fodec pour permettre que la Bourse atteigne ses objectifs assez rapidement.
En ce qui concerne la libération du capital de la Communauté, est-ce que c’est tous les pays d’Afrique centrale qui sont concernés ou il y en a qui ont déjà donné leur part?
L’effort communautaire c’est tous les pays qui constituent la Communauté Cemac. C’est le fond Fodec de la communauté. Il y a des participations additionnelles. En étudiant la Bourse, il a été indiqué que les États participeraient à part égal à hauteur de 5% chacun. Tout ce qui se fait dans la Cemac au niveau des États, c’est selon le principe de solidarité.
Au vu de l’importance qu’a le marché financier aujourd’hui dans le financement de nos économies, comment est-il encore possible que beaucoup de personnes pensent que l’entrée en bourse reste très élitiste? Pensez-vous à revoir les conditions d’entrée pour permettre que la Bourse puisse être accessible à tout porteur d’initiative pour faire décoller son activité?
L’activité financière ce n’est pas quelque chose de très développé dans notre pays. La bourse également c’est nouveau. On a eu des structures qui n’étaient pas connus de tout le monde et dont le niveau d’activité n’était pas très suffisant. Et même, les produits au niveau du marché financier ne sont pas très diversifiés. Les compartiments des actions et les compartiments obligations, tout ça vient progressivement. Si vous voulez avoir des entreprises cotées en bourse, il s’agira de vendre des parts d’une entreprise. Vous les citoyens désirez faire des investissements en bourse, acheter des actions, vous n’allez pas acheter les actions des entreprises qui sont-elles-mêmes en difficulté, des entreprises qui ne sont pas performantes. Vous faites un investissement, ce que vous attendez c’est un retour sur investissement.
Est-ce que cela est possible avec une entreprise défaillante, avec des entreprises qui ne font pas de bénéfices. Raison pour laquelle on s’assure que ce soit des entités viables, rentables qui génèrent du bénéfice qui soient cotées en bourse. Si vous introduisez en bourse des entreprises qui n’ont pas de bilan, qui n’ont pas de rentabilité, qui ne génère pas de bénéfice, personne ne va acheter. Raison également pour laquelle il faut qu’on vise la performance. Pour toutes les entreprises qui veulent aller en bourse, mais aussi par transparence vis-à-vis des investisseurs qui ne sont pas toujours de la communauté, qu’il s’agisse de la communauté ou de l’extérieur, contrairement à des entreprises qui sont intéressantes et pour que leur investissement ne soit pas vain. C’est pourquoi il y a tout un processus. Il faut regarder les états financiers; il faut évaluer la valeur de ses actions; il faut des sociétés spécialisées qui sont des intermédiaires de la bourse qui vont les accompagner suivant toutes les étapes jusqu’à leur introduction en bourse.
On attendait un certain nombre d’entités, notamment le Port autonome de Douala et les Aéroports du Cameroun. Dans les pays de la sous-région, il y en a également qui sont attendues. Quand est-ce que ces entités étatiques feront-elles leur entrée en bourse?
La Régionale au Cameroun était un EMF qui est devenu une banque. Il est arrivé à mettre sa banque en bourse. Des gens ont souscrit à des actions et ça a servi à rembourser ses fonds propres. Bank Ré l’a fait en Guinée Équatoriale, CBC au Cameroun va s’introduire. On aura au total 17 entreprises qui vont venir de 5 des 6 pays de la Communauté.
La Bourse devrait être un outil de régulation de la gouvernance. C’est-à-dire que les entités qui sont poussées vers elles peuvent aussi être des entités qui ne sont pas bien gérées. Est-ce qu’on ne peut pas espérer que vous puissiez penser à ces entités qui ne sont pas bien gérées. Est-ce que vous ne pourriez pas permettre que la bourse soit aussi cet outil, pourquoi pas, de normalisation de nos entreprises?
À la fin des années 80, il était question du programme d’ajustement structurel, il fallait libéraliser, privatiser les sociétés, ça on l’a connu un peu partout. Aujourd’hui, si on accompagne les entreprises en bourse et qu’on cède une partie du capital au privé, c’est que vous allez avoir autour de la table des actionnaires qui ne sont pas étatiques. Pourtant, les États veulent avoir du privé dans le capital. Le privé a investi son argent sur quelque chose et il s’attend à avoir un retour sur investissement. Il doit forcément s’assurer que cette entreprise est bien gérée. Il faut bien regarder ses états financiers. Quand l’entreprise présente son budget, ils vont également scanner tout ça. Est-ce que les gestionnaires de la société ne sont pas performants. Immédiatement, ces gens sont remplacés. Celui-là, il a un objectif, c’est de faire du profit et le profit ne vient que lorsque la gouvernance est bonne, quand il n’y a pas la corruption, quand les décisions de gestion sont bonnes.
Aujourd’hui si nos États y mettent la tête, c’est à peu près 100 milliards FCFA de dette souveraine des États dans la Cemac, c’est le privé, des personnes physiques qui ne sont dans la plupart des cas installés dans la sous-région, mais qui sont ailleurs. Quand vous êtes cotés en bourse et que vous gérez mal, c’est dommage.
Interview menée par Diane Kenfack