Assassinat de Boris Kévin Njomi Tchakounté : Le besoin de consolation difficile à rassasier

À la suite du discours de Paul Biya à la jeunesse, des voix s’élèvent pour dire la colère du corps enseignant.

Paul Biya pendant son discours à la jeunesse

Un jeune enseignant de mathématiques tué par son élève de 15 ans. Dans son adresse à la jeunesse le 10 février 2020, Paul Biya a choisi de restituer cette atrocité survenue au lycée classique de Nkolbisson (Yaoundé 7) le 14 janvier 2020. Quelques jours après l’inhumation de Boris Kévin Njomi Tchakounté, le chef de l’État a reconnu la folie criminelle des jeunes camerounais dans son discours. «Je ne peux pas ne pas évoquer, avant de conclure, un événement récent qui bouleverse nos consciences : le meurtre, à Yaoundé, d’un jeune professeur de mathématiques par un de ses élèves.

Cet acte, à peine croyable, en dit long sur les dérives de nos sociétés modernes», a déploré le président de la République. Que faut-il faire pour que rien de tout cela ne se banalise encore plus? Paul Biya a son idée : «J’en appelle aux parents, aux hommes de religion et aux enseignants pour que, grâce à l’éducation qu’ils dispensent, de tels faits ne puissent se reproduire. Je vous demande également de réfléchir à ce qui s’est passé, d’en mesurer la gravité et de prendre l’engagement de ne jamais commettre de tels actes».

Dans un tweet daté du 31 janvier 2020, le chef de l’État avait prononcé une oraison funèbre. «Mon Épouse et Moi-même avons appris avec une vive émotion, le décès brutal dans l’exercice de sa profession, de M. Boris Kévin NJOMI TCHAKOUNTE, un jeune enseignant consciencieux et plein d’enthousiasme. Nous tenons à adresser à ses proches, Nos sincères condoléances», peut-on lire sur son compte.

Observations
«C’est une sorte de devoir de mémoire drapé dans une simple incantation qu’on trouve laborieusement dans un pli du discours», fulmine Joseph Avoulou, enseignant et camarade du disparu. Pudique, notre interlocuteur passe vite sur la scène du 30 janvier 2020 à Yaoundé, rappelant juste que «le corps enseignant a vécu comme un autre traumatisme la barbarie des forces de l’ordre». De son côté, Claire Dongmo, une autre enseignante, dit ressentir «honte et la culpabilité dans le discours du 10 février 2020 lorsque l’autorité publique n’est pas prête à les écouter en se déambulant juste au rayon de ses souvenirs».

Sur ce dernier aspect, certains enseignants voient en Paul Biya «l’homme dont le métier inspire les histoires étonnantes qu’il raconte sur la mémoire et l’oubli». Selon Émile Songué, professeur de sciences physiques, «il ni élégant ni agréable que le président découvre le mal-être des enseignants par le truchement de cette triste actualité». Ce discours est très voisin à celui tenu par Lucien Dzomenga. Pour ce syndicaliste et enseignant de philosophie, «le discours présidentiel relève juste d’un deuil lacrymal qui, de toutes façons, n’est applaudi que par la nomenklatura, ne solutionne pas les problèmes d’intégration des enseignants sortis des écoles normales, des avancements et autres». Et commentant un segment du discours présidentiel («Aujourd’hui, les Camerounaises et les Camerounais, dans leur grande majorité, peuvent manger à leur faim, se faire soigner, aller à l’école, au collège, au lycée, à l’université, ont le droit de s’exprimer et de voter librement»), Lucien Dzomenga ne manque pas d’y relever «le paradoxe d’un discours qui voit la réalité quotidienne depuis Etoudi et qui fixe lui-même ses lamentables limites».

Jean-René Meva’a Amougou

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