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Article 66 de la Constitution : Une loi et la loi des mœurs camerounaises

Depuis leur promulgation en 1996, les bases constitutionnelles du droit applicables aux biens des personnes publiques font face à des réticences.

 

Au Cameroun, dévoiler son patrimoine s’avère délicat à assumer pour certains élus. Difficile de mettre sur la place publique leurs biens immobiliers, le contenu de leurs comptes bancaires, leurs voitures, leurs objets de valeurs… Dans les rangs du parti proche du pouvoir ainsi qu’au sein de l’opposition, certains dénoncent un certain voyeurisme, une formalité administrative un peu enquiquinante. Depuis, la situation met en lumière un phénomène : le manque de transparence dans la vie publique. Résultat : chaque année, l’État du Cameroun perd des sommes faramineuses dans des détournements de deniers publics. D’après le rapport d’activités de la Conac (Commission nationale anti-corruption) rendu public en décembre 2019, le pays a perdu 40 milliards FCFA en 2018. À en croire l’ONG Transparency International, cet état de choses est davantage favorisé par l’absence d’application de la loi relative à l’article 66 de la Constitution de 1996.

Instituée par la constitution de 1996,  dix ans se sont écoulés pour que cette disposition institutionnelle contre l’enrichissement illicite se dote de la loi N°003/2006 portant déclaration des biens et avoirs. D’après ce texte, les hauts cadres de l’administration camerounaise sont tenus de décliner leurs biens auprès de «l’organe compétent dans les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent leur élection ou nomination, et soixante (60) jours au plus tard dès la fin d’exercice de leur mandat ou fonction, une déclaration des biens et avoirs établie sur l’honneur, dans les formes et conditions prévues par la réglementation».

Sur un tableau voisin, l’on lit les lois N°003/2006 du 25 avril 2006 déterminant les autres catégories de personnes assujetties à l’obligation de déclaration des biens et avoirs,  et N°218/011 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun. Cette dernière en son chapitre IX intitulé «intégrité des acteurs»,  l’article 51 est suffisamment clair. «Les détenteurs de toutes autorités publiques, élus, membres du gouvernement ou hauts fonctionnaires font une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat ou de fonction», stipule-t-elle.

Seulement, aucun décret d’application lui permettant d’être effective n’existe à ce jour, constate Ibrahim Yiche, coordonnateur national du mouvement Now. «Malgré le vote, en juillet 2016, d’un nouveau Code pénal internalisant certaines infractions de la convention des Nations Unies contre la corruption, il est regrettable que de nombreux instruments manquent au dispositif de lutte contre la corruption tel que la non-application de l’article 66 de la Constitution sur la déclaration des biens et avoirs», lit-on sur l’Indice de perception de la corruption (IPC), publié début janvier 2020.

Que faire ?

Concrètement, il faut activer certains leviers, précise Dieudonné Massi Ngams dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, édition du 6 avril 2020.

«Il s’agira, pour les pouvoirs publics, de procéder à une incrimination de certains comportements répréhensibles de nos compatriotes pour leur donner un caractère infractionnel, notamment le blanchiment des produits de la corruption (Art.6 de la Convention), l’enrichissement illicite (Art.8 de la Convention) ou la confiscation et la saisie des produits et moyens de la corruption, en attendant le jugement définitif (Art.16 de la Convention), la non-déclaration des biens et avoirs (Art. 66 de notre Constitution), etc.  Il va falloir, en fin de compte, les introduire dans le Code pénal comme des infractions», déclare le patron de la Conac.

Joseph Julien Ondoua Owona, stagiaire

 

Ce que dit la loi du 25 avril 2006

Sur la base de l’article 66 de la constitution du 18 janvier 1996, les hautes personnalités de la République sont assujetties à la déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction (article 2, alinéa 1).

 

Sont concernés: le président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, le président et les membres du bureau du Sénat, le président et les membres du bureau de l’Assemblée nationale, les sénateurs, députés et tout détenteur d’un mandat électif, les secrétaires généraux, les ministres et assimilés, les directeurs des administrations centrales. Cette disposition s’applique également aux directeurs généraux des entreprises publiques et parapubliques, magistrats, personnels chargés de l’assiette, du recouvrement, des recettes publiques et du contrôle budgétaire, tous gestionnaire de crédit et biens publics.

L’alinéa 2 de l’article 2 de la loi du 25 avril 2006 détermine les autres catégories de personnes assujetties à l’obligation de déclaration des biens et avoirs. Ce second groupe est constitué du président du Conseil économique et social; les ambassadeurs; les recteurs des universités d’État; les délégués du gouvernement, les présidents des conseils d’administration des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic.

Cette loi s’applique également aux gouverneurs, préfets, présidents des commissions de passation des marchés publics, présidents des chambres consulaires, chefs des projets bénéficiant de financements extérieurs et/ou subventions de l’État, responsables des liquidations administratives et judiciaires, responsables des établissements publics administratifs et sociétés à capital public jusqu’au rang de directeur, responsables des administrations centrales.

En son alinéa 3, «est en outre assujetti à l’obligation de déclaration des biens et avoirs, au début et à la fin de son mandat ou de sa fonction, tout ordonnateur de deniers publics au sein d’une association ou de tout autre organisme privé, bénéficiaire de deniers publics, au titre de subventions ou de dons».

 

Convention de Maputo

Certains actes de l’État du Cameroun tendent à rassurer sur la fin prochaine de la corruption. C’est ainsi que le 1er avril 2020, par voie de décret, le président de la République ratifiait la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003. Fondamentalement, cette convention a pour rôle de promouvoir et de renforcer la mise en place des mécanismes à même de «prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées» par chacun des États partis. Puisqu’il est désormais membre signataire de cette convention, le Cameroun est tenu de prendre certaines dispositions contre le fléau, l’application des clauses y relatives étant obligatoire.

Parce que «notre pays était souvent diminué pour n’avoir pas ratifié cet instrument majeur», le révérend Dieudonné Massi Gams, président de la Commission nationale de lutte anticorruption (Conac), estime que l’acte d’adhésion du Cameroun à cette convention est un atout indéniable pour combattre l’enrichissement illégal au Cameroun. «La Convention de Maputo insiste également sur la déclaration des biens et avoirs ainsi que sur l’enrichissement illicite. Cependant, ajoute-t-il, il faut s’atteler, dès à présent, à compléter notre arsenal institutionnel et juridique».

 

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