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Arrestation de Mebe Ngo’o et compagnie : Un projet desservi par son écriture

Pour ceux qui se risquent dans la lecture de l’« affaire Mebe Ngo’o et compagnie », pas de surprise : il s’agit avant tout d’une diversion.

L’ex-ministre camerounais de la Défense.

Mises en cause, interpellations, auditions, perquisitions, gardes à vue. Des termes juridiques doublés d’effets d’annonce qui se craquèlent au fil des jours. Diversement, le tout a nourri les humeurs de l’opinion nationale et même internationale. En tout cas, depuis le 8 mars dernier, l’ancien ministre de la Défense et ses acolytes séjournent à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui. Ils y sont pour des malversations et détournements présumés au sujet des contrats d’achat d’équipements militaires pour le compte de l’armée camerounaise. Voilà pour la partie visible de ce qu’il convient désormais d’appeler l’« affaire Mebe Ngo’o et compagnie ».

Affichage
Si l’histoire des grandes affaires qui ont scandé la justice rappelle la longueur de ces dernières et leur caractère plus ou moins confidentiel, l’arrestation de l’ancien directeur de cabinet de Paul Biya, dans son déroulé, ne dissimule pas la démonstration symbolique, l’ostentation iconographique et l’incantation verbale. Parce que ministre pendant plus de vingt ans, Egard-Alain Mebe Ngo’o est une grosse prise pour redonner du lustre à l’Opération Épervier, lancée en 2006. « Sauf qu’en coulisses, l’exécutif en a fait une ressource, non pas pour réussir un coup de force, mais un extraordinaire coup de com’ autour de ladite opération », souligne Morand Chongwang, avocat au barreau du Cameroun. Dans les cercles nationaux de défense des droits de l’Homme, l’on parle d’«affichage d’un cas pour acquérir la sympathie des avant-gardes».

Sur le fond, pense-t-on, l’exécutif est un acteur scrupuleux qui aime se savoir regardé. Par la grâce de cette aspérité, le pouvoir suscite une bienveillance dans une opinion qui le crédite d’avoir restauré d’une part, une certaine discipline dans la gestion de la fortune publique, et d’autre part une volonté d’agir après de longs moments d’inaction ou d’actions confuses. Au vrai, l’intelligence tactique de ceux qui, de près ou de loin, pilotent cette opération lancée en 2006 est d’avoir compris que l’exécution de leur feuille de route ne pouvait être absorbable par la société qu’à condition d’agir puissamment sur l’imaginaire collectif.

Écran de fumée
En cet élan de fabrication d’un nouveau visage à l’Épervier, certains soupçonnent l’exécutif de vouloir rebooster son capital crédibilité, par-delà le cours de l’actualité sociopolitique nationale. Selon une thèse informée, l’emballement de la machine judiciaire ayant abouti au décernement des mandats de détention préventive à Mebe Ngo’o et autres s’appréhende comme une stratégie de restauration de l’autorité de l’État, sans que personne ne prévoie le scénario. «C’est pour détourner l’urgence d’une délibération citoyenne sur des questions graves de l’heure», signale Jean-Marc Bikoko, point focal Cameroun de l’ONG internationale « Tournons la page ». Dans cette veine, le syndicaliste évoque notamment la clarification ratée des perspectives relativement à la crise anglophone et à l’affaire Kamto.

Jean-René Meva’a Amougou

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