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Armée camerounaise contre séparatistes : La bataille… de Bamenda

Les parties en conflit dans le cadre de la crise anglophone fourbissent leurs armes pour le contrôle de la capitale du Nord-Ouest. Les populations prises entre deux feux.

Commercial Avenue à Bamenda, symbole de la ville morte

Le chef–lieu de la Mezam est paralysé depuis le lundi 7 septembre 2020. Cette date marque l’entrée en vigueur de la décision cosignée par le préfet de la Mezam (Simon Émile Mooh) et le maire de la ville de Bamenda (Paul Achobong Tambeng), sur la restriction du mouvement des motos-taxis dans le centre urbain de Bamenda. On avait cru qu’après la traditionnelle «journée ville morte» du lundi, les activités reprendraient de fort belle manière mardi. Que non! Les séparatistes, du moins la faction de Lucas Cho Ayaba, par la voix de son porte étendard Emmanuel Ndong, alias Capo Daniel, avaient pris à contre-pied l’administration en martelant: «Pas de motos, pas de véhicules en circulation à Bamenda à partir de mardi 8 septembre». Pour les séparatistes, la circulation des véhicules sera prohibée tant que durera l’interdiction des motocyclettes dans le périmètre urbain de la ville. La sortie du gouvernement intérimaire de la République virtuelle d’Ambazonie, à travers la faction séparatiste du Dr Samuel Sako, via son secrétaire à la communication Chris Anu, n’a pas rassuré la population. Cette sortie annulait la ville morte de la semaine dernière, en demandant aux autorités administratives de revenir sous huitaine sur leur décision. À défaut, ledit gouvernement intérimaire instituera des villes mortes à durée indéterminée à Bamenda à partir du 14 septembre.

La poudre… d’escampette
Mardi 8 septembre, les rues de Bamenda sont presque désertes. Pas de motos, encore moins des véhicules de couleur jaune. Seules quelques voitures banalisées circulent. Leurs occupants sont des hommes en tenues, cagoulés pour certains, en civil pour d’autres. Dans certains carrefours, on peut observer des forces de défense et de sécurité en faction. Elles sont visiblement prêtes à intervenir. Les portails des différents marchés de la ville (Ntarikon, Central, des vivres, Nkwen) sont grandement ouverts. Une poignée de commerçants, du moins ceux résidant aux alentours, ont ouvert leurs boutiques, le temps d’une éclipse. Faute de clientèles, ils sont obligés de mettre la clé sous le paillasson. A l’avenue commerciale, personne ne daigne ouvrir son échoppe. Le défaut de moyens de locomotion est avancé à priori comme justificatif de ce non-déplacement de l’immense majorité de la population vers le centre-ville. La marche à pied n’est pas dans les habitudes de certains habitants de Bamenda. À l’observation, la peur plane sur les habitants. Tout le monde redoute un éventuel déclenchement des hostilités entre séparatistes et forces de défense et de sécurité.

Capo Daniel, dans son message vidéo distillé sur les réseaux sociaux, avait invité le week-end dernier les populations à se ravitailler en conséquence. Ainsi, pour éviter d’être des victimes expiatoires du mano à mano entre les forces gouvernementales et les séparatistes, cette population a choisi de se confiner à domicile. Même le communiqué contresigné par les responsables des forces de l’ordre de la région, respectivement le délégué régional à la sûreté nationale, le commissaire divisionnaire Émile Gousmo, le général de brigade Ekongwese Divine Nnoko, commandant de la région de gendarmerie numéro 5 et le général de brigade Nka Valère, commandant de la région militaire interarmées numéro 5, n’a pas pu convaincre la population. Lequel (communiqué) justifie le bien-fondé de la décision d’interdiction de la circulation des motos-taxis dans le périmètre urbain, tout en leur demandant de collaborer avec les forces de l’ordre. Désormais, cette population ne sait plus à quel saint se vouer.

Lueur d’espoir
Certes, le centre-ville (arrondissement de Bamenda 2e) était complètement paralysé toute la semaine (excepté le samedi avec un léger frémissement autour du marché central et des vivres). Mais, il y a eu un début de normalisation dans les arrondissements de Bamenda 3e et 1er. À Nkwen, jeudi dernier par exemple, on pouvait observer quelques taxis en circulation. Il en est de même sur l’axe City chemist-up station. Certains commerçants au lieu-dit Mobil Nkwen avaient ouvert à moitié les portes de leurs boutiques, même si l’affluence n’était pas celle des grands jours. Les commerces ont tourné au ralenti. Situation presque similaire dans l’arrondissement de Bamenda 1er.

Au demeurant, la ville de Bamenda est fortement militarisée depuis la semaine dernière. Ceci rentre dans le cadre de l’opération « Bamenda clean » lancée par les forces de défense et de sécurité. Objectif : dénicher toutes les poches d’insécurité après l’assassinat de l’inspecteur de police de 1er grade, Joseph Bikoï Nlend le 1er septembre, par des séparatistes. Les forces de l’ordre ont bouclé certains quartiers à hauts risques (Nitob, Mulang et Travellers) de la ville mercredi dernier 9 septembre. À la clé, quelques arrestations. Jeudi dernier 10 septembre, le gouverneur a marqué son accord à l’opération « Bamenda clean ». C’était à l’occasion de la réunion de coordination sécuritaire.

Adolphe Lélé Lafrique Deben Tchoffo a invité la population à assister les forces gouvernementales dans cette opération. «J’en appelle à la population de prendre fait et cause pour les autorités en leur fournissant des informations nécessaires pour déloger les activistes terroristes des communautés. Je félicite les forces de défense et de sécurité qui mettent à exécution sur le terrain, l’opération «Bamenda clean » afin de redonner espoir à la population», a martelé le gouverneur de la région du Nord-Ouest. On a appris de sources sécuritaires qu’un contingent de près de 800 éléments des forces de l’ordre est arrivé en renfort à Bamenda ces derniers jours.

Jean-René Meva’a Amougou

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