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An 40 du Renouveau : les jours de pouvoir de Paul Biya dans 11 États

À la faveur du 40e anniversaire de son accession au pouvoir, votre journal dresse une anthologie non exhaustive du rôle joué par le chef de l’État camerounais dans deux espaces: la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).

 

 

À l’affût du moindre geste ou de la moindre petite phrase des hommes de pouvoir, un humoriste camerounais a fait de Paul Biya son morceau de choix. Depuis au moins deux décennies, l’artiste se glisse dans la peau du chef de l’État camerounais dont il travaille bien à relever mimiques, tics de langage mais aussi postures. Au cours d’une récente prestation à Brazzaville, cet humoriste-là a choisi de mettre en scène un Paul Biya parmi ses homologues d’Afrique centrale. Alimentée d’une flopée d’improvisations et une plaisante parodie du ton et du geste, la représentation s’achève sur une phrase: «Ici en Afrique centrale, je suis le grand-frère!».

 

Symbole
Si la tonalité des mots reste profondément dramaturgique, elle s’inscrit néanmoins dans un régime de vérité. À 90 ans en février 2023, Paul Biya est en effet le plus vieux chef d’État d’Afrique centrale. «Dans la sous-région, commente l’anthropologue François Bingono Bingono, cet âge fait passer un message symbolique et crédibilise l’idée d’un dirigeant qui agit différemment». Le Pr Belinga Zambo appuie: «Dans ce contexte, beaucoup admirent son intelligence et son sens géopolitique aigu». Pour le politologue camerounais, «en 39 ans passés à la tête d’un pays désigné comme la locomotive économique d’Afrique centrale, Paul Biya peut se partager en deux périodes avec des bornes posées respectivement à Libreville le 18 octobre 1983 et à Ndjamena le 16 mars 1994».

 

Reconnaissance
Dans son fond, l’énoncé de l’universitaire camerounais rappelle la naissance de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) d’une part, et celle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) d’autre part. En articulant les enjeux de la mise sur pied de ces deux organismes, quelques titres de la presse sous régionale ont souvent mis en évidence le rôle et la vision du dirigeant camerounais. «En effet, que ce soit dans le discours d’ouverture du Président hôte, le Tchadien Idriss Deby Itno, dans le bilan du dernier quinquennat dressé par le Président de la Commission, le Congolais Pierre Moussa, ou encore dans le communiqué final ayant sanctionné ce Sommet extraordinaire, le président de la République du Cameroun a été présenté comme le pilier de cette communauté sous régionale.

De par son rôle avant-gardiste, il a su donner l’impulsion pour un passage de la Cemac des États à la Cemac des peuples», peut-on lire dans le quotidien tchadien Le Progrès, édition du 1er novembre 2017. «L’on se souviendra également que face à la crise économique aigue qui menace la sous-région, en raison de la chute drastique des cours des matières premières, c’est à l’initiative du président Paul Biya que le Sommet extraordinaire du 23 décembre 2016 s’est tenu à Yaoundé», écrit l’hebdomadaire congolais Le Patriote du 25 novembre 2019.

 

Discours
Quand l’occasion lui est offerte, le chef de l’État camerounais ne lésine pas sur un grand projet sous-régional. «L’approfondissement de notre intégration reste un levier essentiel. Notre objectif est la libre circulation transfrontalière des personnes et des biens. Nos textes communautaires l’ont clairement consacrée.

Des efforts additionnels sont tout de même nécessaires pour en assurer une mise en application réussie à la satisfaction de nos peuples», avait-il posé dans un discours lu par Ayang Luc le 15 mars 2022 lors de la 13e édition de la Journée de la Cemac. Pour mettre en lumière les motivations probables de ces phrases, certains observateurs considèrent que Paul Biya semble plus disposé à sauvegarder sa propre puissance en Afrique centrale. En effet, selon une interprétation médiatique, le président de la République du Cameroun cache un projet dans lequel son pays émergerait comme un leader quasiment naturel dans le jeu d’ouverture décisionnelle et de recentrage géopolitique.

À ce sujet, Pr Belinga Zambo nous mène dans les coulisses de quelques sommets de la CEEAC ou de la Cemac. «Très souvent pendant les discussions, raconte le politologue, nombreux sont ceux qui se sentent démunis face aux propositions de Paul Biya. Ils se trouvent menottés dans l’exercice de leur autorité, paralysés par la crainte de le blesser de façon irrémédiable». Et d’ajouter: «Quand il assiste personnellement à un sommet de chefs d’État, parfois l’on le soupçonne de venir y faire la démonstration de sa grande maîtrise technique des dossiers de la sous-région».

Griefs
Sur le coup, l’on tombe sur la vague des critiques. Paul Biya qui a passé quelque temps à la tête de la conférence des chefs d’État de la Cemac respectivement du 25 avril 2007 au 25 juin 2008 et depuis le 24 mars 2019) et de la CEEAC (du 23 janvier 1986 au 27 août 1987) est à la fois confronté aux partisans du verre à moitié plein et à ceux du verre à moitié vide. Les premiers soutiennent que le chef de l’État camerounais, présidant aux destinées de l’une comme de l’autre institution, n’a laissé d’autres marques de son bilan que celles d’un homme ballotté par les événements, qui aura beaucoup promis et asséné, mais peu réussi à tenir ses promesses. «Il a tenu un discours réformateur sur la libre circulation essorée par des années de remise en question. Ce discours a rapidement été liquidé par d’autres paramètres. Tant et si bien que sur la durée, la réalité est celle d’une érosion constante et soutenue.

Ce discours n’a pas réussi à arracher l’idéal communautaire aux ornières dans lesquelles elle sombre. Depuis, des blocages restent inscrits dans la cartographie sociopolitique de la sous-région. D’ailleurs, en parcourant quelques médias des pays de la Cemac, j’ai pu lire un jour que Paul Biya est le seul président de cet espace géographique à n’avoir pas consacré tout un ministère à l’Intégration dont il se fait pourtant le chantre partout en Afrique centrale», évalue un internationaliste ayant requis l’anonymat.

Toujours positionné sur sa ligne d’attaque, ce dernier pense que «le calendrier d’un président en exercice des organismes comme la Cemac ou la CEEAC est simple». Notre interlocuteur poursuit: «C’est tout de suite; tout ce que vous ne faites pas en juillet, vous ne le ferez pas en septembre, et tout ce que ne vous faites pas en septembre, vous ne le ferez pas en décembre. Or, Paul Biya a été trop attentiste sur certains sujets brûlants». Ces griefs nuisent peu au président camerounais, car nul ne s’est targué de pouvoir faire mieux.

Pour les seconds, Paul Biya peut exciper des gains, indéniablement, et notamment dans son œuvre de restauration, après des années de basses eaux, d’une dynamique au processus d’intégration et la paix sous régionales. «Hélas, les crises économique sécuritaire et sanitaire ne lui ont pas laissé le temps de les réaliser»

 

Jean-René Meva’a Amougou

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