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Alain Noël Olivier Mekulu Mvondo Akame : La CNPS partage son expérience

Le webinaire organisé par le Cabinet Obiv Solutions le 31 août était l’occasion pour le directeur général de la CNPS de fournir des clés pour l’application des lois de 2017. Entre redéfinition des profils des compétences et évaluation des résultats des entités publiques et de leurs dirigeants, Alain Noël Olivier Mekulu Mvondo Akame partage son expérience.

 

I/ sur l’effectivité de la réforme
Astuce 1 : La disponibilité tardive des principaux textes de la réforme
La CNPS était parmi les toutes premières entités à faire signer ses nouveaux textes, en 2018. L’arrimage tardif ou le non-arrimage des entités publiques aux textes de base peuvent être dûes à une forme de résistance sourde de celles-ci aux nouveaux textes, notamment en ce qui concernent les nouveaux critères de rémunération des dirigeants. Cette réticence, qui n’est pas assortie de sanction, aurait pu être supprimée en réglant la question de la rémunération des dirigeants en conformité avec les principes généraux du droit et l’équité, par exemple en préservant les droits acquis salariaux aux dirigeants en poste ou alors en les nommant à d’autres entités.

Astuce 2 : La lente disponibilité des outils de gestion requis par la réforme (Plan stratégique, Budget programme, Règlement intérieur du conseil d’administration, Charte de l’administrateur, Fonction d’audit et de contrôle de gestion)
La CNPS disposait de ces outils avant même les textes de 2017-2019, qui se sont d’ailleurs inspirés de notre architecture de gouvernance.
En général, outre les compétences indispensables à l’élaboration et la mise en place de ces outils, il convient d’avoir : une vision claire des missions et des objectifs de l’entité ; la ferme volonté des dirigeants de transparence et de conformité dans les pratiques de gestion ; l’engagement total à rechercher les résultats proposés ou définis.

Astuce 3 : La question des incompatibilités
La décision ne relève pas de la gestion, mais il n’est pas curieux de s’interroger sur le caractère absolu de cette disposition, dès lors que les textes OHADA l’autorisent, sans dommages apparents.

II/ sur l’efficacité de la réforme
Astuce 4 : La difficile question de la qualité des ressources humaines au sein des organes sociaux (en rapport avec les exigences du rôle du Conseil d’administration)
S’il peut toujours être utile d’avoir les meilleures ressources humaines au sein d’un Conseil d’administration, et a fortiori dans une direction générale, il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une difficulté, non pas lié au caractère discrétionnaire de la nomination, et comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement au regard des pouvoirs constitutionnels du Président de la République dans le fonctionnement des institutions et son autorité en matière de nomination, mais surtout à l’implication et au sérieux que les membres reconnus s’accordant eux-mêmes à l’exercice de leurs responsabilités. La totalité des conseils d’administration sont constitués de hauts cadres représentant divers départements ministériels ou des organismes indépendants… Par ailleurs,

Il ne faut pas succomber à la tentation illusoire de vouloir définir un profil académique ou technique des membres du Conseil, qui semble revendiquer quelques diplômés académiques ou autres hauts fonctionnaires « mal servis », pour d’autres locataires et aboutissants ; il s’agit d’aborder une instance démocratique chargée de prendre connaissance et de débattre, par confrontation d’idées au besoin, de la qualité des décisions et des résultats obtenus par la direction générale. Le bon sens y suffirait amplement, si le sérieux et l’implication y sont.

Tout compte fait, c’est dans les résultats que l’on peut apprécier la qualité des dirigeants sociaux et non a priori. D’où l’intérêt ici d’avoir une instance d’évaluation dotée de ressources humaines de qualité indiscutable et de bonne moralité…

Astuce 5 : La question de l’évaluation des dirigeants et de la performance des entités publiques pas clarifiée
Il convient, pour les besoins didactiques et de compréhension fondamentale, de distinguer ce qu’on peut appeler l’appréciation des dirigeants et l’évaluation des dirigeants.
L’évaluation, annuelle et par mandature, du Directeur général est faite, de par les textes et selon les principes généraux en la matière, par le Conseil d’administration et celle du Conseil d’administration par l’Assemblée générale et la tutelle. Toute évaluation autre serait irrégulière et redondante, donc inopportune.

Par contre, l’appréciation globale ou politique (c’est-à-dire en rapport avec les missions de l’entité et ses interactions avec son environnement socio-économique) est tout autant nécessaire, et devrait s’exercer aussi souvent que possible , chaque fois que ledit environnement évolue ou subit des soubresauts induits ou impactant l’entité). Cette appréciation politique peut comprendre la modification éventuelle des missions, de la composition des organes sociaux voire la suppression pure et simple de l’entité s’il apparaît que son existence n’apporte plus de valeur ajoutée à la société ou détruit la valeur ou pose plus de problèmes (financiers et autres) qu’elle n’en résout (politiques publiques).
Cette appréciation doit être faite par le politique.

Il convient de noter ici que « la mutualisation des moyens » entre entités publiques (les surliquides et les moins liquides) n’est ni juridiquement faisable (autonomie de gestion) ni même socialement acceptable ; chacun doit pouvoir compter sur ses efforts de gestion ou l’appui direct de l’État lorsque cela est nécessaire. Sinon, cela pourrait conduire à une « communisation » qui découragerait les efforts de certains au profit des moins performants devenant, par le fait même, des rentiers des performances des autres.

Par contre, il est absolument impératif de bien définir la notion de performance, qui ne saurait se résumer aux gains financiers, mais bien à la bonne réalisation des missions désignées par l’État et l’atteinte des objectifs fixés.

Si complément aux textes de 2017-2019 il devrait y avoir, ce serait d’abord à ce niveau. On doit bien accepter qu’il existe des entités publiques qui n’ont pas vocation à gagner de l’argent, mais qui transféreront une mission de service aux populations. Dans ce cas, il appartient à l’État de les subventionner par l’impôt ou des taxes parafiscales.

D’où la nécessité de fixer et clarifier périodiquement (durée du mandat des dirigeants ou du plan stratégique pluriannuel) les rapports (droits et obligations) entre l’État et ses entités, selon les principes de « parenté » et de responsabilité.

III/ Sur la gestion stratégique du portefeuille de l’Etat
Astuce 6: Gestion stratégique du portefeuille de l’Etat peu claire et pas actualisée
Il est souhaitable en effet, avant toutes autres considérations sans préjudice de leur utilité ou pertinence, de refaire le recensement et l’appréciation de la géographie et de la consistance du portefeuille de l’État. Ceci a la vertu de permettre à celui-ci de focaliser ses moyens (limités) sur les entités publiques à valeur sociale ou économique avérée ; sans duplication, ni avec d’autres entités publiques, ni encore moins des entités privées qui exerceraient dans la même configuration en tenant compte des impératifs sociaux déterminés par l’État.

IV/ Sur le flou dans le pilotage de la réforme
Astuce 7: La question de la cohérence dans le pilotage de la réforme
La création d’un organisme unique chargé d’initier, examiner et élaborer les propositions en vue de la modernisation de l’Etat dans toutes ses composantes et ses procédures est souhaitable. Pour remplir cette attente, l’entité concernée devrait avoir des missions et objectifs clairs et périodiquement évalués. Elle ne pourrait pas relever d’une structure interne à un département ministériel, mais surtout posséder, à tous les niveaux de ses composantes, des ressources humaines compétentes et de bonne moralité.
Toutefois, il est bon de noter que la réforme n’est pas un but en soi, mais un moyen d’adaptation et de performance, toute conception autre, liée notamment à des positionnements personnels ou des avantages de système, reste peu recommandable.

V/ Sur la cohabitation des logiques marchande et bureaucratique
Astuce 8: Le sort des outils de gouvernance dans un environnement fortement bureaucratise
On a pu observer que les organes de contrôle institués, et paradoxalement une grande partie de l’intelligentsia académique et professionnelle, semble accorder une place visiblement démesurée à la forme ou aux procédures administratives qu’à la recherche ou l’atteinte des résultats escomptés ou la qualité de service attendue par les populations-cibles.

C’est ce qu’on pourrait nommer «le paradoxe du vent», où les dirigeants seraient conspués voire stigmatisés pour avoir violé une règle de pure forme, quitte à présenter des résultats positifs et appréciables, tandis que les conformistes passifs montreraient patte blanche, et même, seraient montrés en exemple… En somme, le vent soufflerait dans un sens contraire à la direction recherchée par les navigateurs.

Pour la modeste expérience que nous pouvons revendiquer, le simple aménagement et la simplification réelle des procédures permet de réaliser des économies budgétaires substantielles (pouvant parfois se chiffrer à des milliards de francs) et d’enrichir les postes de travail pour un plus grand épanouissement des travailleurs.

VI/ Sur l’implication des logiques politiques dans les enjeux de la performance
Astuce 9: L’entorse aux dispositions légales
La question de «l’enracinement des dirigeants», pour dire le supposé dépassement de la durée des mandats fixée par la loi de 2017, reste le prototype du vrai faux débat entretenu pour des raisons qu’on peut certes imaginer mais pas loin, dans le meilleur des cas, du besoin du spectacle public des chaises musicales.
Il est d’abord difficilement compréhensible de rattacher la longévité à un poste à la performance d’une entité publique, les exemples abondant dans un sens comme dans l’autre.

De plus, au plan strictement juridique, il n’est pas soutenable d’affirmer que la loi de 2017 abrège, le cas échéant, les mandats en cours ; la mesure serait tellement dérogatoire et attentatoire au principe de non-rétroactivité des lois que le législateur aurait dû le préciser dans une disposition particulière, comme il est de bonne logistique.

Par contre, au regard de la date d’entrée en vigueur de la loi, les mandats pourraient être décomptés de nouveau et, le cas échéant, le dépassement constaté, quoique le principe du renouvellement tacite jusqu’au terme total légal puisse être légitimement admis, et comme on peut le voir, il reste loin du compte à ce jour.
Quant à la valeur des instructions présidentielles sur le bon fonctionnement des entités publiques, elles gardent toute leur valeur, en application du principe d’adaptabilité immédiate des textes, en anticipation aux modifications formelles envisagées.

En ce qui concerne les principes d’équilibre régional, de genre, de handicap, etc. il convient de constater qu’il s’agit, pour certains, de concepts qui restent à définir clairement, bien qu’on doive objectivement convenir qu’ils restent politiquement complexes dans leur application pratique quotidienne, surtout lorsqu’on revendique la performance. Peut-être faudrait-il un débat général apaisé sur ces questions, afin d’en dégager les aspérités, les non-dits et autres fantasmes de groupes ou individus, il s’agit de questions nationales à très forte sensibilité qu’on ne saurait aborder sans précautions extrêmes, d’autant plus que l’entendement des uns et des autres n’est pas forcément commun et unanime.

VII/ Sur la relation tutélaire
Astuce 10: L’urgence de redéfinir la relation tutélaire
Je plaide pour l’adoption, l’introduction et la pleine application du «principe de parenté» dans les rapports entre l’Etat et ses entités infra, notamment les entreprises et établissements publics. L’observation montre qu’il soit entretenue l’idée, fausse, d’une concurrence ou une quelconque rivalité entre l’Etat et ses démembrements, soit au plan personnel, soit au plan organique et institutionnel. Ces entités infra-étatiques sont et demeurent les «enfants» de l’Etat qui est donc leur parent incontestable.

Le principe de parenté implique fondamentalement que, d’une part, l’autonomie de gestion qui est accordée par la loi (et donc l’Etat) se justifie uniquement par la volonté de disposer d’instruments de réalisation de missions publiques de manière plus prompte, efficace et efficiente. D’autre part, et en vertu de ce but, l’obligation par l’Etat de soutenir, accompagner et encourager la performance desdites entités. On ne concevrait pas autrement le rôle d’une mère ou d’un père à l’égard de sa progéniture.

Aussi, les premiers éléments d’évaluation ou d’appréciation d’une entité publique par l’État doivent être de mesurer soi-même le soutien qu’il lui a apporté tout au long de l’année, du mandat ou du plan stratégique pour lui permettre de remplir ses missions et d’atteindre ses objectifs. Les représentants de l’État et ses services spécialisés doivent en être améliorés conscientisés et imprégnés, puis évalués sur cette base irréductible.

 

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