Adamou Ndam Njoya: Encore à corps et à crocs vers Etoudi

Dans son ambition de briguer la magistrature suprême, le président de l’Union démocratique du Cameroun n’affiche aucun signe de lassitude. Pour une quatrième tentative, il a affûté ses armes. Portrait.

«Quand on choisit de jouer à fond une stratégie de respectabilité politique, on en vient parfois à se débarrasser du costume de célébrité médiatique. C’est l’une des stigmates d’une vie toute entière vouée au savoir et à la réflexion. Adamou Ndam Njoya, ce n’est pas n’importe qui», valide Koupit Adamou, l’un des artificiers de la communication de l’UDC (Union démocratique du Cameroun). C’est donc à dessein que le candidat de cette formation politique à la prochaine élection présidentielle au Cameroun raréfie sa silhouette dans la presse.

On le voit de moins en moins. Lors d’une conférence de presse du parti à Yaoundé ce 07 août 2018, quelqu’un a vite fait de le remarquer. Sous le prisme de l’absence d’Adamou Ndam Njoya à ce rendez-vous avec les journalistes, les uns et les autres ont déniché la preuve de son obsession du secret. «Seulement, ce n’est pas pour étaler une personnalité complexe et irrespectueuse, mais pour être différent des trublions politiques», assume son équipe de de communication. L’affaire manque certes de distanciation et de nuance, mais elle trahit une profondeur stratégique : «paraître tout neuf au bon moment et face à de vrais journalistes». A quelques jours du lancement officiel de la campagne électorale, on assure que la tactique est imparable. Bien plus, elle n’est pas prête d’échouer car, «c’est tout un style : communication trop calibrée et mais pas impersonnelle».

Infatigable

Ça, c’est pour la forme. Déroulé en off, le fond s’applique à montrer autre chose: «Adamou Ndam Njoya a du cran», décrit Mahama Njimoun. Vantant sa bonne connaissance de la personnalité du maire de Foumban (Ouest-Cameroun), ce militant de l’UDC exhibe l’atout majeur de son candidat : un parcours académique et politique capable, à lui seul, de fournir les clés de sa témérité. Avec ça, clame-t-on, cet ancien de l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer et de l’Institut international d’administration publique (IIAP) de Paris a fabriqué, avec solennité, son image de citoyen capable de battre Paul Biya par le vote. A chaque fois, il se pose comme le président de la «justice», du «redressement» et du «rassemblement». Il se situe alors sur trois plans, moral, politique et psychologique : moral, en prônant une justice qui serait au «cœur de toutes les décisions publiques» ; politique, en se voulant volontariste dans l’action économique ; psychologique en voulant «être aussi le président du rassemblement».

Dans cet élan, des mauvaises langues crient à une obsession du pouvoir. Le fils de Njoya Arouna s’en défend et se définit comme le personnage symbole du nouveau positionnement politique des intellectuels camerounais. Ce d’autant plus que le contexte est perçu par de nombreux analystes comme une révolution à laquelle il est de leur devoir de participer. En ce sens, Adamou Ndam Njoya s’inscrit dans la lignée de ceux qui ambitionnent de refonder les pratiques de la démocratie au Cameroun. En 1992, tout comme en 2004 et 2011, il est dans le coup, porté par l’ambition d’en finir avec le sentiment d’absurde qui hante les esprits. A ces différents scrutins, il récolte juste quelques maigres votes de ses compatriotes. Il fait partie des grands absents du rendez-vous de 1997. En 2004, il aurait pu être le candidat unique de la Coalition, n’eût été le revirement de l’un de ses compagnons Ni John Fru Ndi qui aura claqué la porte.

Querelle bamoun

«Comment Ndam peut-il prétendre gouverner un pays quand son électorat reste cantonné à un seul département ?» En février 2016, Mathias-Eric Owona Nguini bondit sur la question pour comprendre les échecs. Le sociopolitiste révèle: «Tout commence en 1991. Adamou Ndam Njoya crée l’UDC avec la bénédiction du roi Seidou Njimoluh. À la mort du monarque, son fils, Ibrahim Mbombo Njoya, qui est membre du bureau politique du RDPC et très proche du président Biya, lui succède. Il estime que la mairie doit également lui revenir, mais il est battu aux élections de 1996».

Mathias-Eric Owona Nguini raconte qu’interrogé sur le sujet, le 19ème roi bamoun ironise sur la mégalomanie de son cousin. Seidou Njimoluh cite, par exemple, le piège tendu à Ndam Njoya par Ahmadou Ahidjo via Jeune Afrique. Pour débusquer les ambitieux, le premier président camerounais avait laissé filtrer une fausse liste de «Premier-ministrables» sur laquelle figurait, entre autres, le nom de Ndam Njoya. Alors que tous les autres pressentis s’étaient empressés d’écrire à Ahidjo pour assurer qu’ils n’étaient en rien responsables de la théorie de Jeune Afrique, le président de l’UDC avait été le seul à s’abstenir, se répandant largement dans la presse, et notamment dans le quotidien français Le Monde. Un péché d’orgueil qu’Ahidjo, par ailleurs très content de sa farce, ne lui avait pas pardonné.

Mbombo Njoya se rappelle aussi que, ministre dans le gouvernement dirigé par le Premier ministre Paul Biya, Ndam Njoya n’avait aucune considération pour ce dernier et n’en référait qu’à Ahidjo. Il revient aussi sur cette année 1992 et «l’insolent refus» de Ndam Njoya de faire alliance avec le gouvernement pour lui permettre d’avoir la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Balivernes, rétorque l’entourage d’Adamou Ndam Njoya. Lui se décrit comme un universitaire et rêve de faire de Foumban la capitale culturelle du Cameroun. Il revendique quelques succès tout en déplorant que son action soit constamment entravée par de basses intrigues. Les traditions, insiste-t-on, il n’a rien contre, et c’est l’arrivée de Mbombo Njoya qui l’a éloigné du Palais. D’ailleurs, ceux qui prétendent le connaître allèguent que l’époux de la députée Hermine Patrica Toïmano Ndam Njoya porte au front son orgueil. «Ce fils de l’un des artisans de la réunification tient de ce dernier son éthique du travail et la crainte permanente.

C’est aussi de lui qu’il hérite ses convictions républicaines. Pour le meilleur et pour le pire, il démontre les traits de caractère qui fondent sa réputation : une volonté inflexible, allant jusqu’à l’intransigeance, une maîtrise de soi rarement prise en défaut, la certitude, surtout, d’avoir raison contre vents et marées. Autant de « vertus » forgées dans l’ambiance familiale d’une jeunesse austère. Arouna a inculqué à sa progéniture ses préceptes moraux, auxquels il reste fidèle toute sa vie : l’intégrité, la loyauté, la persévérance, la valeur du mérite, l’importance de la responsabilité individuelle, l’habitude de compter avant tout sur soi-même, l’horreur du laisser-aller, l’esprit de parcimonie, le refus de toute extravagance», détaille Koupit Adamou.

ahama Njimoun appuie : «sa formidable ténacité et sa dévotion à la chose publique font que Dieu soit à ses côté». Le propos est aiguillonné par mille anecdotes sous le coude, portant notamment sur les relations entre le cardinal Christian Tumi et Adamou Ndam Njoya ainsi que sur les épreuves auxquelles ce dernier a survécu dans ses quatre décennies de vie publique. «Il a les cicatrices pour le prouver : séjour en prison, attaques à l’arme à feu…», ponctue l’homme politique.

Potions politiques

Si d’aucuns disent qu’il lui manque la dose de démagogie nécessaire à tout homme politique, l’ex-ministre a quelques idées simples, claires et réalisables. Selon l’état-major de l’UDC, ce sont des convictions qui expriment les attentes d’une bonne partie de l’électorat populaire camerounais. Il s’agit de la mise en place d’un gouvernement qui crée des richesses et les conditions permanentes garantissant les relations de coopération tant sur le plan bilatéral que multilatéral, résolument tourné vers l’intérêt du peuple. Cela passe, pense-t-on à l’UDC, par un dialogue inclusif. Celui-ci étant perçu comme la potion la plus «démocratique» capable de légitimer un projet de loi visant à modifier la Constitution, pour «mettre en marche des lois républicaines».

Le candidat et l’intégration : les organisations régionales trouvent avocat

En route vers Etoudi, l’électorat camerounais a un spécialiste des relations internationales sous la main. Son magistère sur l’intégration est contenu dans l’ouvrage «Le Cameroun dans les relations internationales», publié à Paris (France) en 1973. Dans cet essai, Adamou Ndam Njoya analyse à partir d’une approche juridique, la situation et le rôle du Cameroun dans les relations internationales. Il montre que même si le Cameroun a été à un moment donné de son histoire, notamment avant son accession à la souveraineté internationale, sujet partiel, puis objet du droit international, depuis le 1er janvier 1960 date de son indépendance, il est devenu sujet du droit international. Fort de cette personnalité nouvellement acquise, le pays peut désormais défendre ses intérêts dans les relations internationales, en participant à la vie de la communauté internationale.
Selon lui, si les organisations régionales confèrent des gains à tout Etat qui y adhère, cela signifie qu’elles jouent un rôle indéniable : elles constituent pour les Etats, un foyer permanent de dialogue. C’est en fait le lieu par excellence de la mise en forme des procédés de la diplomatie multilatérale allant de l’offre des bons offices, des candidatures à la médiation, de la mise en place des commissions à la négociation. Par ailleurs, les organisations internationales confèrent aux Etats la légitimité dont ils ont en permanence besoin pour mener leurs activités.

Jean René Meva’a Amougou

Bio-Express

• Adamou Ndam Njoya, né le 08 mai 1942
• Docteur d’Etat en droit public et en sciences politiques,
• Ancien professeur et directeur fondateur de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)
• Ancien ministre des Affaires étrangères, de l’Education nationale, ministre chargé de l’Inspection générale de l’Etat et de la Réforme administrative.
• Membre du groupe des 18 experts intergouvernementaux de haut niveau chargé de la Réforme des Nations unies
• Coprésident et modérateur de la Conférence mondiale des religions pour la Paix
• Fondateur et président de l’Institut des études islamiques et religieuses (IRSI) et de l’École africaine d’Éthique (EAE) ;
• Maire de Foumban
• Fondateur et directeur de publication des revues culturelles: A1 Houda, Communauté, Le Terroir et promoteur de la radio communautaire (poua kone)
• Titulaire de plusieurs décorations et titres honorifiques nationaux et étrangers.
• Auteur de plusieurs ouvrages et essais culturels et scientifiques.

 

 

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