Les terres y afférentes sont au centre d’un litige foncier vieux de quarante ans entre le ministère de la Défense et la communauté Emveng. Malgré les nombreux actes administratifs pris pour sa résolution, le problème persiste.
La communauté Emveng, autochtone de Yaoundé, ne trouve point de paix. Elle soupire encore après la parcelle de 18 hectares de terre détenue par le ministère camerounais de la Défense (Mindef). La raison est qu’elle s’en réclame propriétaire et déplore de ne pouvoir exploiter cette parcelle à son profit. Elle à qui le bien a été rétrocédé sur décision du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, en témoigne la paperasse officielle mise en application à la disposition des médias pour valoir et servir de preuve. Celle-ci est censée attester d’une supercherie ayant abouti à une augmentation de la superficie accordée audit ministère en 1972 par le gouvernement. Soit 77 hectares et 70 ares devenus par le biais de quelques procédés obscurs 112 hectares, 78 ares et 46 centiares.
À l’origine du problème
Tout commence en 1941. Le gouverneur français Pierre Cournarie prélève une surface de 83 hectares et 90 ares des terres patrimoniales des Emveng. Il la reverse au domaine privé de l’Etat. Six hectares sont attribués à l’ambassade de France et le reste mis à la disposition du ministère de la Défense. Une réquisition d’immatriculation y afférente est publiée le 18 novembre 1959. Seulement, dévoilant leur secret, les livres fonciers du département de la Mefou, présentés que le bornage sur le site couvre au final 112 hectares 78 ares et 46 centiares.
Il s’ensuit depuis lors d’une bataille autour de l’excédent de superficie occupé par l’autorité militaire. Celle-ci s’est livrée dans les administrations compétentes plusieurs années durant avant de se délocaliser sur le champ médiatique. « La communauté Emveng, qui a tout perdu au fil des générations dans le Mfoundi, tient à faire respecter ses droits. En effet, lorsqu’une administration a besoin de ressources foncières, la réglementation du Cameroun a prévu des procédures qui permettent d’éviter ces malheureux incidents préjudiciables à l’image de notre pays», annonce un communiqué de la communauté Ewondo du 22 avril 2023 .
La déclaration péremptoire de ces autochtones s’appuie sur une initiative préfectorale ayant conduit à la vérification (2017) puis à la restitution des limites du domaine mis à la disposition de l’autorité militaire en 2019. « La commission Ad Hoc d’enquêtes foncières chargée de vérifier les fondements des revendications des Emveng sera créée le 30 novembre 2015. Le préfet demandera à Monsieur le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense d’envoyer des représentants au sein de ladite commission. Ce dernier désigne deux officiers en service à la direction des domaines militaires. Cette commission rend sa copie sous forme de procès-verbal le 19 octobre 2017», relatent les dignitaires Emveng. Et de préciser : « Document dans lequel les revendications des Emveng seront reconnues fondées ».
La parcelle querellée est située sur le plateau de Ngoa-Ekelle, dans la commune de Yaoundé 3. Elle est limitée au nord par le Quartier général et les résidences de l’Assemblée nationale, à l’est par l’Ambassade de France, au sud par le ruisseau Eboal Koe et à l’ouest par la nouvelle route Mvolye-quartier général.
La commission procède dans un premier temps par une exploitation documentaire et des concertations avec toutes les parties concernées. Et enfin de mieux élucider le problème, elle a poursuivi ses activités par une descente de terrain. Il en résulte qu’une superficie de 35 hectares a été englobée de manière irrégulière dans le titre foncier établi au profit du ministère de la Défense. Sur les 35 hectares, 17 hectares sont entièrement occupés par les installations militaires et 18 ha sont libres de toute occupation», mentionne le procès-verbal dont Intégration a reçu copie. La commission préfectorale de conclure, « Que la superficie de 18 hectares, libre de toute occupation, soit rétrocédée à la succession Etoa Ndemba Jean représentée par Monsieur Ndemba Pie en vue de finaliser la procédure d’immatriculation directe engagée en 1977. Et qu’une indemnisation soit attribuée à la succession sur la base des 17 hectares entièrement occupés par le ministère de la Défense», avait alors conclu la commission Ad Hoc. A sa suite, le ministère du Cadastre procède immédiatement à la rectification du titre foncier de l’autorité militaire et inverse au domaine national les 18 hectares restants. C’est ce qu’atteste l’arrêté du 22 août 2019 consulté par Intégration.
Une revendication aux relents historiques
La communauté Emveng a cédé de son patrimoine foncier tout au long de l’évolution de la capitale camerounaise. Notamment à l’Eglise qui y est constituée, entre autres une Basilique. «Le village des Emveng c’est Mvolyé. À l’origine, Mvolyé s’étendait de l’actuelle Dakar en allant vers le Centre-ville, jusqu’à l’Hôtel Hilton. Nous sommes partis ensuite du Messe des officiers jusqu’à Melen», déclarait le 26 mai dernier, sur le plateau d’Info TV, sa majesté Ndemba Pie, représentant de la succession Emveng. Sa communauté se dit aujourd’hui lésée. « Il y a là-dedans l’Enam aucun Emveng n’accède. Il ya l’Emia, aucun Emveng n’accède. Il y a l’Ecole normale, aucun Emveng n’accède. Personne n’est nommée, personne n’a rien.
Sécurité oblige
Le problème n’est toujours pas clos. C’est que le ministère de la Défense ne délaisse pas son acquisition. Il s’en réclame d’une part propriétaire et de l’autre brandi des raisons sécuritaires pour se justifier. « Ces terres sont comprises dans le périmètre de sécurité de la poudrière du Quartier général de Yaoundé. Zone ultra-sensible et hautement protégée en raison d’importants et évidents impératifs de défense», souligne la grande muette dans un communiqué signé le 20 avril 2023 par le capitaine de vaisseau Cyrille Serge Atonfack Nguemo, chef de division de la communication du Mindef. Le site, poursuit l’officier, ne peut servir à abriter des installations et activités civiles. Il bat par ailleurs en brèche les objections des Emveng fondées sur la possession de neuf titres fonciers établis à leur faveur.
La Commission Ad Hoc rendue par le préfet du Mfoundi Jean Claude Tsila avait examiné la question. Ses propositions ont alors été de créer une servitude de 8 mètres entre l’infirmerie du Quartier général et le site querellé. Elle recommandait par ailleurs l’érection d’un mur de séparation pour permettre l’installation des autochtones. La réaction des Emveng à la sortie du Mindef ne s’est pas non plus fait attendre. « Le périmètre de sécurité du quartier général a été doublement clôturé depuis 30 ans. Il est curieux d’entendre que ce périmètre se situe désormais en dehors de l’espace des deux clôtures», soulignent ses dignitaires. Mais encore : « Le motif sécuritaire évoqué semble n’être valable et pertinent que sur les parcelles couvertes par les titres fonciers appartenant aux autochtones. Par contre, aucun risque sécuritaire n’est à l’ordre du jour ni pour le Tribunal militaire de construction très récent, ni pour l’amabassade de France, ni pour la résidence de Monsieur le président de l’Assemblée nationale, ni pour l’Église catholique , ni pour l’école primaire publique du camp Genet, ni pour l’école Fustel de Coulanges, ni pour l’Unicasty; sans oublier les membres des familles de civils et militaires qui s’installent spontanément, confortablement et impunément. Ceci dure curieusement depuis l’année 2015», s’insurge la communauté. Elle note par ailleurs que des maisons persistent d’être construites dans les environs. ni pour l’école primaire publique du camp Genet, ni pour l’école Fustel de Coulanges, ni pour l’Unicasty; sans oublier les membres des familles de civils et militaires qui s’installent spontanément, confortablement et impunément. Ceci dure curieusement depuis l’année 2015», s’insurge la communauté. Elle note par ailleurs que des maisons persistent d’être construites dans les environs. ni pour l’école primaire publique du camp Genet, ni pour l’école Fustel de Coulanges, ni pour l’Unicasty; sans oublier les membres des familles de civils et militaires qui s’installent spontanément, confortablement et impunément. Ceci dure curieusement depuis l’année 2015», s’insurge la communauté. Elle note par ailleurs que des maisons persistent d’être construites dans les environs.
Le ton se durcit
Le ministère de la Défense met en garde contre toute intrusion des autochtones sur les 18 hectares querellés. Il se réserve le droit de recourir à « l’usage légal et approprié de tous les moyens pour éviter toute nouvelle provocation ». Du côté des autochtones, las de dénoncer des abus, l’on s’en réfère à la plus haute hiérarchie du pays pour une résolution définitive de ce litige. Tous ses efforts pour mener quelques activités sur ledit terrain trouvent échec suite à l’intervention quasi systématique des éléments des corps constitués, décrient les dignitaires de cette communauté. Ils se disent déterminés à rentrer en possession de leur bien, seul vestige de leur village.
Louise Nsana