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Ngoumou : Les Mvog-Fouda en quête de réconciliation

Dans le chef-lieu du département de la Mefou-et-Akono, le 16 février dernier, ils ont dressé l’inventaire des entraves à leur unité et esquissé des solutions. 

 

Parade traditionnelle des Mvog Fouda et intronisation du patriarche Pascal Baylon Owona

« Le Mvog-Fouda vit. Depuis toujours, il a conservé en lui le thème de la fraternité !» Derrière le masque de la suffisance, quelques joueurs de tam-tams traitent, avec humour, de la question des retrouvailles avec les parents venus des confins du Mbam-et-Kim, du Nyong-et-So’o, de la Lékié et de l’Océan. À l’esplanade du Palais municipal des Congrès de Ngoumou, ce 16 février 2019, la 14e édition de la fête des Mvog-Fouda achève d’afficher, en grand format, la vision symbolique d’un peuple unifié, dépassant la diversité de ses composantes (Mvog-Atemengue, Mvog Essom’Ndana…), recomposé et identifié par-delà la géographie et l’histoire. La battue a fait ses arabesques, les retrouvailles familiales leurs effusions. Ce jour, ils sont venus d’horizons divers, «pour se doter d’un indispensable supplément d’âme», selon la formule de Robert Owono. Concrètement, le patriarche éclaire sur le in de l’évènement.

Alors, celui-ci dévoile davantage une grammaire scénographique séculaire : l’Essani. Au cours d’un grand spectacle participatif qui revêt les apparences d’une commémoration d’un célèbre fait d’armes, fils et filles Mvog-Fouda dansent. Ils dansent. Ils dansent encore. La séquence tourne surtout à la célébration d’un consensus clanique, et représente unanimement l’image édifiante de la cohésion du groupe. Personne ne s’ennuie. Bonaventure Atangana, le maire de Mbankomo, explique que «le langage de la cérémonie de ce jour décrit un peuple revendiquant son patrimoine et ses valeurs». «Il affiche une image exclusive d’historicité et d’intégration. C’est là le sens et l’intérêt majeur de cette cérémonie : être un lieu où s’exhibent, dans leur pluralité et leur ritualité, les attitudes “spectatorielles” dont les Mvog-Fouda conservent un souvenir passionné et passionnel», renchérit Pascal Baylon Owona, un autre grand patriarche.

Exposés
Pour le comité de suivi, présidé par Ambroise Merci Seme, cela se décline par le choix des thèmes d’exposés. Tour à tour, Raymond Mbede, Vincent de Paul Ndougsa, le Père Gaspard Mboudou et Thomas Essono ont proposé une multiplicité de regards émanant des sciences sociales (sociologie, anthropologie et sémiologie). Ils insistent sur la réconciliation, la formation des réseaux de coopération, le réarmement moral de la jeunesse, la différence entre espaces publics et privés, la confusion croissante entre le bien et le mal, la sacralité du couple ou encore le risque de destruction de l’ordre social par des ventes de terrains à la pelle. Dans leur ensemble, les enseignements émis par les uns et les autres privilégient une analyse géographique certes, mais délibérément orientée vers une lecture sociale de ces faits. « Nous parlons de ce qui peut aider le Mvog-Fouda à garder sa dignité », renseigne Pascal Baylon Owona.

Très écouté, le message du Père Gaspard Mboudou. Dans son argumentaire, le prélat pointe très justement un ordre mystérieux qui contribuerait à assigner, à ceux qui participent, une place à cet évènement. «Être Mvog-Fouda c’est être à sa place, ce qui signifie reconnaître la place de l’autre, quitte à faire alliance avec celui-ci pour améliorer sa situation propre», exhorte le dignitaire catholique, neveu des Mvog-Fouda. Cette position l’autorise même à faire un parallèle avec les logiques qui tentent de faire tenir ensemble la proximité de l’insouciance envers autrui et la prospérité individuelle. «Je suis votre fils, raison pour laquelle je vous dis qu’il n’y a aucun bonheur à manger tout seul !», martèle-t-il dans un grondement soudain de tam-tams.

Jean-René Meva’a Amougou

Réactions

Patriarche Pascal Baylon Owona 

Déclencher les processus permettant notre évolution progressive

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Entre des personnes humaines, il y a des moments de rupture. Et puis suivent des moments de réconciliation. Comment, dès lors, parvenir à élucider les malentendus qui entravent la communication et bloquent toute possibilité de réconciliation ? Divers angles d’approche peuvent être adoptés à l’égard de ces pistes de recherche, encore largement en jachère. Pour nous les patriarches, nous pensons qu’il convient de se référer au concept de négociation dans son sens le plus traditionnel, et dans un sens relativement métaphorique. Dans son sens le plus traditionnel, le concept de négociation renvoie ici à des processus presque immanquablement distributifs. Car le niveau de méfiance entre protagonistes est maximal. Les émotions dites négatives sont extrêmes. Nous avons pensé qu’une combinaison de ces approches peut déclencher les processus permettant l’évolution progressive des Mvog-Fouda.

 

Dr Ambroise Merci Seme, président du Comité de suivi

Nous devons être prêts à tout moment

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Permettez-moi tout d’abord de remercier les médias dans leur diversité, pour le travail qu’ils font en faveur de la promotion de la culture au Cameroun. Pourquoi la réconciliation ? Il faut dire que depuis plus de 14 ans, les Mvog-Fouda se réunissent tous les ans, avec un thème particulier. Cette fois-ci, nous avons regardé autour de nous au Cameroun et ailleurs. Il y a des problèmes partout. Nous pensons donc que les Mvog-Fouda, à leur niveau, doivent d’abord faire le point. Il s’agit de savoir s’il y a des problèmes en interne, et chercher les voies et moyens pour les résoudre. En même temps, il faut les doter d’outils nécessaires à la résolution de leurs problèmes éventuels. Le Mvog-Fouda doit être prêt à tout moment. Vous avez remarqué que les questions et critiques venues du public Mvog-Fouda portent la marque de leurs enthousiasmes, qui sont aussi les nôtres. Aussi n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que, au sein de notre communauté, la réconciliation se traduise par une écoute singulière de la part des patriarches.

Propos recueillis par

Jean René Meva’a Amougou 

 

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