Yaoundé : relative mobilisation dans un quartier «chaud»

Pour l’élection présidentielle de cette année au Cameroun, les habitants de ces « territoires » de la capitale apparaissent fortement politisés. Arrêt à Etam-Bafia.

«Les résultats, c’est quand ?». En posant cette question au reporter, Dominique Minfoumou s’enferme dans ses critères de temps électoral. «Pour moi, dit ce jeune désœuvré de 25 ans, il faut que ça sorte vite». Comme argumentation, c’est assez. Beaucoup ici refuseraient de répondre aux questions à visage découvert.  Ultime solution : il faut les écouter longtemps pour pénétrer le sens de leurs approches de la présidentielle de ce jour au Cameroun.

Des frondeurs, il y en a. Ils se comparent à des couteaux sans lame. Leurs mots sont durs, eu égard aux projets de société jugés corrosifs ici. «On nous a trop promis, il faut changer», abrège Haman,  assimilant sa participation à un coup de boutoir. La tonalité véhémente du propos  thématise la posture des habitants d’Etam Bafia, quartier mal famé du 4è arrondissement de Yaoundé. «Nos motos sont nos papas et nos mamans ; c’est tout. Politique, non ! Le vote simplement», balance un homme.

Engouement

En ce jour où, justement, le vote est le thème majeur de discussions au Cameroun, le sens de cette assertion ne diffère pas. Il s’affirme plutôt, dans un engouement qui pousse les uns et les autres à aller accomplir leur devoir civique. Vers les 12 bureaux de vote disséminés ici, ils convergent. «Pour choisir le président qui comprendra leur misère», clame Dieudonné Manga, un jeune conducteur de moto taxi.

Sauf que, pendant la campagne électorale, il dit avoir choisi, avec enthousiasme, le moindre mal : «à boire et à manger, en plus de l’argent provenant des partis politiques». Si le festin a été appétissant, beaucoup parmi ses congénères se rabougrissent dans leur volonté de «changer».

Selon eux, jamais les travailleurs d’Etam Bafia ni leur quotidien n’ont été évoqués pendant la campagne électorale. Le chômage, lui, a eu droit d’être abordé, mais pas les chômeurs ! Encore que… Emporté par son élan, un dignitaire politique est presque allé jusqu’à leur expliquer que, lui aussi, avait connu la triste mais banale précarité. «Il est venu se moquer de nous», tranche Essomba Mebe.

Côté chiffres, Armand Bengono, président du bureau de vote au lieu-dit «Elégant bar», parle d’une forte mobilisation dès 8 heures ce matin. «Environ 30 %, en attendant le décompte final à la fermeture du scrutin», brandit-il. Il valide d’ailleurs que la présidentielle de cette année à Etam Bafia casse tous les codes. « On dit souvent que les quartiers sensibles brillent par leur taux d’abstention élevé aux différentes élections ; cette fois, c’est l’inverse. Le noyau dur des abstentionnistes semble avoir disparu », se réjouit-il.  Il le dit d’ailleurs en connaissance de cause : «précarité, échec scolaire, chômage qui atteint 18% et touche un tiers des moins de 25 ans… Les maux sont multiples à Etam Bafia et les habitants, les jeunes surtout,  ont le sentiment d’être maintenus en dehors du système. C’est pour cela qu’ils ont  convoqué leur enthousiasme à venir voter».

Jean-René Meva’a Amougou

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