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Joshua Osih : trop proche d’Etoudi pour réussir…

Porté à bout de bras par Ni John Fru Ndi, leader du Social Democratic Front, l’homme d’affaires rêve de réussir où son mentor bute depuis plus de 25 ans. Mais sa proximité supposée avec les arcanes du pouvoir est un véritable boulet.

Il veut faire d’un coup d’essai un coup de maître. Joshua Osih, candidat élu du Social Democratic Front (SDF) au scrutin présidentiel du 7 octobre prochain caresse le rêve de récompenser 26 ans de lutte du «parti de la balance». Après une vingtaine d’années à jouer les seconds rôles derrière le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir, le SDF est aujourd’hui affaibli. Il ne compte que 18 députés à l’Assemblée nationale, 07 sénateurs à la chambre haute du Parlement, 826 conseillers municipaux ; pour un total de 851 représentants au niveau local. Soit un taux de représentation de 10 % selon les experts.

En choisissant, en février 2018, un jeune loup en lieu et place du vieux renard Ni John FruNdi, pour la course à la magistrature suprême, le SDF ne rêve pas seulement d’un rajeunissement par l’image, mais également d’une renaissance sur l’échiquier politique.

Le «Suisse»

Agé de 50 ans (il est né le 9 décembre 1968), Joshua Osih est jeune, au sens des réalités sociales du Cameroun. Il représente donc pour beaucoup ce désir de renouvellement de la classe politique. Ambitieux, il l’est également. Né à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, Joshua Nambangi Osih se présente lui-même comme « le fils d’un révérend pasteur de Madie Ngolo dans le département du Ndian, et d’une mère d’origine suisse ». Ce double héritage, Joshua le revendique : « [cela] m’a appris très tôt à accepter la différence, être tolérant et m’a ouvert les yeux sur les réalités internationales », déclare-t-il.

Pourtant, l’homme a longtemps été taclé sur ce double héritage. S’appuyant sur la législation camerounaise (qui ne reconnait pas la double nationalité), certains ont même parié que Joshua Osih sera disqualifié de la course à la présidence de la République. « Je vis au Cameroun. Ma nationalité est camerounaise. Mon passeport est camerounais. J’ai deux passeports dont l’un est de service. Je paie mes impôts au Cameroun et je suis député de la nation », se défend-il encore sur un plateau de télévision ce mardi 21 août. « Je n’ai pas de passeport suisse », tranche-t-il finalement.

Le candidat à la présidentielle défend sa « camerounité » bec et ongle, lui qui se voit déjà vainqueur au soir du 7 octobre 2018. Là où ses concurrents parlent avec prudence, Joshua Osih ne se fait aucune illusion sur l’issue du scrutin et utilise presque comme une allitération le « dès le 08 octobre je ferai… ». Au sein du SDF, on reconnait volontiers que le premier vice-président est un homme ambitieux.

Ascension

Il s’engage dans cette formation politique dès sa création en 1991. Il apparait dès lors comme l’un des premiers soutiens de celui qui devient plus tard l’opposant historique. Malgré la défaite, toujours non reconnue par le SDF, à la présidentielle de 1992, Joshua Osih reste militant. Dans son Ndian natal, il œuvre à implanter le parti avec un certain succès. Le RDPC recule dans un de ses bastions. Ce qui lui vaudra une récompense de la hiérarchie du parti.

Après un mandat bref comme conseiller municipal à la commune rurale de Toko, non loin de Kumba, Joshua trouve le Sud-ouest trop étroit pour ses ambitions. Il décide de faire de Douala, la grande métropole économique où il a ses entreprises, sa base politique. «Au sein du parti, je suis passé de militant et assistant administratif après avoir rejoint le parti en 1991 à délégué régional dans ce qui s’appelait encore la province du Sud-ouest, pour être élu au poste de 2ème vice-président national à la convention de 2006 et 1er vice-président national lors des conventions de 2012 et 2018. En 2013, les populations du Wouri-centre (arrondissements de Douala 1er et Douala 6e) m’ont élu comme leur représentant à l’Assemblée nationale du Cameroun», affiche-t-il dans sa biographie officielle.

Fils politique

Dans le parti, il se murmure, à souhait et à loisir, que la fortune de Joshua n’est pas étrangère à cette ascension. Néanmoins, on lui reconnait également une grande intelligence, un amour pour le travail, mais davantage de bénéficier d’une attention particulière de la part du président national Ni John FruNdi. « Joshua est le fils politique du chairman. Le président a de nombreux enfants qu’il a formés; mais vous savez, tous les parents ont des préférences parmi leurs enfants », commente un militant du SDF. Cette préférence pour son jeune cadre se manifeste, une fois de plus, après le scrutin législatif de septembre 2013. Joshua Osih, à sa première expérience comme député, est choisi par le chairman pour occuper le poste de vice-président de la Commission des finances et du budget à l’Assemblée nationale. Et ceci au détriment de Simon Fobi Nchinda, cador du parti, jusque-là titulaire du poste.

En février, ces deux hommes s’affrontent pour l’investiture du candidat du SDF à la présidentielle. Au cours de cette primaire, le chairman est officiellement neutre, mais l’un de ses fils est le directeur de campagne de Joshua. Pour de nombreux observateurs, le député est devenu «un candidat sous tutelle».

Avant d’arriver à être le deuxième candidat du SDF à une élection présidentielle, l’ancien élève du lycée bilingue de Yaoundé, au quartier Essos, dit avoir été obligé de quitter le Cameroun à cause de ses «fortes opinions politiques au lendemain de l’élection présidentielle de 1992». Mais l’homme revient quelques années plus tard, plus déterminé que jamais.

Et comme quasiment tous les candidats à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, qui battent campagne sur le thème de la rupture, Joshua Osih vante son «courage politique à s’attaquer au symbole». « Il ne faut pas avoir peur de toucher aux symboles», clame-t-il. Au rang de ces symboles, l’entrepreneur veut « dès le 8 octobre » dissoudre la prestigieuse Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), réformer le franc CFA afin d’«établir la souveraineté monétaire» du Cameroun, ou déplacer la capitale régionale du Centre.

Boulets

Mais, problème : Joshua Osih est au goût de certains un peu trop audacieux. Nombre de ses compatriotes sont en effet sceptiques sur le réalisme du programme politique avec lequel il conduit le SDF à cette présidentielle. Le candidat du SDF a, par ailleurs, du mal à convaincre une partie de l’opinion de la sincérité de sa démarche. Elle qui pointe sa trop grande proximité avec les réseaux d’Etoudi. La société de maintenance aéronautique qu’il a montée à Douala après avoir été agent des opérations à la Lufthansa (compagnie aérienne allemande) est, par exemple, soupçonnée d’offrir ses services au président de la République sortant et candidat à sa propre succession. Sur un plateau de la télévision Equinoxe, Joshua avoue à demi-mot: oui, il gère une société qui fait dans la maintenance des aéronefs. Mais, ajoute-t-il, quand des avions viennent, il ne s’occupe pas de leur provenance. Il s’est trouvé, reconnait le chef d’entreprise, que certains avions dont il a eu en charge la maintenance ont servi aux déplacements du chef de l’Etat.

Toutefois, ce passionné d’aviation, dit ne jamais avoir bénéficié de la commande publique. Il rejette aussi une quelconque proximité avec la famille présidentielle. Mais, en même temps, revendique des liens étroits avec les premiers enfants de Chantal Biya, épouse du chef de l’Etat.

Aboudi Ottou et Ifeli Amara (stagiaire)

 

Intégration régionale : se tourner vers l’Afrique de l’ouest

Comme la plupart des candidats à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, le programme du porte-fanion du SDF ne comporte pas un chapitre sur la politique étrangère en général ; et les questions d’intégration régionale ne sont évoquées qu’au détour d’une réponse sur d’autres problématiques. Aussi apprend-on que pour le SDF, «le Cameroun doit reprendre sa place de leader dans la sous-région».

«Avoir une intégration réelle, c’est-à-dire qu’il faut se donner les instruments nécessaires pour que cette intégration existe véritablement, surtout pour les Camerounais ; mais également pour les autres populations de l’Afrique centrale», développe Joshua Osih. Cependant, précise le candidat, «il ne faudrait pas que cela s’arrête à des sommets ». Aussi, avertit-il : «si je constate que ce sont les autres pays qui bloquent l’intégration, je n’hésiterai pas à aller vers d’autres arrangements».

Et de préciser sa vision : «je pense par exemple que les autres pays veulent être un frein pour le développement et la croissance du Cameroun ; il serait utile peut-être de commencer à explorer d’autres arrangements comme celui avec le Nigéria et la communauté ouest-africaine». Pour le député du Wouri centre, «cela ne doit pas être une fatalité que d’être dans un arrangement pour lequel nous ne voyons pas beaucoup de dividendes aujourd’hui».

Ifeli Amara (stagiaire)

Bio-Express

  • Noms: Joshua Nambangi Osih
  • Age: 50 ans
  • Expérience: Il commence sa carrière en 1988 à Douala à l’âge de 20 ans comme agent des opérations à Lufthansa German Airlines. En 1994, il fait escale chez Trans World Airlines Inc à Genève avant de rejoindre un an plus tard le géant Swissair/Swissport. En 1998, il crée l’entreprise Africain Travel management au Cameroun. En 2002, il crée Camport PLC, représentant exclusif de la multinationale Swissport.
  • Niveau académique: Titulaire d’un MBA (Master en Business Administration)
  • Situation matrimoniale: marié et père de trois enfants
  • Trait particulier: parle couramment français, anglais et allemand

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