Crise anglophone : La facture salée de la guerre

Le Fonds monétaire international estime à 79 milliards de francs CFA les dépenses réalisées en 2017 pour combattre les groupes armés dans le Nord-ouest et le Sud-ouest.

Le déploiement des militaires dans les régions anglophones a un coût élevé

La guerre contre les groupes armés d’inspiration séparatiste dans les régions anglophones fait saigner les caisses de l’Etat. Dans un rapport sur le Cameroun, rendu public le 30 août dernier, le Fonds monétaire international (FMI) estime les dépenses supplémentaires engagées dans le domaine de la sécurité du fait de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest à 0,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. Avec un PIB évalué l’année dernière à 19 806,3 milliards de francs CFA, ces dépenses se chiffrent à plus de 79 milliards de francs CFA. Soit un coût moyen mensuel de 6,6 milliards.

Pertes fiscales

Selon le FMI, les dépenses dues à la crise anglophone représenteront au moins 0,2 % du PIB en 2018. Soit plus de 41 milliards de francs CFA. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant que ce montant soit largement dépassé au regard de la montée des violences observée depuis le début de la rentrée scolaire. En plus, la crainte de voir la situation se dégrader davantage à l’approche de l’élection présidentielle. Les séparatistes ont en effet promis de tout mettre en œuvre pour perturber le scrutin. Il va donc falloir davantage de moyens pour essayer de limiter leurs actions. Afin notamment de revoir à la hausse les prévisions de dépenses de sécurité pour l’année budgétaire en cours, jugées peu réalistes par le FMI, Paul Biya a signé en juin dernier, une ordonnance portant révision du budget de l’Etat.

Tout en saignant les caisses de l’Etat, la crise sociopolitique prive aussi le trésor public d’importantes ressources. «Les recettes fiscales ont diminué de 8-9 % dans les deux régions [anglophones] en 2017 par rapport à 2016, en raison de la baisse de l’activité économique et des difficultés de recouvrement des impôts». Soit une perte sèche pour l’Etat de près de 2 milliards de francs CFA, en considérant les 18,3 milliards mobilisés en 2016 par les centres régionaux des impôts du Nord-ouest et du Sud-ouest.

Le conflit a également un impact sur l’activité économique. Même «si une quantification rigoureuse est difficile en raison du manque de données appropriées», «des évidences anecdotiques tendent à montrer que la crise anglophone a un impact négatif sur l’économie», estiment les experts du FMI. L’institution de Bretton Woods note par exemple que «les exportations réelles de café et de cacao, qui sont principalement cultivés dans les zones anglophones, ont baissé d’environ 10 % en 2017». «Le volume des exportations de café a encore chuté de 72 % au premier trimestre 2018 (en glissement annuel)», renchérit le rapport. A cela, il faut ajouter les pertes dues aux perturbations d’activités dans les agro-industrielles telles que la CDC, Pamol… et les destructions des biens, les retards dans la conduite des projets de développement et meurtres de personnes.

Aboudi Ottou

Bamenda

La ville coupée du pays

Les séparatistes interrompent le trafic sur la nationale n°6 dans la nuit du 8 au 9 septembre. En creusant une tranchée sur la chaussée et en détruisant de nombreuses voitures.

La chaussée dégradée et véhicules endommagés par les séparatistes

Un voyageur relate: «ils nous ont stoppés au environ de 21h 10mn à Akum, en indiquant qu’ils veulent travailler sur la route. Un parmi eux, tenant un fusil, nous a dit qu’ils sont des «Amba boys» [groupe armé séparatiste, Ndlr] et par la suite nous a demandé de descendre de la voiture. Ils ont menacé de nous abattre si nous alertions les forces de l’ordre». Les miliciens feront ensuite usage d’un excavateur pour former une tranchée sur le bitume de la façon à rendre la route impraticable. Par la suite, ils vont abîmer les cartes nationales d’identité des passagers en retirant la partie qui porte le drapeau national.

Au cours de cette attaque, la bande armée détruit également les bus de la compagnie de transport interurbain «Amour Mezam». Avant de fondre dans la nuit, les assaillants mettent le feu à l’excavateur.

Alertées tardivement, les forces de l’ordre arrivent sur lieux. Au petit matin du 09 septembre, les passagers sont escortés dans les agences de voyage respectives. Certains regagnent leur domicile. D’autres s’engagent à reprendre la route pour leur destination initiale (Douala, Yaoundé ou Buea).

 

Quelques jours plutôt, l’on apprend la libération du Fon de Oku après une dizaine de jours de captivité. Fon Sentieh II Martin Yosimbom Ngum, chef du village du Premier ministre Philemon Yang a pu regagner sa chefferie. La veille, le proviseur du lycée de Mankon, André Gabiassi, est kidnappé par des individus armés alors qu’il s’apprête à tenir une réunion avec son staff.
A la suite de ces évènements, le gouverneur de la région du Nord-ouest renforce le couvre-feu. Désormais, les mouvements des personnes et des biens sont réduits entre 18h et 6h. Exception faite pour les véhicules des autorités administratives et ceux des forces de défense et de sécurité. Le gouverneur Adolphe Lele Lafrique Tchoffo suspend également les voyages de nuit jusqu’à nouvel ordre.

Zéphirin Fotso Kamga

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