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Fusion des Communautés économiques régionales: Le dispositif de pilotage de la rationalisation

Afin de rentrer dans les clous de l’échéance 2023, le Copil a procédé à un réaménagement de son plan d’action et de son organigramme. 

L’implication personnelle des plus hautes autorités de l’Etat camerounais est un marqueur de la nouvelle dynamique

Le plan d’action réaménagé du comité de pilotage de la rationalisation des Communautés économiques régionales d’Afrique centrale (Copil/Cer-AC) s’étend sur la période 2018-2023. De fait, ces cinq années constituent la période charnière pour le travail technique et les décisions politiques à prendre à l’effet de converger vers la nouvelle Communauté économique régionale en Afrique centrale. Ce plan a procédé à une précision des actions et activités à exécuter.

Il s’articule en 11 domaines (commercial, libre circulation des biens et des personnes, financement de l’intégration, questions sécuritaires, transports, TIC, énergie, santé, environnement, sécurité alimentaire et règles budgétaires ou monétaires), 17 activités et 42 actions à mener. Cette planification permet aussi de fixer les échéances et d’engager les différentes parties prenantes. Parmi celles-ci, les partenaires financiers qui assurent le financement des activités des comités techniques du secrétariat technique du Copil. Le précédent plan d’action du Copil, adopté en 2013, avait retenu 12 domaines prioritaires de la rationalisation en Afrique centrale.

Dans le même sillage du réaménagement, le Copil a opérationnalisé un cadre de concertation et de coordination des Hauts responsables conforme à l’article 2 de la décision conjointe N°01/CEEAC/CEMAC du 31 mars 2015 portant création, organisation et fonctionnement du Copil/Cer-AC. Ledit cadre réunit le président du Copil/Cer-AC, le secrétaire général de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) et le président de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ladite concertation est semestrielle et s’attèle à évaluer les avancées du processus de rationalisation. La première concertation de haut niveau a eu lieu le 10 juillet dernier à Yaoundé. En effet, la première réunion tripartite de Yaoundé, qui a réuni les hauts responsables du cadre de concertation, a permis d’évaluer la mise en œuvre des résolutions de la quatrième réunion du Copil tenue à Yaoundé en novembre 2017.

Opérationnalisation

La récente réunion des Hauts responsables du cadre de concertation et de coordination s’inscrit dans l’élan d’accélération du processus de rationalisation. Une exhortation déjà exprimée lors des assises du Copil en novembre 2017. Ainsi, sept mois après le dernier Copil, les Hauts responsables évaluent déjà la mise en œuvre de ses résolutions. Ils recommandent que le rapport sur la rationalisation soit présenté lors des prochains sommets de la Ceeac et de la Cemac. Certes le processus a été lancé en 2010. Mais, le travail technique d’harmonisation n’a effectivement démarré qu’avec la mise sur pied d’un secrétariat technique (ST) en 2016. Cheville ouvrière opérationnelle du Comité de pilotage, le ST a engagé les chantiers d’unification des instruments communautaires.

Le Copil a tenu à ce jour quatre réunions. Respectivement en 2010, 2013, 2015 et novembre 2017. Or, c’est en janvier 2012 que les chefs d’Etat et de gouvernement de la Ceeac ont adopté la décision conjointe portant création, organisation et fonctionnement du Copil. Cette décision sera signée en mars 2015. Le secrétariat technique du Copil, quant à lui, sera créé et installé dans ses activités en avril 2016. En rappel, la rationalisation des Communautés économiques régionales africaines est l’une résolution des Conférences des ministres africains de l’intégration (Comai). Ces conférences se sont tenues successivement à Accra en 2005, à Lusaka et à Ouagadougou en 2006. En 2007, à Brazzaville, les Etats d’Afrique centrale se sont prononcés en faveur de la rationalisation de leurs Cers avec pour objectif d’aboutir à une seule Communauté économique régionale en 2023.

La treizième Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Ceeac, tenue en octobre 2007 à Brazzaville, invite les présidents en exercice de la Ceeac et de la Cemac à mettre en place un Comité de pilotage. Il lui sera confié l’élaboration d’une feuille de route définissant les actions d’harmonisation des politiques, des programmes et instruments d’intégration des deux Communautés. A la quatorzième Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Ceeac, tenue à Kinshasa en RDC le 24 octobre 2009, la présidence dédiée de la rationalisation est confiée au Président Paul Biya du Cameroun.

Zacharie Roger Mbarga

La dynamique de rationalisation des Communautés économiques régionales de l’Afrique centrale permet désormais d’entrevoir le squelette de la Communauté attendue en 2023. Lancé en 2009, le processus est matériellement mis en branle en 2016. Cette optimisation couplée à la production des premiers documents de procédures facilitent l’entrée en scène des partenaires techniques et financiers. L’adhésion désormais agissante des Etats d’Afrique centrale et la récente rénovation du processus permette une dynamisation politique et opérationnelle. Des mécanismes techniques harmonisés sont en adoption progressive. Des propositions d’optimisation sont en cours d’examen par les Hauts responsables de Cer à fusionner. Il s’agit de la technostructure communautaire nouvelle et des instruments d’intégration économique (Zone de libre-échange, Union douanière, marché commun, union économique).
Toutefois, des défis demeurent. Et le vrai combat est à venir. Du financement du processus en cours à l’entrée en activité de la nouvelle communauté, plusieurs paliers doivent être franchis. L’Afrique centrale a donné mandat au Cameroun de concevoir la nouvelle Communauté économique d’Afrique centrale. Le chef de l’Etat Paul Biya en assume la présidence dédiée depuis 2009. Naturellement, le Comité de pilotage (Copil) de la rationalisation des Communautés économiques en Afrique centrale est présidé par le ministre camerounais de l’économie et de l’aménagement du territoire (Minépat).

Financement du processus 

Le frémissement qui soulage le Cameroun

Jusqu’ici, Yaoundé supportait à 80% le financement du processus de rationalisation. Les différentes parties commencent à peine à manifester une solidarité. La note reste toutefois salée.

Au terme de la réunion des Hauts responsables du cadre de concertation et de coordination du Copil, le communiqué final n’est pas élogieux sur le recouvrement de la dette du Comité de pilotage auprès des Etats et des Cers. Il ressort de ce conclave que les Cers ont signé des moratoires en vue de l’apurement de leurs arriérés de contribution. «Au regard des faibles résultats enregistrés, les Hauts responsables invitent le président du Copil/Cer-AC à poursuivre l’action de recouvrement auprès des Etats membres, et s’engagent à respecter les termes des échéanciers de paiement de contribution signés avec le Copil/Cer-AC», lit-on dans le communiqué final de la concertation des Hauts responsables.

Au niveau des Etats, la situation n’est pas différente. Seul l’Angola a manifesté une réaction concrète. Les Cers «conviennent de déployer tous les efforts en vue de mobiliser les ressources nécessaires auprès de leurs partenaires respectifs pour le financement des activités du plan d’action réaménagé du Copil», indique encore le document.

Le quatrième Copil de novembre 2017 s’était achevé sur une dette cumulée des Etats et des Cers chiffrée à 2 milliards 870 millions de francs CFA à la réalisation. Elle se présentait comme suit: 1 milliard 670 millions de dette de la Cemac et de la Ceeac ; 1 milliard 200 millions de la part des Etats. La note présentée par le secrétariat technique montrait qu’elle avait reçu exactement un accompagnement estimé à 1.251.000.000 (un milliard deux cent cinquante et un millions) de francs CFA soit 30,48% de couverture. On peut évoquer en plus un appui (non chiffré) en matériel informatique de la Ceeac au travers de son Programme d’appui au renforcement des capacités institutionnelles (Parci/ Ceeac).

De manière précise, en terme de contribution, l’Etat du Cameroun a fourni 821.000.000 (huit cent vingt et un millions) de francs CFA, soit 110.000.000 (cent dix millions) francs CFA de contributions financières, la mise en disponibilité gracieuse des locaux, le mobilier de bureau et le matériel informatique. La Ceeac a mis à disposition 190.000.000 (Cent quatre-vingt-dix millions) de francs CFA et la Cemac 240.000.000 (deux cent quarante millions). Cette situation financière est le premier plomb dans l’aile de la rationalisation.

Tentatives de solution

Afin d’encourager les Etats, un apurement des dettes avait été décidé par les ministres du Copil. Il avait été arrêté que les Etats allaient verser deux années de dette (soit 60 millions de francs CFA) et les Cers devaient s’acquitter de la totalité des sommes dues. Aujourd’hui, le taux de recouvrement est difficilement mesurable.

La Ceeac a, pour sa part, entamé un plaidoyer auprès de la Banque africaine de développement à travers le Parci. Lors d’une rencontre d’évaluation de ce programme le 25 juin dernier à Libreville, le secrétaire général de la Ceeac, Ahmad Allam-Mi, a affirmé que «les activités importantes comme le processus de rationalisation n’ont pu être réalisées qu’à 20%, alors qu’elles représentent 40% du projet». Cette situation pourrait expliquer l’insolvabilité de l’institution communautaire vis-à-vis du comité de pilotage de la rationalisation des Communautés économiques régionales d’Afrique centrale.

Zacharie Roger Mbarga

 

Bilan de la rationalisation des instruments de coopération

Les outils de la zone de libre-échange d’Afrique centrale sont en fin d’harmonisation. A côté, ceux de l’union douanière et l’union économique sont en train d’être peaufinés.

L’unification des instruments de coopération est un vaste chantier à accélérer

Le domaine commercial est le plus avancé dans le processus d’unification des instruments d’intégration. Les mécanismes d’éligibilité à l’agrément au tarif préférentiel généralisé de la Ceeac et de la Cemac ont déjà été harmonisés. Il s’agit des quatre instruments de la zone de libre-échange Ceeac- Cemac ci-après : le certificat d’origine Ceeac-Cemac, le dossier d’agrément au tarif préférentiel de la Ceeac et de la Cemac, le formulaire de vérification de l’origine des produits, et le schéma type d’agrément aux tarifs préférentiels Ceeac-Cemac.

Le chantier en cours est celui de la délivrance de l’agrément. Il est en train d’être rationalisé lui aussi. La solution transitoire est la co-signature par les deux tops managements des institutions communautaires. Jusqu’à présent, chaque Cer disposait de son expertise à elle. Les signatures du président de la Commission Cemac et du secrétaire général de la Ceeac achevaient le processus pour faire foi. Désormais, il y aura un comité régional d’agrément conjoint. Lequel soumettra à la co-signature des deux chefs d’institution les produits jugés conformes à l’obtention.

La Cemac doit, elle aussi, procéder à une modification importante. Il s’agit de la modification du règlement de l’Union économique de l’Afrique centrale (Ueac). Le président du Copil a d’ores et déjà transmis la proposition à ses pairs. L’Ueac est l’une des cinq institutions de la Cemac. Elle réunit les ministres en charge de l’économie de chaque pays. Elle est habilitée, jusqu’à présent, à valider les produits et proposer au président de la Commission d’accorder l’agrément aux industriels de la Communauté ayant requis la faculté de commercer à taux nul sur l’ensemble de l’étendue du territoire communautaire.

Autre chantier, le mécanisme de compensation unique à mettre sur pied. Il est en cours d’examen. La compensation des pertes douanières est destinée à atténuer les effets pervers du déséquilibre des échanges, en régulant le partage des coûts et profits du marché entre les différents partenaires régionaux. Le droit à la compensation porte sur le commerce des produits miniers et des produits industriels agréés aux différents Tarifs préférentiels généralisés. Il est exercé annuellement à concurrence de 50% des moins-values enregistrées sur le commerce de ces deux types de produits.

Au niveau de le Ceeac, le mécanisme est institué par le protocole VI de son traité constitutif. Il a été adopté par la décision du 27 janvier 2004 portant modalités de mise en place de ce Fonds permettant d’atténuer les effets du démantèlement tarifaire dans le cadre de la Zone de libre échange (ZLE). Il postule que les pertes de recettes douanières subies par les Etats – membres sont compensées à hauteur de 50% et sont reversées dans un fonds national de développement à créer par chaque Etat membre pour promouvoir la création de petites et moyennes entreprises afin d’aider au développement économique des Etats.

Perspectives

Parmi les autres dossiers techniques de la rationalisation, l’harmonisation du code douanier unique communautaire. Celui-ci permettra de passer à la deuxième approche du schéma d’intégration économique de Bela Balassa, à savoir l’union douanière. Là aussi, deux unions douanières se chevauchent. Le tarif extérieur commun unique devra intégrer les caractéristiques des balances commerciales des pays membres. Notamment les importations et les exportations. En 2011, les deux institutions (Cemac et Ceeac) et les États-membres se sont engagés dans un processus d’harmonisation de tarifs extérieurs de la région Afrique centrale sur la base du Tec/Cemac en vigueur.

Ceci en prenant en compte les évolutions déjà enregistrées ou en cours pour un tarif à trois catégories et trois taux du droit de douane (5%,10%,20%). Les deux premières catégories du projet de tarif sont connues. Primo : «Biens de première nécessité, biens d’équipements industriels, agricoles et halieutiques, et intrants agricoles et halieutiques». Cette catégorie devra inclure l’ensemble des équipements destinés aux activités industrielles, agricoles et de pêche. Secundo: « Matières premières et autres biens d’équipement».

D’autres chantiers cruciaux sont en attente. C’est le cas de l’harmonisation des politiques commerciales et de l’instrument monétaire. Sur ce dernier dossier, les ministres du Copil ont instruit la mise sur pied d’un groupe de travail comprenant les six banques centrales de la région (Beac et les 5 banques des pays non membres de la Cemac). Les premières conclusions sont attendues.

Zacharie Roger Mbarga

Architecture institutionnelle 

La maquette de la communauté unique en étude

La construction institutionnelle de la Cer nouvelle est un des enjeux sensibles de ce processus de rationalisation. Présenté aux Hauts responsables du Copil, son squelette semble rassurant.

 

Le rapprochement institutionnel des deux communautés se précise

Une esquisse de l’armature institutionnelle de la nouvelle Communauté, fruit de l’étude du cabinet Carletas, a été présentée aux Hauts responsables du cadre de concertation et de coordination du Copil à Yaoundé le 10 juillet 2018. Cette première mouture montre une Cer bâtie sur cinq institutions, à savoir : la Conférence des chefs d’Etat, le Conseil des ministres (de l’intégration), le Parlement, la Commission et l’organe judiciaire (subdivisé en cour judiciaire et en cour des comptes). Cette ossature offre à la Commission le statut d’organe exécutif. Composée de 11 commissaires, soit une par pays, la commission sera appuyée par plusieurs institutions spécialisées. Ainsi, contrairement au processus en vigueur dans la Cemac, les comités ministériels seraient considérés comme des institutions spécialisées, notamment sur les questions économiques, monétaires, sécuritaires, agricoles, numériques…

La philosophie du rapprochement institutionnel consiste à étendre les compétences de certaines institutions à la nouvelle communauté et de supprimer celles qui seront jugées incompatibles. Dans cet esprit, il est prévu que l’architecture judiciaire et le Parlement de la Cemac soient reversés dans la nouvelle ossature institutionnelle. Bien sûr, quelques amendements devraient y être apportés. De même, le mécanisme sécuritaire de la Ceeac devrait être étendu. La proposition a reçu les félicitations des Hauts responsables, qui ont demandé au cabinet de poursuivre son travail sereinement, mais dans la prise en compte des délais.

Citoyenneté communautaire

Pour le cabinet Carletas, ingénieur de conception de la matrice institutionnelle de la nouvelle Cer, l’architecture devra aussi se charger de booster l’ancrage de la citoyenneté communautaire. Actuellement, il y a une carence en sentiment d’appartenance communautaire. En tant que communauté, l’Afrique centrale est très en retard en la matière par rapport aux régions d’Afrique de l’ouest, d’Afrique de l’est et d’Afrique australe. Cette affirmation de l’indice d’intégration publié en 2016 par la Communauté économique des Nations unies pour l’Afrique s’appuie sur de nombreux facteurs.

Notamment le manque d’information sur la conduite du processus d’intégration, l’implication limitée de la société civile et de la jeunesse, le sentiment de peur d’envahissement et de xénophobie, la construction politique des discours d’inhospitalité, l’absence de mobilité et de communication entre les peuples… Ainsi, le Cabinet Carletas propose que, dans sa construction, la nouvelle institution intègre ces dimensions notamment dans l’organigramme des institutions et dans les programmes et activités qui seront mis en œuvre.

Capitalisation d’expériences

La construction de la nouvelle Cer se fait également en examen des modèles des autres communautés. A cet effet, une délégation composée de la Ceeac, de la Cemac et du Secrétariat technique du Copil s’est rendue successivement en Afrique de l’ouest et en Afrique de l’est. Avec les officiels de ces différentes communautés, la délégation d’Afrique centrale a échangé sur le fonctionnement de certaines institutions. Ainsi, il est apparu qu’en Afrique de l’ouest, les Cer (Uemoa et Cedeao) ont réduit le nombre de programmes à seulement 27. Les mêmes communautés ont réduit la taxe communautaire d’intégration à 1% divisée en part égale de 0,5% pour chacune d’elles au moment du recouvrement des fonds. En Afrique de l’ouest toujours, l’institution judiciaire communautaire, qui rend des centaines d’arrêts par an, est convoquée juste lorsque le travail l’impose. Ainsi, seul un secrétariat est permanent. Ce qui facilite de grosses économies financières.

A la présentation du rapport de cette mission lors de la récente réunion des hauts responsables du cadre de concertation, le président du Copil et les tops manager des Cers ont «recommandé que les points positifs desdits voyages soient capitalisés dans la mise en œuvre du processus de rationalisation et dans la conduite des réformes en cours à la Ceeac et à la Cemac» indique le communiqué final de ladite rencontre.

Zacharie Roger Mbarga

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