Union africaine: Le sommet de la consolidation

Les 55 membres de l’organisation panafricaine se sont séparés le 02 juillet 2018 avec des avancées importantes. Les leçons à retenir. 

Le 31e sommet de l’Union africaine (UA) est le dernier sous le magistère du président rwandais Paul Kagame. Il aura été celui de la consolidation des acquis. L’un des signaux les plus expressifs de ce succès est l’onction donnée par l’ensemble des chefs d’Etat à la candidature rwandaise au secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). L’assemblée générale a exhorté tous les Etats membres à soutenir la candidature de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Communauté d’Afrique de l’est, au poste de secrétaire général de l’OIF. Le débat aura donc été très court sur les atermoiements d’un soutien collectif à cette candidature.

Plusieurs sujets ont connu une réelle avancée. L’une des principales recommandations pour la lutte contre la corruption (thème de l’année 2018) a été : l’adoption par les Etats des mesures de garantie de déclaration des avoirs par les personnalités publiques. Et ensuite, l’abolition progressive des juridictions du secret bancaire et des paradis fiscaux. Les projets intégrateurs de l’Agenda 2063 qui semblent concentrer l’action de la Commission de l’UA ont aussi connus des avancées.

I- Zone de libre-échange continentale africaine
Cinq nouvelles signatures de l’Accord de libre-échange continental ont été enregistrées lors de ce sommet. Pour l’essentiel, ce sont les pays d’Afrique de l’est qui ont rejoint leurs compairs africains. L’Afrique du Sud, la Namibie, le Burundi, le Lesotho et la Sierra Leone portent ainsi à 49 le nombre de pays signataires. Le cas de l’Afrique du Sud est suffisamment saisissant. L’acte que pose le président sud-africain Cyril Ramaphosa est le marqueur d’une reprise des relations saines entre la nation arc en ciel et l’organisation continentale.

Lors du sommet-anniversaire des Brics prévu en Afrique du Sud du 25 au 27 juillet prochain, Pretoria devrait rassurer ses partenaires en vue d’une ratification de l’Alec. A ce sujet, la Commission de l’UA, dépositaire des instruments de ratification, a reçu deux instruments de plus. Ils viennent du Tchad et l’Eswatini (anciennement le Swaziland). Ce qui porte ainsi à 6 le nombre d’États ayant ratifié l’Alec. Il faut encore 16 pour que cet accord entre en application.

Afin de dynamiser l’entrée en vigueur de la Zlec, «les chefs d’Etat et de gouvernement ont exhorté les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier l’accord et ont exhorté tous les Etats membres à s’abstenir de conclure des accords commerciaux bilatéraux jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Accor de libre-échange continental (Alec)», indique le communiqué publié à la fin de la séance de travail sur la Zlec.

La seconde phase de négociations de l’Alec se poursuivant et en rapport avec la préparation des protocoles de la Zlec sur les services, l’assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement a retenu cinq secteurs prioritaires des services. Il s’agit des transports, de la communication, des finances, du tourisme et des services aux entreprises.

II- Réformes institutionnelles
La principale avancée est la création de l’agence de développement de l’UA. L’assemblée des chefs d’Etat a approuvé la création de l’African Union Developpment Agency (AUDA) en tant qu’organe technique de l’organisation panafricaine. Elle a demandé à la Commission de l’UA d’élaborer un statut et à le soumettre au sommet de janvier 2019. Ceci en consultation avec l’Agence de planification et de mise en œuvre du Nepad (Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique).

Pour mémoire, l’agence du Nepad est l’organisation responsable de la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et soutient la réalisation de divers programmes et initiatives de développement dans les pays africains. La transition du Nepad à l’AUDA se fera avec le processus de création de l’agence. C’est-à-dire qu’à l’image de la transition OUA-UA, les deux institutions vont cohabiter pendant un certain nombre d’années (généralement 2 ou 3 ans) avant la mort du Nepad.

D’autres institutions centrales telles que le Parlement panafricain, le Conseil de paix et de sécurité, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs et le Conseil consultatif sur la corruption doivent encore voir leur contenu préciser. Les chefs d’Etat ont prescrit la finalisation des propositions et recommandations basées sur les conclusions initiales, sur ces organes.

Enfin, les chefs d’Etats ont demandé la mise en œuvre de la feuille de route sur la clarification de la division du travail entre l’Union africaine, les Communautés économiques régionales, les États membres et les organisations continentales techniques. Une curiosité quand on sait que le leitmotiv de la réforme déjà en cours est de clarifier les compétences entre ces différents acteurs de l’intégration continentale.

III- Paix et sécurité
En matière de paix et de sécurité, l’UA a adopté la décision du Conseil de paix et de sécurité de désigner le 7 avril de chaque année Journée de commémoration de l’Union africaine du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda. Elle a en plus exhorté les pays à transmettre leur rapport sur les initiatives à entreprendre pour faire taire les armes d’ici 2020. Seuls deux pays, la Zambie et le Zimbabwe l’ont fait jusqu’ici.

Les chefs d’Etat ont en outre planché sur la situation sécuritaire du contient. Ils se sont félicité de l’amélioration des relations Ethiopie-Erythrée et de la visite historique d’une délégation érythréenne à Addis Abeba qu’a personnellement accueillie le Premier ministre Abyi Ahmed le 26 juin dernier.

Au Soudan du Sud, l’UA a réaffirmé son soutien à l’imposition de mesures punitives contre les entraves aux efforts visant à la réconciliation et à la paix dans le pays. La conférence des chefs d’Etats invite l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à maintenir voire accentuer ses efforts visant à revitaliser le processus de mise en œuvre de l’accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud.

Pour la situation en Libye, « l’assemblée a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation sécuritaire persistante en Libye, qui continue de prolonger les souffrances du peuple libyen. Tout en notant les progrès réalisés dans diverses situations préoccupantes sur le continent, l’Assemblée a également décrit les mesures à prendre pour résoudre les crises et a attribué les responsabilités aux diverses parties prenantes impliquées dans les processus» indique le communiqué au terme de la réunion ad hoc.

IV- Budget
Pour l’exercice 2019, le budget de l’organisation continentale s’élève à 681.485.337 us dollars. Il couvrira trois composantes : les opérations, les programmes et les opérations de soutien de la paix. C’est un budget réduit de 12% par rapport à celui de 2018. C’est le premier budget à être adossé sur les programmes et les compétences. Les sommets de l’année 2019 se dérouleront sous le thème «année des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées en Afrique : vers des solutions durables au déplacement forcé». L’égyptien Abdel Fattah Al Sissi présidera aux destinées de l’organisation.

Zacharie Roger Mbarga

 

Moussa Faki Mahamat à Yaoundé 

Le président de la Commission de l’Union africaine effectue une visite officielle au Cameroun du 12 au 13 juillet 2018.

16 mois après son élection à la tête du gouvernement de l’organisation continentale, Moussa Faki Mahamat se rend au Cameroun. Un pays qu’il connait bien ayant été le ministre des Affaires étrangères de la République du Tchad au plus fort des menées terroristes de Boko Haram. C’est justement cette relation chaleureuse qu’il entretient avec le cercle diplomatique et politique camerounais qui a pesé dans son élection à la tête de la Commission de l’Union africaine. Le soutien de Yaoundé avait été déterminant dans son adversité sous-régionale avec le candidat équato-guinéen et dans sa quête continentale avec les représentants des autres régions. Au Comité des représentants permanent comme au Conseil exécutif, le Cameroun l’a fortement soutenu. Désormais auréolée de son magistère, la première visite de Moussa Faki en terre camerounaise depuis son élection est un croisement de remerciements et de visite de travail.

Dossiers
Au Cameroun, le président de la Commission de l ’UA fera le point sur les dossiers d’intégration régionale, de sécurité et évidemment de politique nationale. Il tentera d’arracher la ratification de l’Alec au Cameroun ainsi que son soutien agissant à la réforme institutionnelle de l’organisation. Le Cameroun n’a pas encore marqué son adhésion pour le projet de marché unique de l’aérien susceptible de donner une accélération à la libre circulation des personnes sur le continent. Sur le plan de la sécurité, le pays de Paul Biya ne s’est toujours pas positionné sur l’initiative «faire taire les armes en 2020».

Il est pourtant dans une région où crépitent très souvent les armes notamment légères et de petits calibres. Deux conférences successives ont estimées à 10 millions d’armes de cet acabit qui circuleraient dans la région. Autre sujet dans ce sillage, la lutte contre Boko Haram. Sur le sujet de la crise dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, Moussa Faki pourra réitérer sa position à savoir: «les circonstances et l’intérêt de l’Afrique appellent au dépassement de soi, au compromis et au sens de l’intérêt général».

Zacharie Roger Mbarga

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