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86,31% au Nord-Ouest et 68,79% au Sud-Ouest…: Paul Biya vainqueur sur les terres de la colère

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Un édifice en feu à Bafang

Pendant que les canons grondent dans les collines du Nord-Ouest et les forêts du Sud-Ouest, les bulletins, eux, murmurent la victoire du chef.

Un édifice en feu à Bafang

86,31% au Nord-Ouest et 68,79% au Sud-Ouest… Dans les régions anglophones du Cameroun, où les balles parlent plus fort que les bulletins de vote, Paul Biya a remporté une victoire confortable. Là où l’État peine à circuler, les urnes, elles, ont trouvé le chemin du bureau de vote. Miracle logistique ou magie politique ? Certains ironisent : « même les fantômes auraient voté Biya » ; « là où le fracas des armes a remplacé les discours, son triomphe semble avoir survécu aux balles. Car là où les électeurs se cachent dans les forêts, les résultats, eux, surgissent avec la précision d’un décompte céleste », s’amuse un habitant de Bamenda, faussement candide.

« Débat »

Pour le sociologue électoral Jonas Ngu, enseignant à l’Université de Douala, il n’y a pourtant rien d’étonnant : « Au Cameroun, l’élection n’est pas un choix, c’est une liturgie. On la célèbre même quand on n’y croit plus. » Traduction : on prie pour la démocratie, et le miracle se produit, invariablement, à l’avantage du même fidèle.

Le sociologue Gladys Nfor, spécialiste des comportements électoraux, parle d’un « vote de délégation » : « Dans les zones de conflit, explique-t-elle, la peur et la fatigue civique font que les citoyens laissent l’État voter pour eux. Ce n’est pas de la fraude dans l’esprit des habitants, c’est une résignation organisée. On laisse faire, parce qu’on veut avant tout survivre. Les scores du RDPC dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest sont une manière de rappeler que l’autorité de Yaoundé est intacte, même dans les zones où elle ne s’exerce plus».

Les observateurs internationaux ont bien noté la faible participation. Mais l’absence de votants n’a jamais empêché la présence de résultats. Dans un sourire crispé, un diplomate en poste à Yaoundé glisse : « Ici, l’administration vote pour le peuple. C’est plus rapide et surtout plus sûr. » L’humour diplomatique a parfois des accents de lucidité.

Les experts en communication politique, eux, parlent d’« ingénierie du consensus ». Une machine invisible, huilée par la peur, la fidélité administrative et un soupçon de créativité statistique. Ce moteur discret, dont le régime garde jalousement les plans, garantit que tout fonctionne, même quand plus rien ne marche. Paul Biya, 92 ans, reste le grand maître de cette mécanique du pouvoir. Présent sans être vu, entendu sans parler, il règne comme un écho dans les collines brumeuses du Nord-Ouest. « C’est un prodige d’ubiquité politique », ironise un chercheur du Centre d’études politiques africaines. « Il gouverne sans bouger, et gagne sans campagne. À ce niveau, ce n’est plus de la politique, c’est de la métaphysique. »

Les partisans du chef, eux, y voient la preuve d’un attachement indéfectible. Les sceptiques, celle d’un système électoral en pilotage automatique. Et pendant que les uns célèbrent la victoire au champagne administratif, les autres comptent leurs morts dans le silence des collines.

Ongoung Zong Bella

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