Crise anglophone : Dynamique mondiale des jeunes (DMJ) écrit à Paul Biya

Monsieur le Président, il faut redonner confiance aux anglophones

 Dupleix Kuenzob  Secrétaire Exécutif  DMJ

 

 

Excellence Monsieur le Président  de la République du Cameroun,

Nous avons formulé, au cours des mois passés et par voie de correspondances, des propositions adressées aussi bien à votre haute autorité qu’à la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM), afin d’apporter notre modeste contribution à la résolution de la crise socio politique qui secoue notre cher et beau pays le Cameroun, qui pourtant se trouve en situation cruciale de veille électorale si l’on s’en tient aux échéances que vous avez bien voulu rappeler et réitérer dans vos derniers discours à la nation. Sans présager de l’issue réservée à ces précédentes suggestions, nous nous empressons de vous faire connaitre toute nouvelle idée qui nous semble pertinente et utile pour éviter au Cameroun tout enlisement.

La situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest préoccupe désormais au premier chef tou(te)s les camerounais(es) que nous sommes, fiers de notre unité dans la diversité, mais aujourd’hui en mal avec la perception suspicieuse de la cohabitation entre les pratiquants des deux langues officielles. En effet, depuis presque deux ans, un ensemble de revendications ont été soulevées dans ces Régions, rendant notre fierté spécieuse. Celles-ci ont dégénéré en érection d’exo groupes armés perpétrant enlèvements et tueries, véhiculant la peur.

Du moment où cette situation qui s’ajoute à celle des Régions septentrionales dure et prend des proportions de plus en plus inquiétantes malgré les réponses gouvernementales et les efforts consentis par les forces armées déployées sur le terrain, il devient urgent pour Dynamique mondiale des jeunes (DMJ), organisation de la société civile camerounaise jalouse des valeurs citoyennes et de paix, d’attirer votre attention sur la nécessité d’impulser une action forte de non-violence et de cesser le feu, pour guérir le malaise social et recréer dans ces régions comme dans les autres parties du territoire national, la confiance en l’Etat, aux institutions de la République et aux personnes qui les incarnent, avant que les échéances électorales de masse ne soient convoquées.

Aussi, sur la base de nos observations et analyses, faisons-nous des propositions dont la prise en compte contribuera à mieux ancrer la cohabitation et le vivre ensemble ainsi que de meilleurs rapports entre populations et gouvernants dans cette partie du pays et ailleurs.

  • Pourquoi les démarches jusqu’ici entreprises sembleraient-elles infructueuses ?

 

Le problème dit anglophone est presque aussi vieux que notre indépendance. Des réclamations ont toujours eu cours, de manière tacite ou clairement exprimée. Si durant toutes ces décennies beaucoup de gens ont estimé ne pas être satisfaits de l’écoute accordée à leurs préoccupations et aspirations, l’on peut logiquement parvenir à l’idée que :

  • les problèmes formulés n’ont jamais été considérés comme tels (négation des problèmes) ;
  • les parties impliquées dans la résolution n’y abordaient pas en profondeur les esquisses de solutions envisagées.

Ces hypothèses peuvent expliquer qu’il y ait eu tant d’émissaires, tant d’initiatives de dialogue, mais que les revendications soient demeurées continues, avec la même fermeté.

Proposition 1 : Il est reconnu au Cameroun que tous les responsables, à quelque titre que ce soit, doivent leur position à la seule personne du chef de l’Etat. Qu’ils soient élus ou nommés. Raison pour laquelle tous les remerciements s’adressent au chef de l’Etat en personne, que ce soit après des nominations ou pour l’appréciation des améliorations apportées dans la gouvernance ou le développement d’une localité, traduisant la conviction profonde que le chef de l’Etat est au centre de toutes les bonnes œuvres, et par conséquent serait la seule autorité dont les décisions sont définitives.

Cette conception de la gestion du pays fait comprendre que la présence du chef de l’Etat en personne comme interlocuteur dans la recherche des solutions convaincrait définitivement de la bonne foi du gouvernement à vouloir résoudre le problème dit « anglophone ». D’où, au lieu de lancer seulement des appels à sa candidature à la prochaine élection présidentielle, il est aussi pertinent selon nous de vous appeler à une rencontre directe avec les principales forces vives différenciées de ces régions. Ce que nous avons qualifié de dialogue structuré dans nos précédentes propositions.

  • Comment sortir les populations des Régions dites anglophones de leur situation ?

 

A l’état actuel des choses, les destructions de biens, les flux des déplacés et même des exilés (réfugiés) est de nature frustrante du fait des misères que les populations endurent. L’insécurité dans nombre de localités a atteint le niveau de l’horreur. Des enlèvements et des menaces de la part de ceux qui se réclament de « l’Ambazonie », territoire virtuel qui ne figure sur aucune carte géographique du Cameroun, troublent profondément les esprits dès lors que les réseaux sociaux attribuent indifféremment de tels actes aussi bien aux forces de défense qu’à des agresseurs, des ravisseurs et bandes armées non identifiables.

Ces conditions sont de nature à semer définitivement le doute au sein des populations quant à l’assurance de leur sécurité et leur protection, surtout qu’elles ont observé que lors de l’élection des Sénateurs, des Conseillers Municipaux ont été déportés par vol militaire de leurs circonscriptions pour aller voter dans des lieux à la sécurité garantie.

Si les grandes villes de ces régions baignent dans un calme relatif, les populations de l’arrière-pays (l’hinterland) ploient sous le coup des menaces diffuses et centrifuges.

Proposition 2 : Si on s’imagine que les populations doivent aspirer à mieux vivre, et que d’autres élections auront lieu sous peu au cours de cette année 2018, il est nécessaire pour le chef de l’Etat de prendre des mesures fortes et urgentes pour que les fils de la Nation Cameroun sortent des forêts, déposent les armes et que l’armée retourne dans les casernes. La déclaration d’un cesser le feu formellement prononcée par le Président de la République est par conséquent souhaitée.

  • Comment mettre à contribution l’éducation dans la résolution de la crise ?

 

En dehors des faits historiques qui ont consacré l’unification et la réunification, le Cameroun vit un système ambivalent de gouvernance. Ce n’est que récemment qu’un code de procédure pénale harmonise les règles de procédures sur l’ensemble du territoire, même si les pratiques judiciaires nous paraissent différentes. Des efforts sur le plan éducatif sont palpables, si on considère que dès la maternelle tout enfant peut côtoyer à la fois le français et l’anglais. Seulement, les systèmes éducatifs et académiques sont foncièrement différents, ce qui sur le plan des méthodes de travail dans l’administration induit certaines procédures différentes, que ne maîtrisent pas forcément ceux qui ne sont pas du sous-système appliqué dans la localité concernée.

La non maîtrise par beaucoup de francophones travaillant dans les zones anglophones, de la langue, des concepts spécifiques au sous-système anglophone et des procédures propres au Common Law en application dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, ont régulièrement fait croire que l’administration planifie de rendre dominant le sous-système francophone.

Proposition 3 : En complément des réponses antérieurement apportées au problème anglophone, le Président de la République devrait mettre en place avant la prochaine rentrée scolaire et académique, un dispositif ou mécanisme qui montre que le Cameroun est en train de penser à un système éducatif unique hybride, intégrant entièrement les deux sous-systèmes.

  • Quelle politique de développement adopter à court terme ?

 

Il est de notoriété publique que la bonne route accélère le développement. Les limites infrastructurelles font penser à une volonté d’enclavement de certaines localités parmi lesquelles les Régions anglophones. La Nationale reliant l’Ouest au Nord-ouest est impraticable à partir de plusieurs kilomètres avant Santa, première localité pour entrer dans le Nord-ouest. Aussi, une connexion routière directe entre le Nord-ouest et le Sud-ouest fait-elle cruellement défaut.

En outre, le processus en cours de la décentralisation n’a pas encore donné une autonomie suffisante aux Collectivités territoriales décentralisées pour qu’elles soient effectivement garantes du développement local. Avec l’absence des conseils régionaux, le système central demeure très prégnant. Dans cette logique, quels que soient les efforts de développement pour ces deux régions, ces deux situations font soupçonner non pas des choix difficiles conditionnés par les ressources disponibles pour le développement, mais la manifestation d’une volonté politique expresse de marginalisation.

Proposition 4 : Accélérer la mise en place des conseils régionaux en cette année 2018 avant toute autre élection, lancer officiellement des opérations civilo-militaires dans les villages détruits afin que les voies et infrastructures de communication soient établies et que l’éclairage public urbain et rural soit effectif, enfin, faciliter la communication par route entre les Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest et entre ces deux régions et celles environnantes.

Excellence Monsieur le Président de la République, la situation des populations du Nord-ouest et du Sud-ouest vous suggère de prouver qu’elles ne sont pas marginalisées ni dans le quotidien des peuples ni dans les sphères de gouvernance. Du moment où sur tant d’années le mal persiste et s’est même traduit en revendications très fortes et maintenues, sans que les autorités que vous avez commises à y trouver des solutions n’aient pu véritablement convaincre les mécontents, il vous revient de répondre aux désirs des peuples, d’agir en personne en bon père de famille, en décidant des actions pratiques et opérationnelles qui répondent directement à leurs préoccupations.

C’est à ce prix, croyons-nous, que la confiance peut être restaurée au sein de ces populations et entre ces endo-groupes et les institutions de la République. Il est par ailleurs évident que le coût global de mise en veille (alerte) de notre armée pour assurer la sécurité des populations dans les deux régions anglophones sera à jamais supérieur aux moyens qui auraient été engagés pour répondre aux aspirations de leurs populations.

Dynamique mondiale des jeunes, en tant qu’organisation qui prépare les jeunes à la compréhension et au portage des responsabilités publiques dans l’optique de la gouvernance et de la décentralisation, reste toujours disposée à apporter sa modeste contribution pour la construction nationale. Son action vise à mobiliser les jeunes pour la pleine réalisation de leur potentiel au plan local, la promotion de l’intégrité et le développement du sentiment national axé sur les valeurs citoyennes et le droit.

Veuillez croire, Excellence Monsieur le Président de la République du Cameroun, l’assurance de notre participation constante dans la recherche commune des solutions aux problèmes qui minent notre pays.

Dupleix Kuenzob

Secrétaire Exécutif DMJ

kdupleix6@yahoo.fr

Tél.: (+237) 677 68 55 12

664 79 32 32

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