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Développement : la Cemac a mal à ses prévisions macro-budgétaires

Conscient de cette limite, qui menace les objectifs de la stratégie régionale de riposte à la crise économique, le FMI a entrepris de renforcer les capacités des pays et des institutions communautaires dans ce domaine.

L’année dernière, lors  des discussions avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour l’adoption d’une stratégie régionale de riposte à la crise économique actuelle, le Fonds monétaire international (FMI) a mis en garde : «la pièce maîtresse de ces programmes est un ajustement budgétaire marqué, lequel exige une accélération des réformes visant à renforcer les systèmes de gestion des finances publiques (GFP) et à accroître la mobilisation de recettes non pétrolières. Si les capacités dans ce domaine n’étaient pas renforcées, les programmes risqueraient de ne pas atteindre leurs objectifs, les arriérés pourraient continuer de s’accumuler et la confiance des marchés à l’égard des trajectoires d’ajustement pourrait être ébranlée». L’institution de Bretton Woods s’est alors engagée à offrir une assistance technique au pays en matière de renforcement des capacités afin de maîtriser ce risque.

Le séminaire organisé à Douala du 25 au 27 avril dernier par le Centre régional d’assistance technique du FMI pour l’Afrique centrale (Afritac centre) participe de cet engagement. Thème de la réflexion : «les défis du renforcement de capacités dans le domaine macro-budgétaire». Pour en discuter, les directeurs généraux  en charge de l’économie ou du budget, les directeurs en charge de la conjoncture et de la prévision ou de la préparation du budget, les responsables des comités de cadrage macroéconomique et budgétaire d’Afrique centrale, les responsables de la Commission de la Cemac, du secrétariat générale de la CEEAC et du Afritac centre.

Etat des lieux

«L’assistance technique est une denrée coûteuse. Il nous faut bien cibler les interventions de l’Afritac Centre, éviter les duplications, et s’assurer qu’elles cadrent bien avec les besoins des pays et s’inscrivent dans le nouveau système de suivi de l’assistance technique fournie par le FMI», justifie Severin Yves Kamgna. Cet ancien cadre de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) est depuis novembre 2017, conseiller en gestion macro-budgétaire à Afritac Centre. Le Camerounais est l’un des deux experts qui ont éclairé les échanges.

Au cours des travaux, un état des lieux du dispositif institutionnel d’analyse et de prévision macroéconomique et budgétaire en Afrique centrale a été dressé.  Il en ressort que, dans de nombreux pays de la sous-région, les dispositifs existants dans ce domaine souffrent de carences importantes. Ils sont souvent fragilisés par des cadres institutionnels peu opérationnels ou insuffisamment formalisés et la faible qualité des données. De plus, l’appropriation des techniques et outils disponibles est fréquemment rendue difficile par la taille et la forte mobilité des effectifs dédiés. Ces carences limitent la qualité des analyses macroéconomiques et budgétaires, mises à la disposition des décideurs, et la profondeur du dialogue de politique économique avec les partenaires techniques et financiers notamment le FMI.

Aboudi Ottou

 

Alain BoukaMaganda : «les prévisions et analyses peu fiables peuvent avoir des conséquences dommageables pour nos économies»

Le directeur général adjoint du budget et des finances public du Gabon a pris part au séminaire organisé par Afritac centre. Il dresse l’état des lieux du dispositif institutionnel d’analyse et de prévision macroéconomique et budgétaire en Afrique centrale.

Le Centre régional d’assistance technique du FMI pour l’Afrique centrale (Afritac centre) vient d’organiser un séminaire régional sur «les défis du renforcement des capacités dans le domaine macro-budgétaire». Quel est l’état des lieux actuel du dispositif institutionnel d’analyse et de prévision macroéconomique et budgétaire en Afrique centrale et dans votre pays en particulier ?

Le tableau dressé par les participants au séminaire que vous évoquez n’est guère reluisant. Certains ont exprimé des insuffisances allant de la volonté politique au faible ancrage des résultats des travaux de cadrage macroéconomique dans le processus de prise de décisions ; en passant par le cloisonnement des services impliqués, l’absence de cadre normatif et l’inexistence des comités de cadrage. Il apparait à l’issue de cet examen la nécessité de créer, de renforcer, d’opérationnaliser ou de redynamiser les comités de cadrages macroéconomique et budgétaire, en impliquant tous les acteurs dans le processus de leur élaboration.

Au Gabon en particulier, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes. La volonté politique impulsée, par le président de la République, chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, a permis de mettre un accent particulier sur un dispositif institutionnel qui encadre aujourd’hui cette importante activité.

 

On l’imagine, tous les pays de la sous-région ne sont pas logés à la même enseigne. Quels sont ceux qui pourraient inspirer les autres ?

La fonction macro-budgétaire peut être également appréciée au niveau technique, organisationnel et sur le double plan des ressources humaines et financier. Techniquement, par exemple, un bon cadrage macroéconomique dépendra de la disponibilité et de la qualité des données statistiques, d’une part, et de la robustesse et du degré d’appropriation des outils, d’autre part. Dans tous les cas et en l’état actuel des dispositifs présentés, le volet fonctionnement des comités de cadrage des pays gagneraient à s’inspirer des cas du Gabon et de la RDC.

Par ailleurs, loin de remettre en cause les outils de programmation budgétaire existants dans les autres pays, l’exemple du Cameroun devrait servir, pour l’ensemble des pays de la zone, à l’instar de Sao Tomé et Principe qui ne disposent à ce jour d’aucun outil de prévision.

 

Avec le dispositif institutionnel actuel, quelle fiabilité peut-on accorder aux prévisions macroéconomiques et budgétaires faites par les pays de la sous-région ?

Le dispositif institutionnel, certes, est un élément fondamental dans le processus de cadrage macroéconomique et budgétaire. Mais, comme je venais de l’indiquer, il faudrait associer à cela non seulement un dispositif technique et organisationnel, mais aussi des moyens humains qualifiés et financiers importants, pour garantir la fiabilité des prévisions macroéconomiques et budgétaires.

 

Quel impact des prévisions et analyses peu fiables ont-elles sur le développement des pays ?

Les prévisions et analyses peu fiables peuvent avoir des conséquences dommageables pour nos économies. L’élaboration des prévisions a pour finalité la mise en œuvre des politiques économiques et sociales. Or, en présence de prévisions peu fiables, nous introduisons des biais dans toutes les actions ayant une incidence sur le développement de nos pays, notamment dans l’appréciation du solde budgétaire et l’analyse de la viabilité de la politique d’endettement.

 

A l’issue de ce séminaire, sur quels aspects les pays présentent le plus de carence ?

Au terme de nos échanges, des insuffisances ont été identifiées. Les perspectives devaient beaucoup plus porter sur la production des données statistiques crédibles et le renforcement des outils de prévision. Un regard particulier devrait également être porté sur l’amélioration des livrables, notamment la production des documents sur l’impact des politiques budgétaires et fiscales ainsi que les risques budgétaires associés.

 

Que pensez-vous qu’Afritac Centre peut faire pour aider les pays de la sous-région?

Afritac Centre, comme les autres partenaires techniques et financiers, devrait apporter un appui considérable aux pays membres dans l’amélioration de la mise en œuvre de la fonction macro-budgétaire. Cet appui devrait être orienté vers : l’assistance dans la collecte et le traitement des données statistiques ; le renforcement des capacités en techniques quantitatives et modélisation économique ; le développement des mécanismes d’appropriation des processus et d’élaboration des guides méthodologiques, ainsi que les manuels de procédures des dispositifs institutionnels et techniques.

Par-dessus tout, nous comptons sur Afritac Centre pour un plaidoyer auprès des acteurs politiques, pour un soutien plus accru des gouvernements à l’analyse et à la prévision macroéconomique et budgétaire. Ce plaidoyer pourrait aussi être élargi aux autres bailleurs de fonds.

Interview réalisée par AO

 

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