Union africaine: Nepad à la croisée des chemins

17 ans après le sommet de Lusaka, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique peine à satisfaire les espoirs placés en lui. L’Agenda 2063 et le processus de réforme de l’UA rende mécanique le besoin de mutation de cette organisation.

Ibrahim Mayaki, CEO du NEPAD
I- Nouveaux défis 
Au crépuscule de son format organique actuel, l’agence du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) semble être essentiellement positionnée sur le plan décennal de l’Agenda 2063. A l’observation, cette nouvelle opérationnalisation repose sur 5 axes : les technologies et les compétences, le développement durable et l’environnement, la santé, agriculture et alimentation, l’interconnexion régionale.
Infrastructures
Le Nepad dispose désormais d’une étude de la faisabilité technique du projet de réseau continental de train à grande vitesse. Le secrétariat de l’Unité de mise en œuvre du projet sera hébergé par l’agence du Nepad. Conformément au programme minimum d’intégration de l’Union africaine, une campagne d’augmentation des ressources africaines aux infrastructures africaines a été lancée.
L’objectif est de faire passer ces allocations à 5%. Actuellement, le seuil représente 1,5% des actifs sous gestion (ASG). La feuille de route proposée suggère une augmentation des fonds de pensions africains et des fonds souverains. Le Nepad escompte une participation de ces fonds dans les infrastructures africaines à hauteur de 5%. La campagne a été menée sur différentes plateformes, y compris un Réseau d’affaires continental tenu à la 72ème réunion de l’Assemblée générale des Nations unies.
En matière d’innovation, l’Union africaine vient de retenir trois technologies pour une exploitation entrepreneuriale. Il s’agit de l’application du forçage génétique pour l’élimination du paludisme, l’application de la technologie des drones pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, la promotion de micro-réseaux pour étendre l’accès à l’énergie en Afrique.
Grâce à une étude menée conjointement par les Nations unies, l’université (UNU-MERIT) et l’agence du Nepad, un riche corpus de connaissances sur les innovations en Afrique a été produit et présenté dans le rapport intitulé «Innovations en Afrique : mesures, politiques et enjeux mondiaux». L’étude a débouché sur la mise en œuvre des programmes et stratégies suivantes: l’Initiative science et indicateurs d’innovation technologique en Afrique (ASTII), la Stratégie pour la science, la technologie et l’innovation en Afrique (STISA) 2024 et les implications de la révision du Manuel d’Oslo sur l’innovation dans le secteur des entreprises en Afrique. Tout ceci rentre dans l’agenda de transformation numérique en Afrique.
Production
Le tout premier Rapport Biennal sur l’agriculture et le développement rural en Afrique présente en Janvier 2018 à Addis Abeba a permis de souligner les progrès réalisés sur les engagements de la déclaration de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture en Afrique pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie. Bien plus, le Nepad justifie également d’un outil d’évaluation appelé Cadre de Résultats du Programme de Développement Global de l’Agriculture en Afrique (PDDAA).
Celui-ci œuvre à la collecte et l’analyse des données et dote les pays africains des compétences et aptitudes requises pour le suivi et l’établissement de rapports. Dans le cadre du plan de durabilité, 34 experts ont été certifiés pour fournir un soutien technique aux processus d’examen biennal. Contribuant au corps de connaissances sur la gestion des risques agricoles dans le cadre de la transformation de l’agriculture sur le continent, quatre notes d’orientation ont été élaborées.
En outre, un cadre conceptuel accompagné de directives techniques pour l’intégration de la gestion des risques agricoles dans les plans nationaux d’investissement agricoles et de sécurité alimentaire (NAFSIPs) a été finalisé.
Des avancées significatives ont également été enregistrées dans la biosécurité. Le Nepad a instauré le réseau d’expertise sur la biosécurité en Afrique du (ABNE). En matière de sécurité alimentaire, de sécurité environnementale d’une part et sur les questions socio- économiques, juridiques et de communication, pertinentes en matière de biosécurité d’autre part, les pays peuvent faire recours à l’expertise du Nepad.
Développement durable
La position commune africaine dans les conférences internationales sur le changement climatique et la résilience environnementale a été renforcée depuis la Cop22 de Marrakech. Le soutien de l’agence du Nepad s’est fait par le biais d’une approche multidimensionnelle comprenant le lobbying, le plaidoyer et l’appui technique et financier aux plateformes stratégiques et autres groupes ciblés. En gros, le renforcement des facultés de négociation.
En outre, pour aider les pays à accéder au Fonds vert pour le climat, l’agence s’est soumise à un audit d’évaluation portant sur les normes fiduciaires du fonds, les garanties environnementales et sociales et la politique de genre.
En matière d’aquaculture, une plateforme politique portant sur le commerce continental de poisson a été mise sur pied. La plateforme envisage l’amélioration du commerce continental et régional du poisson et des produits de la pêche. Dix-neuf pays ont souscrit jusqu’ici.
S’agissant de la santé, une agence africaine des médicaments (AMA) est en création au niveau du Nepad. Elle est instamment en attente d’approbation des organes politiques de l’UA. Des experts juridiques et des experts en réglementation des médicaments de 33 pays planchent depuis peu sous cette initiative. L’éradication de la tuberculose se veut un pan important de cette politique continentale du médicament. Des essais ont été menés avec succès dans des laboratoires utilisant des technologies de forçage génétique pour modifier efficacement les populations de moustiques anophèles. Les Etats, les communautés économiques régionales (Cer), le secteur privé et la société civile se sont fixés pour objectif d’éradiquer le fléau d’ici 2030.
II- Pistes de la mutation
Le constat que pose la task force Kagame sur la réforme institutionnelle de l’UA est sans équivoque. Le Nepad a été incorporé à la Commission en tant qu’organe technique, mais dans la pratique ce n’est vraiment pas le cas. La coordination entre la Commission et le Nepad est toujours un défi pour chaque activité de planification et de mobilisation des ressources. Chaque institution mène ces activités quasiment de manière indépendante. Créant un climat de collaboration mêlant concurrence, imbrication et chevauchement.
Dans un contexte de rareté de la ressource financière, les actions indépendantes deviennent invisibles et sans impacts escomptés. Dans certains cas les deux institutions s’alignent sur les mêmes programmes et la même ressource financière. Par exemple, le Nepad se concentre sur l’industrie et les infrastructures, tandis que la commission couvre également ces domaines. De plus, la commission et le Nepad ont des rapports parallèles sur l’Assemblée de l’Union africaine et le comité des représentants permanents.
Recommandations
Le Nepad devrait être pleinement intégré à la Commission, peut-être en tant qu’agent de développement de l’UA, aligné sur les domaines prioritaires convenus et étayé par un cadre amélioré de suivi des résultats. Sur le plan thématique, les enjeux qui vont se présenter comprennent la création d’emplois, en particulier pour les jeunes, la dynamique rurale-urbaine, le changement climatique ainsi que l’industrialisation dans le but de renforcer les capacités de fabrication en Afrique. Les questions liées au commerce et aux marchés, en particulier au niveau régional et continental, constitueront des leviers importants pour la conduite des ambitions de développement nationales, régionales et continentales.
La mise en œuvre de la décision de l’Assemblée de l’UA en janvier 2018 sur le renforcement des capacités des organes et des institutions continentales constituera également une orientation importante pour la forme et le caractère futurs de l’Agence du Nepad. Cela devrait également avoir un impact sur l’amélioration et la rationalisation de la collaboration de l’Agence du Nepad avec les communautés économiques  régionales et la Commission de l’UA.
Zacharie Roger Mbarga

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