LIBRE-PROPOSPANORAMA

Résolution du «contentieux historique Cameroun-France».

Après quelques semaines de recul,  que peut-on retenir de la visite du président français Emmanuel Macron  au Cameroun ?

Daniel Yagnyè Tom

Cette visite de 02 jours au mois de juillet 2022, s’est déroulée dans un contexte difficile pour la France qui voit son influence s’éroder dans ses anciennes colonies africaines. Ce pays fait face désormais, sur les plans économique, politique et militaire, à une offensive agressive de certains pays tels que  la Chine, etc. Une France visiblement aux abois, du fait des retombées financières imprévisibles dues à la guerre Ukraino-Russe, qui tente tant bien que mal, de sauver ce qui reste de ses acquis dans ses anciennes colonies et territoire sous tutelle, tel le Cameroun.

Alors que des voix se lèvent de par le monde afin que la France reconnaisse enfin ses exactions au Cameroun, le président Macron, en visite à Yaoundé, tout comme son prédécesseur François Hollande, 07 ans plus tôt, s’est senti obligé de faire une petite sortie pour demander à des historiens de « faire la lumière » sur l’action de la France au Cameroun pendant la colonisation et après l’indépendance de ce pays. Le président français a parlé d’ouvrir « en totalité » des archives françaises sur des « moments douloureux » et « tragiques » : «Je souhaite que nous puissions avoir et lancer ensemble un travail conjoint d’historiens camerounais et français. Je prends ici l’engagement solennel d’ouvrir nos archives en totalité à ce groupe d’historiens qui nous permettront d’éclairer ce passé », a-t-il dit. « Il convient d’établir factuellement » des « responsabilités ».

On retient ainsi du président  Macron une sortie laconique avec une promesse de mise sur pied d’une commission avec ouverture des archives, et les responsabilités historiques partagées entre français et camerounais pendant cette époque abominable de la vie du Cameroun. Nous osons croire ici, qu’il s’agit, enfin, d’un engagement sérieux, et non d’une promesse fallacieuse et circonstancielle dont la France a le secret en ce qui concerne ce domaine sensible et douloureux.  Il faut dire, qu’il y a encore quelques décennies, pas grand monde, pour ne pas dire personne, ne parlait d’un « Contentieux Historique Cameroun-  France ». Evoquer ce sujet à cette époque, revenait à mettre de façon certaine sa vie en péril, tellement les enjeux étaient colossaux.   A titre de rappel, cette notion du « Contentieux historique franco-camerounais » est évoquée pour la première fois, à la page 33 du chapitre 1: Aux racines du mal camerounais, de l’ouvrage,  » L’UPC face au marasme camerounais, l’esprit d’avril à la rescousse !  » de Daniel YAGNYE TOM. Ouvrage publié aux éditions l’Harmattan en 2004.

Heureusement, les temps changent, et  l’un des acquis incontestables du passage du président Macron dans notre pays, reste sans aucun doute l’intérêt de plus en plus croissant des camerounais pour le règlement du « Contentieux Historique Cameroun – France ». Un règlement qui touche les aspects historiques, culturels, économiques et financiers.

Au delà d’une hypothétique et très peu probable volonté politique française :

  • De quoi va dépendre véritablement cette solution ?
  • Que faire aujourd’hui face à ce chapitre lié aux atrocités commises par la France et ses mains agissantes camerounaises contre les nationalistes UPCistes, lors de leur héroïque épopée pour l’indépendance du Cameroun ?

Notre sinistre histoire avec la France débute en 1916, en pleine guerre avec l’Allemagne, quand la France prend pied au Kamerun, qui devient ainsi de force un « Territoire sous mandat « accordé à la France par la Société Des Nations.

Il faudrait dire que pendant le séjour de Macron, la date  cruciale du 27 Août 1940  n’a pas été évoquée, il s’agit d’une omission grave et malheureuse qui satisfait l’amnésie volontaire de la France :

  • Sur les événements de Douala,
  • La naissance de la France Libre,
  • Les promesses non tenues du Général Charles de Gaulle et du maréchal Philippe Leclerc.

Il reste et demeure puéril d’imaginer un engouement de la France à révéler le jeu pervers auxquels se sont livrés ses « grands noms » tels que le général De Gaulle, Le maréchal Leclerc, le capitaine Laquintinie  entres autres, dans la mascarade, le mensonge et la fourberie criminelle vis-à-vis des nationalistes camerounais allés à la rescousse d’une France totalement laminée et humiliée par les nazis lors de la 2ème guerre mondiale.

Une affaire nationale avant tout!

Que dire de l’attitude du Cameroun et de sa classe dirigeante héritière de cet odieux et hideux système colonial français ! Système qui, dès 1960, a volontairement pactisé avec cette France criminelle au point de faire de véritables patriotes, des parias dans leurs propres pays ?

Est-il raisonnable  et éthique d’exiger plus d’un dirigeant français, lorsque les dirigeants camerounais eux-mêmes ont délibérément décidé d’occulter cette tragédie ? Le peuple camerounais, pour la majorité, est ignorant de l’héroïsme dont ont fait preuve ses générations précédentes dans la lutte pour l’indépendance de leur pays. Dans ses adresses de chaque 31 Décembre au peuple camerounais, pendant 40 ans de règne, le président Biya n’a jamais fait allusion aux noms et aux sacrifices des nationalistes pour le 1 er Janvier 1960.Il est inimaginable et scandaleux de voir en 2022, des noms tels ceux de Laquintinie, Leclerc, De Gaulle, être magnifiés au Cameroun, pendant que les noms de vrais nationalistes sombrent dans l’oubli de la mémoire historique collective.

Oui, Emmanuel Macron a raison de  parler de responsabilités partagées, mais la France ne saurait se dérober de sa responsabilité personnelle au niveau de ses atrocités, (utilisation du napalm, massacres, exactions…). Je reprends ici les propos de notre lettre à Emmanuel Macron du juillet 2022 où il ne saurait ignorer que : « des rivières de sang » furent versées de façons méthodiques et systématiques, pour le seul compte des intérêts de la France, par des esprits pervers et retors.  Cette hégémonie inique et violente, commanditée par ses prédécesseurs, dure jusqu’à ce jour sous forme de conventions, de manipulations, de tripatouillages, de passe-droits sous toutes ses formes, au grand désespoir d’une partie importante de la population camerounaise. Cette histoire dont les traces ont été méticuleusement effacées de la mémoire collective, ampute ainsi les Camerounais d’un pan fondamental de son sinistre patrimoine historique, dont la France a le rôle clé »

Le règlement du « Contentieux Historique Cameroun-  France » va aussi faire ressortir le rôle d’un Cameroun peu glorieux. « Le sang des martyrs camerounais » qui a coulé continue de réclamer « Justice ».  Reconnaître la lutte acharnée de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) pour la conquête de l’indépendance camerounaise, va permettre d’honorer ses nombreux martyrs. Le règlement de ce contentieux va permettre de  transmettre aux générations actuelles et futures, l’amour de leur pays, le patriotisme, et les sacrifices inouïs de leurs aînés dont l’histoire n’existe pas de façon officielle !

En un mot, il s’agit pour nous, de faire face à notre sombre histoire avec courage et esprit de pardon, afin de pouvoir amorcer le chemin d’une véritable réconciliation nationale.

De la nécessité d’une commission!

La recherche commune de la solution du « Contentieux Historique » doit  être l’un des piliers de notre Unité Nationale. Une Commission Nationale composée d’historiens, d’autres personnalités intègres et crédibles, est nécessaire voire indispensable aujourd’hui dans notre pays.

L’objectif de cette commission :

  • Connaître, assumer et valoriser enfin notre Histoire réelle.
  • Mettre en place une véritable réconciliation nationale.
  • Amener la France à reconnaître et à assumer son passé dans notre pays ;
  • La lutte contre le tribalisme, le repli identitaire, et les discriminations en tous genres.
  • Poser les bases de la solution du Contentieux historique national.

L’UPC : «Un Front uni pour un rayonnement nouveau» !

La guerre de l’armée française contre notre population avait pour principal objectif, la création d’un état camerounais entièrement acquis à la France. L’UPC, parti historique architecte de l’indépendance, a payé le tribu le plus lourd. De façon systématique et scientifique, la répression contre les UPCistes a réussi à effacer l’esprit conquérant du 10 avril 1948 avec la naissance de l’Union des Populations du Cameroun (UPC)  pour l’obtention de  l’indépendance.  Avec ses épisodes tragiques des années 1950 à 1970. Episodes où des centaines de milliers de militants et sympathisants du parti historique « UPC », Union des Populations du Cameroun, furent à cause d’un idéal de justice pour leur pays, pourchassés, assassinés, décimés avec méthode. Nous pouvons affirmer ici qu’il s’agit de l’une des véritables racines du «Contentieux Historique Cameroun – France»

Le système politique camerounais ayant pris le relai, dès 1960,  a méticuleusement perpétué l’œuvre du colon, sous son onction. A défaut de la voir disparaitre, l’UPC a été en grande partie vidée de sa substance idéologique pour devenir un parti présentant à l’heure actuelle, un visage  pitoyable « émietté » en plusieurs entités, incapables de parler d’une seule et unique voix. L’UPC a assez souffert de son patriotisme, avec ses enfants déchiquetés, exilés par des systèmes dirigés de mains de fer d’Amadou Ahidjo et Paul Biya, à savoir broyer définitivement l’esprit nationaliste et patriotique du mythique parti UPC.

A cet égard, il est primordial de réunir la grande famille UPCiste, toutes tendances confondues pour prétendre bénéficier d’une légitime reconnaissance lors de la résolution du « Contentieux Historique Cameroun – France ». L’UPC, unie va être le moteur indispensable dans ce vaste chantier de la reconstruction nationale. Pour ce faire, La sagesse africaine nous enseigne que « lorsque tu ne sais pas faire, regardes ce que fait ton voisin« .  Il serait judicieux de se tourner vers les patriotes sud-africains avec la création de leur « ANC » avec un type d’organisation et un mode de fonctionnement  constituée de plusieurs dizaines d’associations civiles, d’organisations politiques, syndicales dont le Parti communiste sud-africain.

L’UPC peut rester « plurielle » tout en étant unie  et avoir pleine conscience de sa légitimité historique pour  gouverner seule ou avec d’autres, un Cameroun réconcilié avec son histoire, un Cameroun nouveau.

  

Dr Daniel YAGNYE TOM

Président de l’Alliance Patriotique et

Représentant spécial de l’UPC

En Afrique Centrale

Et Australe.

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