Scandale des sextapes au Cameroun : Soupçon de gestion au cas par cas

Une jeune femme est placée en détention provisoire depuis la semaine dernière à la prison centrale de Yaoundé. À peine sortie de l’adolescence, la jouvencelle est accusée d’avoir inondé la toile du feu de la dénudation de son corps.

En suivant son itinéraire médiatique, cette affaire invoque (encore) une jeunesse intéressée à mettre les seuils de la pudeur à l’épreuve. Pas question, bien sûr, de rejouer ici l’opposition sans fin entre ce qui aurait pu être fait en amont et ce qui se fait actuellement en aval. Il s’agit maintenant de s’interroger sur les mécanismes à l’œuvre dans la définition du corpus des «scandales sexuels» à punir et ceux sur lesquels on ferme les yeux. Certains semblent retenir l’attention du parquet quand d’autres, traitant rigoureusement du même thème sous des modalités plus ou moins voisines, se voient épargnées.

La chose se dit avec une clarté particulière quand, au passage, on se remémore des sextapes montrant une ancienne footballeuse et son amante dans une scène à la dimension sexuelle explicite. Cette affaire, qui semble classée au rang de simple épisode pittoresque, autorise de construire un problème juridique. Oui, cette affaire se révèle efficace à échafauder un questionnement multiple: pourquoi punir ci et laisser çà, alors que cette affaire aussi laissait présager une stricte application des définitions de l’objet du délit, alors que la notion de «scandale» et l’exhibition du corps sont au fondement de la caractérisation du délit, tel qu’il a été conçu par les articles 263, 264 et 265 du nouveau code de procédure pénale?

S’agit-il de juger en fonction de ce qu’est l’individu ou de ce qu’il a fait? Il y a deux façons d’y répondre: soit en expliquant l’impasse que ces questions représentent, soit en intégrant le fait qu’on a eu peur d’un procès médiatisé contre des auteurs susceptibles de mobiliser une efficace campagne de défense. Ce «secret de famille» serait connu de quelques personnes qui auraient, ainsi, la capacité de faire du chantage et de donner libre cours à leurs pulsions perverses sans que personne ne parvienne à mettre des bornes à leur pouvoir. À cette aune, le débat n’est pas théorique mais très actuel. On dirait que la lecture juridique du «scandale sexuel» est obscurcie par d’autres considérations qui orientent ou brouillent les débats. Qu’on se le dise: le jeu des intérêts contradictoires, des rapports de force, est en contradiction avec l’exigence d’impartialité.

Et dans ce cas, il n’y a que les réseaux sociaux qui constituent la chambre d’enregistrement de l’indignation publique, l’espace informel de réparation de l’infamie et de la recherche des critères de définition du «scandale sexuel». Les débats qui y ont cours laissent intact le soupçon de gestion au cas par cas des affaires de vidéos sur la toile, et font le procès de pratiques venues d’ailleurs et de leur acclimatation au Cameroun. Cette manière de faire fait craindre l’avènement d’un ordre totalement dépravé, dans notre société ébranlée, négociant les certitudes qu’elle cherche à se donner d’elle-même. Le phénomène conjugue volontiers le relâchement en matière d’application impartiale de la loi et le défaut de prise d’initiatives. Parmi les incarnations les plus lisibles de ce «glissement», il y a la qualification des «scandales sexuels».

 

Ongoung Zong Bella

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